• Les consultations sur la nouvelle composition du gouvernement provisoire ont été élargies à toutes les parties • Plusieurs pays frères et amis disposés à aider la Tunisie • Rupture avec le passé et recours à la conciliation sur de nouvelles bases Deux défis essentiels se dressent devant la Tunisie durant la prochaine étape : la transition démocratique et la relance de l'activité économique pour garantir une plus grande justice sociale, a déclaré M. Mohamed Ghannouchi, Premier ministre du gouvernement provisoire. Dans une interview accordée, vendredi soir, à la chaîne télévisée «Nesma», M. Ghannouchi a souligné que les concertations sur la nouvelle composition du gouvernement provisoire ont pris en compte cette donne, précisant que les efforts ont été axés sur la mobilisation de compétences tunisiennes hautement qualifiées établies à l'étranger pour relever les défis auxquels fait face la Tunisie. En cette conjoncture délicate, a-t-il expliqué, les consultations sur la nouvelle composition du gouvernement provisoire ont été élargies à toutes les parties, qu'ils s'agissent de partis politiques, société civile, sensibilités politiques, compétences ou universitaires. Bien qu'elle ne dispose pas d'une riche expérience en matière de transition démocratique, a-t-il relevé, la Tunisie est dans l'obligation de relever ce défi politique pour démontrer au monde qu'elle est le berceau de la civilisation méditerranéenne. Pays porteur d'un message, la Tunisie a tous les moyens nécessaires pour réussir cette transition démocratique qui permettra à tous les Tunisiens, toutes appartenances politiques confondues, de s'exprimer en toute liberté et de choisir leur dirigeant après cette phase transitoire, a indiqué M. Ghannouchi. Les premières mesures engagées s'inscrivent dans cette optique, a-t-il expliqué, ajoutant que les commissions ont entamé leur travail par l'introduction de réformes politiques. La première disposition prise par le gouvernement provisoire a porté sur l'amnistie générale, a rappelé le Premier ministre. Evoquant le défi économique, M. Mohamed Ghannouchi a souligné que la Tunisie, qui a toujours compté sur ses capacités et ses ressources propres, est appelée à répondre aux aspirations et besoins des régions défavorisées et de ses habitants qui vivent dans des conditions difficiles. Il s'agit, a-t-il relevé, de dynamiser la vie économique dans les plus brefs délais, de réaliser une plus grande justice sociale, de faire bénéficier toutes les régions, et en particulier les zones reculées, des fruits de la croissance économique pour rester fidèle aux martyrs, notamment Mohamed Bouazizi qui a été à l'origine de la première étincelle de cette révolution. Le gouvernement, a-t-il précisé, a fait en sorte que sa composition comporte des compétences tunisiennes hautement qualifiées et de hauts responsables opérant dans de grandes entreprises internationales et ayant une expérience et un réseau de connaissances qui, a-t-il dit, ne manqueront pas d'aider la Tunisie à impulser le processus de développement et à favoriser le retour de la situation à la normale. S'agissant du départ de plusieurs symboles de l'ancien régime de la nouvelle composition du gouvernement provisoire, le Premier ministre a affirmé que l'Histoire retiendra les initiatives prises par ces responsables pour préserver la vie des Tunisiens. L'Histoire, a-t-il ajouté, marquera, également, leur désir de se retirer de ce gouvernement en réponse à l'appel du peuple, en plaçant l'intérêt de la nation au-dessus de toute autre considération pour sauver la révolution et garantir la transition démocratique. D'autre part, M. Ghannouchi a rappelé qu'en dépit de la conjoncture difficile qu'a connue la Tunisie, les réseaux d'électricité et de télécommunications n'ont pas été interrompus, et ce, grâce aux compétences nationales qui ont veillé à assurer le bon fonctionnement des services publics et à protéger les sites vitaux. La vie dans les différentes régions, a-t-il affirmé, a pris, progressivement, son cours normal, ce qui ne peut que refléter la maturité du peuple tunisien, ajoutant que les investisseurs tunisiens et étrangers parient actuellement sur la Tunisie, d'autant plus que la nouvelle conjoncture sera caractérisée par la transparence totale. Les investisseurs étrangers qui ont exprimé leur volonté d'investir dans les régions de l'intérieur, telles que Sidi Bouzid, Le Kef et Kasserine, a-t-il relevé, sont disposés à consolider leurs investissements en Tunisie, précisant que plusieurs pays frères et amis ont, également, affiché leur disposition à aider la Tunisie, ce qui ne peut que conforter la confiance en la capacité à aplanir les difficultés et à préserver les acquis réalisés. Les réactions des pays frères et amis ont été particulièrement émouvantes, a affirmé M. Ghannouchi, rappelant que le Président Obama a salué, devant le Congrèss américain, le courage et l'ardeur du peuple tunisien, car «ce qui a été réalisé en moins de 15 jours était un miracle». Ces positions qui chantent les louanges de la révolution et de ses martyrs, a-t-il relevé, suscitent la fierté et réhabilitent la gloire et la riche histoire de la Tunisie, tout comme elles investissent le gouvernement provisoire d'une plus grande responsabilité pour s'acquitter, pleinement, de sa mission. Par ailleurs, M. Mohamed Ghannouchi s'est montré compréhensif à l'égard de la vague de protestations soulevée, au cours de ces derniers jours, contre le premier gouvernement provisoire, contre tous ceux qui ont assumé une responsabilité dans l'ancien régime et contre sa personne, précisant que ces protestations sont motivées par la crainte de la répétition du scénario de 1987 et de la confiscation de la révolution. Les efforts, a-t-il affirmé, sont tournés vers «la rupture avec le passé et le recours à la conciliation sur de nouvelles bases, tout en s'attachant à la souveraineté de la Tunisie et de son peuple pour qu'il reste fidèle aux martyrs et à tous ceux qui ont trouvé la mort, vécu des moments pénibles ou ont été torturés, durant la période écoulée». «Nous étions dans l'obligation d'éviter un bain de sang qui a menacé la Tunisie et nous sommes là pour essayer d'écrire une nouvelle page de notre histoire», a-t-il soutenu, ajoutant que la conjoncture actuelle commande la conjugaison des efforts pour sauver le pays et la révolution populaire et réaliser le consensus escompté. «Autant il existe des dangers et des menaces, autant les opportunités sont favorables pour ouvrir une nouvelle page qui fait la fierté de ce petit pays de 10 millions d'habitants ayant la capacité de créer du néant un modèle pour plusieurs nations», a-t-il conclu.