Des journalistes, des hommes et des femmes de culture ont bien voulu nous communiquer leurs témoignages, réagissant au plus beau scénario de la vie: la révolution. Zine Elabidine Hamda Cherif (écrivain et homme de média) «L'essentiel est de garantir une transition pacifique et constructive» «Je suis fier de voir que les amis journalistes au sein même du journal La Presse, organe d'information public, prennent leurs responsabilités et recouvrent leur liberté. Dans mon roman Les héritiers infidèles, le personnage de Nadia, journaliste au même journal, dit : «Il n'est pas facile dans ce pays d'être journaliste. Ici beaucoup de journalistes sont condamnés soit à écrire ce qu'ils ne pensent pas, soit à penser là où ils n'écrivent pas. C'est un système hypocrite à la limite de la schizophrénie». Je suis ému, je vous soutiens totalement. L'essentiel est de garantir une transition pacifique et constructive et d'être sûr que le système du parti-Etat ne reviendra jamais». Taïeb Jallouli (cinéaste) «C'est un appel à la vie» «J'ai vécu avec ma famille des moments intenses et inoubliables, des moments où je me suis revu quand j'avais l'âge de mes enfants et que je courais dans la rue, en manifestant contre l'ordre établi. Mon émotion était immense quand la foule a crié à l'unisson : «Dégage ! Dégage !» L'insécurité que nous vivons actuellement est passagère et l'avenir est prometteur. Mais nous devons faire attention à tous les récupérateurs de révolte ou de révolution qui rôdent autour des acquis de ce grand mouvement politique. Il faut que de nouveaux leaders apparaissent et prennent la place des pros de la politique et des politicards. C'est un mouvement de révolte. C'est un appel à la vie, une vie meilleure sur cette Tunisie que l'on aime. A l'avenir, il faut des élections libres, mais surtout des réformes pour empêcher les dérapages, par exemple un mandat unique pour ne pas tenter le diable. Paix aux martyrs Restons vigilants Vive le peuple Vive la Tunisie» «Lorsqu'un jour le peuple veut la vie, force est au destin d'obtempérer, force est aux ténèbres de s'évanouir et force est aux chaînes de se briser.» (Abou Al Kacem Al Chabbi) Bassel Torjmane ( journaliste palestinien) «C'est le peuple qui a fait la révolution et c'est lui-même qui la protègera» «Cette révolution populaire a surpris le monde entier, excepté la Tunisie. La corruption et l'oppression ont poussé le peuple à sortir dans les rues et à briser les chaînes. Ce qui s'est passé en Tunisie est un exemple nouveau et moderne de la révolution française et le monde entier salue ce peuple passionné de liberté. Le sang de toutes les victimes ne sera pas déversé en vain. En Tunisie, il n'y aura plus jamais de parti unique ou de dictateur. Car c'est le peuple qui a fait sa révolution et c'est lui-même qui la protègera. Je suis optimiste quant à l'avenir de ce pays, malgré les quelques défis qui vont se présenter. La Tunisie a donné une leçon qui se répercutera sur toutes les dictatures…Il existe désormais une «terreur» qui s'appelle «la Tunisie». Et le Tunisien doit clamer haut et fort ce slogan : «Je suis fier d'être Tunisien». Raouf Dakhlaoui (libraire) «Il faut que tous les tenants de la société civile s'engagent dans ce processus démocratique» «La situation en Tunisie, tout en étant préoccupante, me paraît rassurante. Je suis très optimiste quant à l'avenir proche de notre pays. Le nouveau gouvernement me semble pouvoir jouer un rôle intéressant pour aller vers l'établissement de l'Etat démocratique et laïc que nous voulons. Le dosage me semble judicieux et tous ceux qui comptent y sont représentés. Le comité éthique, présidé par Yadh Ben Achour, a une responsabilité énorme. C'est lui qui va vraiment nous mettre sur la voie pour définir les nouvelles institutions du pays. Au niveau du gouvernement, l'arrivée de certaines personnes et personnalités aussi éminentes que Mustapha Kamel Nabli, qui a quitté la Banque mondiale pour prendre les rênes de la BCT, le Dr Mohamed Aloulou, la grande personnalité respectée de Sfax, va donner un nouveau souffle au pays. Le comité éthique présidé par Yadh Ben Achour a une responsabilité énorme. C'est lui qui va vraiment nous mettre sur la voie pour définir les nouvelles institutions du pays. Mme Moufida Tlatli, Mustapha Ben Jaafar, Ahmed Brahim, sans oublier Slim Amamou, tous ces gens bénéficient d'un capital de confiance certain et leur participation au gouvernement ne peut que les aider à s'inscrire sur la bonne voie. Bref, confiance. Cela dit, il faut que tous les tenants de la société civile s'engagent dans ce processus démocratique. Il faut signaler l'excellente initiative de Taoufik Jebali qui a ouvert tous les jours les portes du Teatro à tous ceux — artistes hommes de culture ou simples citoyens — qui veulent s'exprimer. Mon espace (Art-Libris), de son côté, ouvre ses portes tous les jours à partir de 10h00 à tous ceux qui veulent s'exprimer. Une table ronde sera organisée en guise de forum démocratique. Des artistes, des hommes de culture et des hommes politiques seront invités à se rencontrer pour apporter leur pierre à l'édification d'une véritable vie démocratique». Achraf Azouz (éditrice) «Les élans de solidarité et la conscience civique du peuple tunisien ne sont plus à prouver» «Je suis révolutionnaire dans l'âme et dans les tripes et je pense que seule la révolution fait avancer les pays et leur permet l'apprentissage de la démocratie. Les peuples malmenés et bâillonnés finissent toujours par réagir. Après avoir chassé la dictature, et ayant pris conscience de leurs droits, ils se relèvent...La movida espagnole a donné suite à l'exemple de l'Espagne et de sa réussite économique! Je suis, donc, très optimiste quant à l'avenir de mon pays. Les élans de solidarité et la conscience civique du peuple tunisien ne sont plus à prouver. Ce sont ces jeunes magnifiques et brillants qui ont démarré la révolution sur Face-book. Ce sont eux qui ont signalé sur Internet que les voitures qui klaxonnaient après le discours du dictateur sont des voitures de location, et ce sont eux qui font des efforts surhumains pour aider l'armée nationale à faire son devoir. J'ai vu à la manifestation des parents venir avec leurs enfants...C'est magnifique! C'est la solidarité de ce peuple qui a renversé ce système mafieux. Les Tunisiens sont de bons pères de famille et les femmes y sont exceptionnelles....Il était urgent de chasser ce modèle nocif à la société tunisienne...Chaque société a besoin d'un modèle et celui que l'on avait, du temps du dictateur Ben Ali, devenait de plus en plus dangereux pour la jeunesse et humiliant surtout pour la femme tunisienne».