Par Abdelhamid GMATI Merveilleux la période, la situation, les jours, les moments que nous vivons. Nous découvrons qu'il y a un peuple tunisien et nous en faisons partie. Il est vrai qu'en regard de l'histoire, ce peuple a toujours été là, mais ces dernières années, il semblait être absent, mis à part quelques soubresauts sporadiques. Là, il s'est exprimé avec force, oubliant son silence, ses peurs, ses lâchetés. Et c'est formidable, cette explosion de l'expression : dans la rue, dans les médias et dans les moyens virtuels. Dans la forme, c'est-à-dire au niveau des messagers, c'est louable et tout le monde s'exprime; mais sur le fond qui s'exprime et que dit-on ? – Qui ? N'importe qui. Des opposants, connus ou improvisés; des personnalités connues ou inconnues; des pseudo opposants installés à l'étranger n'ayant pas vécu les affres de la dictature; des universitaires et des spécialistes plus ou moins compétents; des journalistes plus ou moins professionnels; des salariés plus ou moins brimés; des étudiants plus ou moins inquiets; des chômeurs, diplômés ou analphabètes; des mères de famille en quête de soutiens financiers. Bref, tous ceux qui ont une revendication à exposer. Et ils sont nombreux, très nombreux. Tout cela est légitime et chacun veut faire entendre sa voix. On a même eu droit à une manifestation de sourds-muets. On peut bien s'exprimer par le langage des signes. – Que dit-on ? N'importe quoi et son contraire. – Ceux qui parlent, dans la rue et dans les médias sont innocents; les autres, tous les autres sont coupables ou complices; et on a droit à un langage de revendications qui rappellent les débats d'étudiants plus ou moins extrémistes. – On dénonce, à tort et à travers n'importe qui, y compris des personnalités honorables ne faisant pas partie de l'ancien régime ni de son parti : tous coupables, même ceux de l'opposition; et le discours, au nom de la démocratie est riche en exclusions. – Des revendications sociales et syndicales, complètement hors de propos et parfois complètement folles; comment expliquer qu'une chaîne de télé privée revendique une part des redevances inscrites sur les factures de la Steg au profit de la télé publique ? L'Etat doit-il subventionner le privé ? Ce qui est à noter (et à regretter) c'est qu'une situation légitime, révolutionnaire, soit détournée de ses objectifs par des gens qui ne représentent qu'eux-mêmes et qui poursuivent des intérêts et des objectifs particuliers et inavouables. Des personnes auxquelles on pourrait poser quelques questions. Exemples : à ceux et celles qui vivaient dans un exil volontaire et qui sont les plus extrémistes, on pourrait demander quels étaient leurs revenus et les sources de ces revenus ? Aux gens de l'Ugtt, on pourrait s'interroger sur leur situation et leurs actions durant le régime passé et les raisons de leur déraison actuelle ? Attention à ceux qui retournent facilement leur veste. Ne leur jetons pas la pierre, personne n'est innocent. Les coupables relèvent d'une justice retrouvée. Mais ils ne doivent pas être inconscients. Il faut faire attention à la marche. Sinon nous risquons de trébucher ou pire : de tomber. Et là, adieu la révolution ! Et bonjour à une autre dictature.