* Chantage des revendeurs et autres spéculateurs : yaourt, jus, avec un paquet de lait. Sinon, rien... Les répercussions de la crise du lait ne cessent de prendre de l'ampleur. Après le manque d'approvisionnement enregistré dans plusieurs points de vente à travers le pays y compris dans certaines grandes surfaces, aujourd'hui, les consommateurs déplorent la vente conditionnée et de la hausse des prix essentiellement chez les petits commerçants dans les cités populaires. Le nombre sans cesse croissant de réclamations reçues dans ce sens dans les différents bureaux régionaux de l'ODC (Organisation de la Défense du Consommateur) l'atteste. Une source au bureau régional de Tunis souligne que pour les premières semaines de la crise, les réclamations étaient liées spécialement au manque d'approvisionnement et, que, depuis la semaine dernière, les consommateurs ont commencé à se plaindre de la vente conditionnée. « Ils nous disent que les petits commerçants leur vendent le paquet du lait systématiquement avec un paquet de jus ou de yaourt », affirme notre source qui ajoute : « d'autres réclamations ont concerné la hausse des prix (le paquet est vendu à 1d) spécialement dans les cités populaires où le contrôle n'existe presque pas ».
La consommation irrationnelle intensifie la crise Une autre source au bureau régional de l'ODC de l'Ariana nous affirme haut et fort : « le lait est devenu un très grand problème ces jours-ci. Nous recevons plusieurs réclamations surtout en ce qui concerne la vente conditionnée. « J'en étais moi-même témoin. Un livreur obligeait l'épicier d'acheter environ 7 à 8 cageots de jus contre les paquets de lait. Il se justifiait en disant : je ne suis qu'un simple employé qui exécute des ordres. L'épicier n'avait pas le choix, il était obligé d'accepter et de vendre lui-même le paquet de lait avec un paquet de jus », souligne notre source qui poursuit : « Je pense que le problème devient de plus en plus grave et j'ignore si cela va se rétablir surtout que dernièrement nous avons commencé à recevoir d'autres réclamations concernant le manque d'approvisionnement en beurre : une denrée alimentaire importante aussi. De notre côté, notre Organisation fait de son mieux pour sensibiliser les citoyens à la nécessité de rationaliser leur consommation. La ruée pour acheter des dizaines de paquets de lait à la fois ne peut qu'intensifier la crise puisque d'autres consommateurs ne trouvent pas un seul paquet pour leurs bébés. »
ODC- Industriels : quelle coordination ? Afin d'avoir des éclaircissements sur le sujet notamment de la part des industriels du lait accusés dans leur majorité par les petits commerçants- ces derniers disent que s'ils pratiquent la vente conditionnée c'est parce que les industriels leur imposent ce fait- nous avons contacté le Directeur Général Adjoint de Délice Danone, M. Iadh Zargouni. Notre interlocuteur a indiqué que l'usine de production vend sa marchandise aux usines de distribution et aux grandes surfaces et donc elle n'a aucun rapport avec la distribution. « De notre côté, nous n'obligeons jamais les livreurs ou les sociétés de distribution à faire de la vente conditionnée. Je pense que s'ils le font c'est certainement pour vendre un maximum de produits », explique M. Zargouni. Nous avons par la suite contacté M. Mohamed Aouini, directeur des relations publiques à la SOCOGES (Société commerciale de gestion et STIAL) et qui est filiale de Délice Danone chargée de la distribution. Notre source affirme « Nous sommes contre la vente conditionnée. Et on ne donne jamais des consignes aux livreurs de pratiquer ces dépassements. D'ailleurs nous avons une équipe de contrôle dont la mission principale est de lutter contre de telles pratiques. Notre objectif final est la satisfaction du consommateur, nous n'allons donc pas ternir notre image de marque par de telles pratiques. En revanche, l'ODC et les petits commerçants doivent nous aider et nous avertir quand ils ont des cas concrets. Certains livreurs que je considère comme étant des cas isolés ont été récemment punis pour ces actes. Et nous allons quand même intensifier le contrôle ».
La vente conditionnée est une conséquence de la crise M. Ali KLEBI, Président Directeur Général de « Vitalait » qui détient 15 à 20% du marché souligne que la vente conditionnée est une conséquence directe de la crise. « Ce qui se passe c'est que le chauffeur quitte l'usine transportant du lait et du yaourt pour les vendre dans une trentaine de points de vente. Etant donné le manque enregistré au niveau de l'approvisionnement et la forte demande des consommateurs, les petits commerçants demandent aux livreurs de leur vendre une grande quantité de lait. Le livreur obligé de vendre à la fois le lait et le yaourt et ne pouvant satisfaire toutes les demandes additionnelles en lait, il se trouve contraint de leur proposer le yaourt. Il est normal que le livreur ne puisse pas vendre tout le lait aux trois premiers points de vente. Les autres vont réclamer le lait et ne voudront pas acheter seulement le yaourt. Dans ce genre de cas, le livreur est systématiquement taxé par la vente conditionnée. Les circonstances l'y obligent. C'est donc toujours en cas de pénurie de lait que ce problème surgit et que cette confusion s'installe. Il est vrai que la décision d'augmenter le prix du lait à la production est très importante et encouragera les éleveurs à travailler davantage mais nous espérons qu'en 2008, d'autres mesures suivront. Il est temps de libérer le secteur et d'augmenter le prix du lait à la consommation pour que l'éleveur puisse réaliser son gain. Aujourd'hui, le coût de la production est devenu très élevé au point que plusieurs éleveurs n'arrivent plus à suivre, soit ils abandonnent soit ils réduisent la quantité d'aliment dont a besoin le cheptel et ceci a un impact direct avec la production et donc le manque d'approvisionnement, ... ».