Il a placé tous ses talents au service de son pays. Et des talents, Ezzeddine Souissi, qui nous a quittés, vendredi dernier, à l'âge de 88 ans, il en avait plusieurs. Militant, journaliste, homme de théâtre, syndicaliste et bon père de famille, le défunt avait plus d'une corde à son arc, mais un seul objectif : participer activement à la libération de son pays puis à son progrès. Traduire, des sacrifices consentis dont l'emprisonnement à la veille de l'indépendance. Né le 28 juillet 1922 à Tunis, impasse Souissi, rue Halfaouine, à Bab Souika, cœur battant du peuple tunisien et pépinière du Mouvement national, Ezzeddine Souissi rejoint, avant même d'avoir 20 ans, les rangs du Néo-Destour. Après des études secondaires à la grande mosquée de la Zitouna, il continue de se perfectionner en autodidacte et succombe à sa passion artistique en intégrant la troupe théâtre «Al Kawakab Attamthili» où il sera encadré par Me Mohamed Lahbib, fondateur et directeur artistique de ladite troupe. Il y jouera d'importants rôles dans plusieurs pièces-phares telles que «Al Moëz lidinelleh alfatimi», «Al Watheq Billeh Al Hafsi», «Annacer Salaheddine»… aux côtés de Hamda Ben Tijani, Hédi Semleli et bien d'autres comédiens qui se distingueront plus tard par leurs grands talents. Là il fait la connaissance de plusieurs militants tels que Houcine Bouzaïène, Laâroussi Ben Brahim et Zakaria Ben Mustapha. C'est que la troupe qui militait sur le plan culturel et œuvrait pour mobiliser les Tunisiens autour de leur identité nationale, servait aussi de paravent aux résistants et permettait de faire transiter l'armement qui leur était destiné. Activité qui lui vaudra la suspension par les autorités coloniales. Théâtre la nuit…résistance tard dans la nuit Ezzeddine Souissi connaîtra alors les prisons et les bagnes. Il sera tour à tour embastillé à Borj Lebœuf (au sud) puis à Jalel à Ben Guerdane à la frontière tuniso-libyenne, à Téboursouk et à Tunis (ancienne prison civile sur l'actuel bd. du 9-Avril). «Il profitera de son séjour à la prison de Tunis en 1952-53 pour écrire une pièce «Fidé'ou lwatan» (sacrifice pour la patrie, Ndlr) et y jouer avec ses compagnons dont le grand militant Azouz Rebaï. La pièce connut un tel succès qu'elle sera jouée dans toutes les prisons du pays». C'est ce que nous apprend le grand homme de théâtre Moncef Souissi, fils du défunt et ex-directeur de ladite troupe. Et de préciser que ce dernier participera en 1954 à la création du premier syndicat de comédiens professionnels dont il assurera le secrétariat général. Une structure relevant de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt). Fin 1954, début 1955 et suite à un examen théorique et pratique, Ezzeddine Souissi participe à la création de la Troupe de la ville de Tunis de théâtre sous la direction de l'Egyptien Zaki Toulaimète et de Mohamed Abdelaziz Agrebi. Au sein de cette troupe, il jouera des rôles principaux, tels que celui d'Iago à Othello de Shakespeare (reprise en arabe), celui de Anouar (Al ghira tedh heb ech chira) et celui de Azouz (Dhaâ Souabi bin'ah bebi), toutes deux adaptées par le grand Hédi Laâbidi et mises en scène par Toulaimète. En 1958-59, Ezzeddine Souissi adapte la pièce de l'Egyptien Youssef Sebaï «Jamii'eyyet qatl'zzaouijett») avec pour titre «En ça fi khtar» (Les femmes en danger). Une pièce qui a connu un franc succès. Les tournées effectuées par les protagonistes, tous volontaires, ont vu leurs recettes versées au profit des familles des martyrs de l'agression de l'aviation française sur le village de Sakiet Sidi Youssef (8 février 1958). Figure marquante du journalisme tunisien et algérien A partir de 1960, Souissi quittera le théâtre pour se consacrer au journalisme. Un métier qu'il maîtrise bien puisqu'il a été entre autres rédacteur en chef au début des années 50 du journal Al Akhbar où il participera à former plusieurs futurs journalistes. Il rejoint à partir de 1954 l'équipe nationale du journal hebdomadaire Al Moujahed du FLN algérien établi à l'époque à Tunis. En tant que bénévole, il participe à la rédaction du journal et surtout à sa réalisation technique. C'est que le journal était imprimé à l'imprimerie de notre journal La Presse où exerçait le défunt. C'est d'ailleurs pour poursuivre cette bonne cause qu'il rejoindra l'équipe à Alger tout de suite après l'indépendance de l'Algérie en 1960. Il sera appelé aussi à mettre sur pied le journal algérien Ach-Chaâb. En 1966, il réintégra La Presse pour fonder en 69-70 le premier syndicat des journalistes et techniciens du journal et en assurer le secrétariat général pendant au moins 15 ans. Il prendra une part active à l'élaboration du premier texte de la convention collective des organismes de presse écrite, nous apprend M. Mondher Ben Dana, P.d.-g. de la Dispress, ex-cadre de la Snipe-La Presse, qui a bien côtoyé le défunt. A la création de la Snipe en 1971-72, E. Souissi représentera le personnel au conseil d'administration de la société pendant une bonne vingtaine d'années. «Le défunt contribuera à améliorer la situation du personnel tout en veillant à la pérennité de l'entreprise et sa modernisation», poursuit notre interlocuteur. Et de préciser que le défunt était un homme de compromis, non de compromission. Un responsable juste et ferme mais jamais extrémiste. Son altruisme légendaire faisait qu'il prenait la défense de tous et entourait les jeunes de toute sa sollicitude. «Quand on le fit bénéficier d'une allocation mensuelle pour anciens militants, il fit en sorte que c'est son épouse qui en profita, c'est elle la vraie militante, disait-il, pour avoir consenti d'énormes sacrifices quand j'étais derrière les barreaux», conclut notre interlocuteur. Ezzeddine Souissi était aussi un père modèle, un homme qui se dévouait pleinement à sa famille et à son travail. Bref, un modèle de citoyen intègre et engagé. Condoléances En cette douloureuse circonstance, la direction générale et l'ensemble du personnel de la Snipe-La Presse-Essahafa présentent leurs condoléances les plus attristées à la famille du défunt et prient Dieu le Tout-Puissant pour qu'Il accorde Son infinie Miséricorde au très cher disparu et l'accueille dans Son éternel Paradis.