•150 mille litres de lait sont distribués quotidiennement à Sfax Sfax. Lundi 17 octobre. Il est 9h00, nous faisons une tournée auprès de cinq épiciers des places Chaâbouni et Sidi Abbès à la recherche d'un paquet de lait. Cette balade ne donne aucun résultat. Une pénurie est observée chez un grand nombre d'épiciers. On parlait dans la région, depuis une semaine, d'un manque occasionnel de lait. En fait, la situation s'est aggravée pour arriver aujourd'hui à une absence totale de cette denrée au niveau de certains points de vente. Les Sfaxiens craignent que cette situation ne se prolonge. Ils dénoncent certaines pratiques exercées par les commerçants, notamment la vente conditionnée. Rencontrée chez un épicier de la place, Rim, la trentaine, maman de deux enfants, exprime son mécontentement. Elle confie: «Je peux ne pas boire de lait et le remplacer par l'un de ses dérivés, mais ce produit est vital pour mes enfants en bas âge. Hier, j'ai été obligée d'acheter un paquet de lait et deux yaourts. Aujourd'hui, je n'ai rien trouvé. C'est le troisième point de vente que je visite ce matin. L'achat d'un peu de lait devient une conquête». Une autre pratique est observée chez les épiciers. Ils ne vendent du lait qu'aux clients fidèles. Malgré les déclarations rassurantes des hauts responsables du ministère du Commerce et du Tourisme, les habitants de la ville de Sfax racontent que la pénurie de lait existe encore. Certains d'entre eux évoquent le problème des circuits parallèles. Taoufik, la cinquantaine, un habitant de la région, souligne : «La vente illicite des packs de lait aux Libyens est en plein essor. Nous sommes solidaires avec nos frères libyens, mais il ne faut pas que ces pratiques illégales de vente directe aux chauffeurs routiers libyens provoquent une crise dans la région. Certains commerçants, à la recherche d'un supplément de bénéfice, négocient les packs de lait à des prix forts aux Libyens. Les informations qui circulent disent que le paquet de lait est vendu entre 1,5 et 2 dinars aux Libyens. Nous appelons les autorités à contrôler ce marché noir». Contacté, M. Habib Dimassi, directeur général du commerce intérieur, précise que le marché des produits laitiers de la région est approvisionné par les deux unités de production locale, de l'usine Vitalait de Mahdia et d'un dépositaire «Délice». «Nous avons cru que cette situation est un phénomène conjoncturel et occasionnel lié au mois de Ramadan. Mais il faut dire que même pendant le mois saint, nous n'avons pas atteint cette situation», indique M. Dimassi. Les rumeurs qui circulent sur l'absence des produits alimentaires ont aggravé la situation. La fièvre acheteuse des produits laitiers gagne du terrain. Une course quotidienne à la recherche de paquets de lait est observée chez les épiciers et dans les grandes surfaces. Les étalages des points de vente sont rapidement vidés. «Ces derniers jours, la frénésie d'achat bat son plein. Elle devient une caractéristique des Tunisiens. Au lieu d'acheter un ou deux paquets, les Tunisiens prennent un ou deux packs. Ces pratiques de stockage dans les maisons aggravent la situation. Dans les conditions normales, il n'y aurait pas de pénurie. Il faut dire que les rumeurs qui circulent sur la vente illégale de lait aux Libyens sont sans fondement. Nos voisins libyens importent leur besoin en la matière de Turquie», ajoute M. Dimassi. D'après M. Jilani Jlassi, directeur régional du commerce, 150 mille litres de lait sont déposés quotidiennement chez les détaillants. «Mais il faut souligner que le dépositaire de la marque Délice a baissé son quota. Il est passé de 55 mille litres par jour à 30 mille seulement. Nous nous sommes réunis avec les dépositaires pour discuter du manque en la matière enregistré chez les épiciers. Nous avons constaté que les gérants des cafés de la région sont atteints également par la fièvre acheteuse des produits laitiers. Auparavant, ils s'approvisionnaient par cinq ou six packs de lait. Aujourd'hui, ils achètent une vingtaine de packs. De ce fait, nous avons lancé des campagnes de contrôle auprès des cafés pour limiter ces pratiques. Nous avons décidé, également, de réduire les quantités de lait déposées chez certains épiciers pour pouvoir approvisionner les autres points de vente», précise M. Jlassi. A propos de la vente conditionnée du lait, le directeur régional du commerce indique que les détaillants se livrent à cette pratique auprès des clients non fidèles qui achètent, généralement, les yaourts d'un autre point de vente... Une explication qui ne convainc pas tout le monde !