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Les Peter Pan arabes
Opinion
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 01 - 2019

Depuis quelque temps déjà, les adultes semblent avoir du mal à se détacher de leur jeunesse. Partout dans le monde, ces «kidults» ou «adulescents», comme on les appelle, assument et revendiquent de plus en plus leurs parts d'enfance. Cette nouvelle société de «Peter Pan» ou de «l'adolescence interminable» pour reprendre un terme propre à la psychanalyse n'est pourtant pas du goût de tous, surtout dans un monde arabe, touché de plein fouet par cette mutation venu tout droit d'Occident et la Tunisie n'en est pas épargnée, loin de là.
Les responsables de ce phénomène sont tout désignés :le tout numérique et le consumérisme effréné contribuent à l'infantilisation de l'individu adulte et donc de nos sociétés. Alors que le paradigme classique de l'âge adulte et de la maturité considère les comportements infantiles comme une régression et une déviance, les medias et la société de consommation érigèrent ces mêmes comportements comme un idéal à suivre. Une société plus «fun», moins sérieuse, impulsive et insouciante, est encouragée par les annonceurs et les marques, car plus apte à consommer. Il y aurait même une corrélation évidente entre l'accès à la consommation d'une société et son degré d'infantilisation.
Alors que dire du monde arabe où sont bâtis les plus grands «shoppings malls» de la planète, véritables temples dédiés à la consommation, où l'utilisation des réseaux sociaux et le nombre des chaînes de télévision (et donc l'accès à la publicité) sont parmi les plus élevés au monde et enfin où le concept d'«enfant roi» (l'enfant comme point central et pilier de la vie familiale et sociale) est bien ancré dans la culture. Là-bas, le jeunisme y trouve un terrain propice et les exemples n'y manquent pas. Au Liban, les prêts «nip-tuck» pour financer les opérations chirurgicales connaissent depuis un bon bout de temps un véritable engouement auprès des «Beiru-teens» ses (généralement) quinquagénaires qui veulent paraître 20 ans de moins. Aux Emirats Arabes Unis, 57% des consommateurs de jeux vidéo ont plus de 25 ans et 23% ont même plus de 35 ans (un chiffre en constante hausse) selon Statista. Au Qatar, les autorités s'alarment du gonflement de la dette des ménages pour (trop souvent) financer l'acquisition de biens de consommation aussi coûteux qu'inutiles. En 2016, plus de 75% des ménages qataris étaient endettés à plus de 65,000 dollars.
D'autres exemples suivent. Dans cette région, une information diffusée sous forme de «Memes» (ces messages courts qui pullulent sur les medias sociaux) a plus de chances d'être lue selon Ralph, un publicitaire au Golfe ; faute de lecteurs, la production d'ouvrages littéraires du monde arabe (380M. d'habitants) est le quart de celle de la France (60M.); le discours d'un nombre grandissant de politiciens arabes se simplifie, devient plus dogmatique et perd en nuances ; les films les plus regardés dans les cinémas du monde arabe sont des films d'animations, de super-héros ou des comédies légères et enfantines et les vêtements portés par les adultes deviennent des photocopies de vêtements pour enfants. Ces comportements, pourtant, ne se limitent pas aux pays riches du Golfe ou aux classes aisées du Proche Orient, on les voit déjà chez nous, partout et assumés sans complexe par un large pan de la population.
Face à cette infantilisation rampante, il n'est aussi pas surprenant de voir un engouement pour les figures paternelles et un temps perçu comme plus simple, notamment dans les pays issus du printemps arabe. En Egypte, le portrait de Gamal AbdelNasser est visible dans de nombreuses échoppes. En Libye, certains regrettent publiquement le régime de Muammar Gaddafi alors que, chez nous en Tunisie, de plus en plus de gens éprouvent de la nostalgie pour leurs vies sous Ben Ali, Bourguiba et même sous la monarchie des Beys.
L'infantilisation de la société arabe produirait une société hédoniste mais aux comportements trop souvent erratiques et irrationnels et, par là même, à un climat social en constante tension. Le tissu familial s'en trouve aussi affecté, avec l'émergence d'une nouvelle «catégorie» d'individus de Rabat à Muscat en passant par Tunis, celle de célibataires endurci(e)s, doté(e)s d'une puissance économique mais refusant de se marier souvent par peur de «l'engagement». La santé est aussi impactée avec une consommation excessive de «junk food», autrefois prérogative de la jeunesse. Mac Donald nota en 2015 qu'en moyenne un client de la zone Mena consommait 3 fois plus de ses produits qu'un client européen.
Mais la conséquence la plus visible de l'infantilisation de la société serait peut-être la relation qu'entretiennent certains «Millenials» (générations nées dans les années 80 et 90) à la religion. Celle-ci est, dans de nombreux cas, axée sur une approche infantile des croyances avec un accent sur les mythes et superstitions. Ce manque (ou refus) de maturité pourrait être l'une des causes qui conduisent de jeunes adultes à gonfler les rangs d'organisations terroristes qui propagent des messages simplistes et aguicheurs le plus souvent via les réseaux sociaux.
Pourtant, certains contestent ce diagnostic. La société arabe change, certes, mais dire qu'elle s'infantilise est réducteur. L'infantilisation de la société était vraie dans le passé, entretenue par de nombreux régimes dans le monde arabe. La combinaison de réglementations strictes et la mise en place d'un Etat providence contribuaient à faire d'une partie de la population arabe de grands enfants qui se reposent sur un «Etat-nounou» pour reprendre le terme de l'essayiste libéral Mathieu Laine. Or le printemps arabe, la crise économique et l'émergence d'une nouvelle classe de leaders ont changé la donne et obligent désormais la société arabe à se responsabiliser de plus en plus.
Un rapport publié par Hsbc remet aussi en cause l'image d'une société arabe hédoniste et insouciante. Selon cette étude, 46% des entrepreneurs de la zone Mena ont lancé leurs business alors qu'ils étaient à l'université ou à l'école, la plus forte proportion au monde. Mieux que ça, les «Entrepreneurs Millenials» du Moyen-Orient semblent aussi les plus enthousiastes à la tâche, travaillant en moyenne 12 heures et demie par jour soit 2h30 de plus que la moyenne mondiale des entrepreneurs de la même tranche d'âge. Endurance au travail et esprit d'entrepreneuriat sont des attributs d'adultes et non d'enfants, rappellent certains. Finalement, les nombreux rapports de l'Unicef et de Médecins sans Frontière rappellent que l'enfance a plutôt tendance à être confisquée dans les nombreuses zones de guerre et de tensions de la région.
D'autres, au contraire, reconnaissent que la société des Peter Pan existe mais nuancent son effet néfaste. Tout d'abord, l'infantilisation de la société arabe est encore loin de celle aux Etats Unis où, par exemple, un livre de coloriage pour adulte fut vendu à plus de 1,4 million d'exemplaires. Deuxièmement, cette part d'enfance de la société arabe est peut-être ce dont la région a le plus besoin. Après tout, les plus grands bouleversements récents du monde arabe ne furent –ils pas portés (pour ne pas dire initiés) par les Millenials ? La population arabe est friande de nouvelles technologies et pourrait être le moteur qui réduirait notre retard technologique avec les puissances industrielles occidentales et asiatique. Les exemples ne manquent pas. Careem a plus de clients qu'Uber dans le Moyen-Orient, Souk.com domine le marché de la vente en ligne aux Emirats Arabes Unis, l'Arabie Saoudite investit massivement dans la robotique (octroyant même la nationalité saoudienne à un robot). De nombreux incubateurs sont apparus dans la région et Cinemoz au Liban pourrait devenir le Netflix régional.
Ainsi, au-delà des bienfaits ou non de ces changements, un désir de préserver une part d'enfance ou d'adolescence serait propice à faire bouger les lignes dans une région réputée sclérosée et peu créative, pour réinventer une nouvelle société arabe ni mieux, ni moins bien mais simplement différente. Picasso aurait pu bien résumer l'idée lorsqu'il déclara qu'«à ma naissance, je peignais comme Raphaël, il m'a fallu toute une vie pour dessiner comme un enfant».
Badis Bouhadiba, Banquier


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