Il a été surnommé «Cheïkh el oudaba» (Cheïkh des hommes de lettres). Né le 3 octobre 1880, Mohamed Larbi Ben Chedly Ben Mohamed Seghaïer Chebbi Kabadi, fils de Aïcha Bent El Haj Hamouda Trabelsi, est décédé le 7 février 1961, chez lui, à Tunis rue El Marr. Qui est Larbi Kabadi? Cheïkh Larbi Kabadi avouait qu'il ne connaissait la date de sa naissance que dans le calendrier de l'Hégire (en 1298, au mois de Mouharram) et qu'il ne voulait entendre parler que de ce calendrier-là) : «Je suis arabe, mon nom est Larbi et ma religion est arabe», glissait-il avec plein d'assurance et de fierté. Après le «kouteb», il intègre la mosquée Zitouna en 1310 de l'Hégire. Parmi ses enseignants, il comptait Cheïkh Amor Ben Achour, Salah Chérif, Salem Bouhajeb, et Mohamed Ben Youssef. A partir de 1320, il enseigne à la grande mosquée durant une bonne dizaine d'années et compte parmi ses élèves les plus brillants le Cadhi Mohamed Abdeljawed, Mokhtar Hajri, Chedly Jaziri (le vice-cheïkh de la mosquée). Larbi Kabadi commence en 1312 à écrire des poèmes. Mais il est intéressant de signaler que son «meddeb» (enseignant) du «kouteb», Mokhtar Bahri, de Ouled Aoun, allait par la suite devenir un de ses élèves, avide d'apprendre la littérature. «La Tunisie comptait de brillants savants érudits que l'Egypte nous enviait et auxquels elle fit appel. Cheïkh Hamza Fathallah a exercé en Egypte comme inspecteur de l'enseignement arabe jusqu'à sa mort, en 1918. Qui ne connaît l'érudition et la place de choix occupée par Cheïkh El Khéder Husseïn qui dirigea El Azhar «ech chérif» durant de longues années? C'est l'un de nos hommes de sciences les plus remarquables avec lequel nous entreprenions de petits concours de poésie à côté de feu Mohamed Bouchareb qui est de Ksar Helal et qui a été un grand poète du XIXe siècle», évoque-t-il. Kabadi fréquentait également Cheïkh Salem Bouhajeb. Il rappelle aussi la finesse d'un autre poète, Mahmoud Ben Moussa de Monastir qu'il place sur le même plan que Ahmed Chawki et Hafedh Ibrahim. Il a été d'ailleurs élevé, par les Cheikhs d'Islam Mohamed Ben Youssef et Hamouda Tej, «Kadhi» au premier rang parmi les hommes de lettres de son époque. «Ce n'est pas le poète du Sahel seulement comme le dit Mohamed Ben Youssef. C'est le poète de tout le continent africain», précise Larbi Kabadi. Autre grand poète du Sahel, Hassen Mzoughi, de Kalaâ Kébira dont les écrits furent publiés par les journaux de Syrie et de Liban. Il a fini par devenir le poète de Ali Bey qui a découvert un jour ses écrits sur les colonnes des journaux d'Orient. Larbi Kabadi rappelle un autre brillant poète, Hmida Kraïem, dont un recueil a été écrit de sa propre main avant de devenir la propriété de Mohamed Ben Mami, père de l'avocat Taïeb Mami. Un exemple pour l'Orient Parmi ses élèves, Larbi Kabadi a compté Mohamed Ben Khouja, Sadok Ben Kadhi, Mohamed Senoussi, Mohamed Jaïet qui fréquentaient un libraire nommé cheïkh Ettaouahi et qu'ils appelaient familièrement «Ibn Khali». Par ailleurs, Cheïkh Larbi Kabadi était nationaliste jusqu'au bout des ongles. Citer les grands écrivains et poètes de Tunisie le remplissait d'aise et de bonheur. Il passa toute sa vie à apprendre, éduquer, enseigner, écrire, annoter et animer les soirées littéraires. «Nous sommes un exemple à suivre pour l'Orient arabe», se félicitait-il. «Mais le flambeau sera repris par les nouvelles générations tant le génie tunisien ne meurt jamais», assurait-il. La fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe doivent beaucoup à cet érudit touche-à-tout. Un homme d'une culture éclectique qui n'est pas sans rappeler celle donnée en exemple par Al Jahedh, plusieurs siècles plus tôt.