Par Bady BEN NACEUR Saluons, aujourd'hui, le retour vers notre continent d'un pan non négligeable du patrimoine culturel d'Afrique noire qui vient, finalement, d'être cédé par la France. Il s'agit de toute une réserve muséale ethnologique (masques, statuettes, mobiliers, costumes d'apparat, instruments de musique, bijoux, armes primitives, ustensiles du quotidien…) qui a toujours suscité l'engouement des Européens. Mais il reste beaucoup à faire encore, pour tenter de retrouver d'autres biens immatériels de ces sociétés (primitives) de nombreuses civilisations qui se sont désagrégées au fil du temps. Désagrégées aussi leurs tribus, sous l'effet des guerres et la traite des Noirs et de la conquête coloniale. Ainsi, pendant longtemps, on a feint d'ignorer, à travers un tel butin, qu'il était impossible de déceler une conception cohérente et originale dans l'univers de l'homme noir : un certain «humanisme négro-africain», à travers des mythes religieux, des légendes, mais aussi des réalités sociales et économiques. Tout cela ignoré ou carrément méprisé des Européens de l'époque qui le tenaient (l'homme noir) pour un «sauvage» et qui, pourtant, a repris de sa valeur «humaine» au moment où l'Afrique accédait à l'indépendance. Cet humanisme, d'une vie antérieure à celle de la civilisation occidentale, subsiste encore dans certaines régions. Il s'agit d'une sorte d'amalgame de croyances animistes, de fétichisme, de rites fortement teintés d'esotérisme et de magie que l'on retrouve même (dus à la traite) au Brésil ou dans les îles du Pacifique. Ces sociétés étant intimement liées à la nature et à la terre. Leurs divinités étaient innombrables et variées selon les tribus. Mais dans leur polythéisme, elles évoluèrent vers la croyance d'un Dieu suprême tout en gardant ces teintes dans les esprits et les cœurs. Un univers de croyances encore à l'ordre du jour — on le voit à travers leurs musiques et leurs chants, le jazz, le gospel, le soul, etc — malgré l'impact des religions monothéistes et celui de la modernité. Certains groupes d'ethnies entretiennent avec les défunts des relations complexes sous la forme d'une hiérarchie de cérémonies rituelles, toujours quémandeuses de l'avis des ancêtres, jusqu'aux funérailles. Un ami, originaire du Sénégal, nous rappelle tout cela — mémoire vivante ! — que les Dogons, c'est la force vitale «nyama» où l'être peut se réincarner après sa mort. Ou bien les Bambaras admettaient que l'homme était constitué d'une âme («ni»), d'un double corps («dya») et d'un caractère («téré») et qu'à sa mort, il devenait un esprit malfaisant qu'il convenait d'apaiser par des prières. Comme on le voit à travers ces petits exemples succincts — il faudrait lire les nombreux ouvrages qui ont été écrits jusqu'à ce jour pour découvrir ce monde africain noir et ses riches heures —, le retour de ce patrimoine culturel africain vers ses sources premières va redorer le blason des peuples d'Afrique en retrouvant leurs racines profondes qu'ils n'entretenaient que de loin, certains même de les oublier complètement ou de les bannir de leur mémoire…