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La trinité artistique
Vient de paraître
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 06 - 2010

L'imaginaire dans l'art et la poésie au Liban, de Samar Nahed Hakim, qui vient de paraître aux éditions de L'Harmattan, est à l'origine une thèse de doctorat. C'est un ouvrage volumineux qui totalise plus de 300 pages, illustré de photos en noir et blanc.
Rapprocher la poésie des arts plastiques n'est pas tâche facile, surtout quand il s'agit d'un pays comme le Liban, constamment déchiré par les guerres et où il n'existe jusqu'à ce jour aucun musée d'art contemporain, susceptible de mettre en relief la création artistique, en exposant de façon permanente les tableaux, les sculptures et les installations des artistes nationaux. Mais l'auteure, Samar Nahed Hakim, professeur de lettres, mariée à un peintre et sculpteur libanais, Maroun El Hakim, en contact permanent avec des artistes, sait lire et interpréter une œuvre d'art.
Toutefois, à première vue, la tâche semble ardue car la poésie, à la différence de la sculpture ou de la peinture, est un art qui s'adresse à l'esprit. Elle ne possède pas l'impact visuel du ‘‘modelé'' ou du pinceau, cet art, selon Vinci, à la fois ‘‘science'' et philosophie, à cause de cette ‘‘fenêtre de l'âme'' qu'est l'œil, «la principale voie par où notre intellect peut apprécier pleinement et magnifiquement l'œuvre infinie de la nature».
Mais qu'on ne s'y trompe pas : la poésie ne peut, en principe, suppléer le visuel, mais comme art de l'esprit et principal vecteur de la rêverie créatrice, à la croisée de plusieurs disciplines, elle constitue le point de rencontre inévitable. Tout artiste est ainsi un poète qui s'ignore. Et c'est précisément sur cette ‘‘dominance'' que l'auteure s'est basée pour tenter de parler de l'imaginaire et son rôle dans l'enchevêtrement des arts.
La poésie libanaise contemporaine, on le sait, contrairement à la peinture, offre une large palette de voix arabophones, francophones ou encore anglophones, de Salah Stétié à Abdo Wazen, en passant, bien sûr, par Georges Schéhadé, Nadia Tuéni, Adonis, Venus Khoury Ghata, Abbas Baydoun ou encore Lawrence Joseph, poète et romancier américain d'origine libanaise, adepte du grand Khalil Gibran.
Tant il est vrai que le Liban est une terre pétrie d'histoire et de poésie. Dans ce pays si souvent meurtri, les poètes ont fini par constituer ce «pouvoir des hauteurs», porteur de paix, qui, selon les mots de Salah Stétié, a su, ô combien, témoigner «sous les bombes, pour l'urgence illuminante de la paix face à l'illumination sinistre des missiles».
Et effectivement c'est dans la première partie de son ouvrage — partie la plus développée — que Samar Nahed Hakim a choisi de parler de la motivation de la guerre, thème récurrent, dans la création artistique. Pour justifier ce choix, elle cite Joseph Tarrab, critique d'art libanais :
«La violence subie et absorbée dans l'impuissance durant la guerre doit être exorcisée, sinon elle risque de se retourner contre celui qui l'a intériorisée, de miner subrepticement son corps et son esprit. Chez certains artistes, cette nécessaire vidange de l'âme s'opère, littéralement, par un vomissement primaire et rageur de formes et de couleurs chaotiques, qui en reste au stade du rejet pur et simple. Chez d'autres, la résistance à la poussée instinctuelle se traduit par un blocage : l'expérience traumatisante est éludée plutôt qu'affrontée» (p.69)
Bien souvent, l'artiste peintre désireux d'éviter le trauma de la guerre fait appel au rêve et à l'imaginaire. Parmi les exemples relevés dans l'ouvrage, celui de Maroun El Hakim est illustré abondamment. Pas moins de dix tableaux, portant sa signature, dont ‘‘Débris de corps et de maisons'' et ‘‘Berceuse pour l'enfant martyr'' traduisent on ne peut mieux la détresse de ce peintre, qui avoue:
«Je ne peux peindre de petites barques, la mer, le ciel bleu quand toute mon âme est enténébrée par une guerre».(p.69)
Cette détresse se répercute en langage direct, dans le cri de souffrance de Nadia Tuéni :
Dans chaque vers
Coule un sang gris
Comme nuage de Janvier
Comme cette ville morte à qui,
J'aurais voulu ressembler. (pp72-73)
L'ouvrage se veut également une étude de l'imaginaire de la chair dans la poésie et la peinture. Chapitre bien étoffé où la référence reste l'œuvre de Khalil Gibran, à la fois peintre, poète et philosophe. Son tableau, ‘‘ La nature mère cosmique'', un «visage, représentant le sommet d'une montagne…» (p.106), illustre on ne peut mieux l'obsession qui a longtemps taraudé l'homme, son aspiration à percer la genèse du monde et à reproduire par la plume et le pinceau une vision cosmique, «l'état premier des choses et des êtres dans leur nudité sobre et pure…» (p.106).
Et Samar Nahed Hakim de citer ces vers de Gibran:
Maintenant je suis à l'état de pierre
Hors des saisons comme une essence.
Comme un écho au pouvoir évocateur de ces vers, le chapitre suivant est consacré à la conception de l'espace dans la création poétique et scripturale. Avec l'avènement de la peinture abstraite et par conséquent la disparition de la perspective, l'espace plastique contemporain a acquis une conception plus large à la fin du XXe siècle, d'où une quête différente. C'est Youssef Hoyeck qui, influencé par Michel-Ange et Rodin, a introduit, pour la première fois, la sculpture moderne au Liban, soulignant la prépondérance du modelé dans l'espace.
L'interférence des trois modes d'expression artistique conclut harmonieusement cet ouvrage. Cette trinité, étudiée à travers la notion du beau, avec une insistance particulière sur le rapport entre Beauté et Art et ses ambiguïtés, est illustrée par l'importance des paysages libanais dans l'imaginaire collectif. L'homme étant «le reflet de son milieu, du lieu où il est né et où il a vécu» s'en trouve imprégné dès son enfance. (p.203). A cet égard, l'univers de l'artiste n'est pas intemporel; la réalité  n'est jamais trop loin. La plaine de la Békaa, notamment, a inspiré plus d'un artiste (Rafic Charaf, Aïda Salloum, Chawki Chamoun).
Ce qui explique peut-être ce jugement :
«L'artiste libanais a conservé son goût pour les valeurs sûres, s'est retrouvé dans les principes de la modernité et a adopté un langage du cœur, clair et déchiffrable. Certes, il est concerné par la course du temps autour de lui et les changements vertigineux dans tous les domaines et surtout dans celui de l'audiovisuel et des médias, mais il garde les pieds et la tête bien ancrés dans sa culture, son patrimoine, sa nature». (p.258)
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Samar Nahed Hakim, L'imaginaire dans l'art et la poésie au Liban, L'Harmattan, 310 pages.


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