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Pour en savoir plus sur ce que l'on sait
Conférence — débat de Nicolas Beau
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 02 - 2011

Du monde, mercredi, salle du Colisée, à l'occasion de la conférence-débat de Nicolas Beau, journaliste et écrivain français, coauteur de Mon ami, Ben Ali et de La régente de Carthage. Les deux livres, bien que censurés sous le régime déchu, n'étaient pas totalement inconnus des Tunisiens. Des exemplaires avaient pu circuler en sous main, et de larges extraits ont été publiés sur Internet. Le désir d'en savoir plus persistait pour autant. Peut-être pour rattraper toute la vérité sur une époque douloureusement vécue. Peut-être aussi pour exorciser un long, très long silence et se libérer d'une frustration longtemps contenue.
La présence de Nicolas Beau à Tunis pouvait y suffire en tout cas. Et l'on peut dire que c'est, somme toute, chose faite.
Nicolas Beau a d'abord raconté les péripéties de la sortie française des deux ouvrages. Commençant par une précision: «Ce n'étaient pas des pamphlets contre la dictature de Ben Ali et la corruption des familles régnantes, c'étaient des enquêtes basées sur des sources et des témoignages assez sûrs…»
«Evidemment — ajouta t-il — nous étions empêchés de venir sur place. Ce qui pouvait relativiser nos informations, et les rendre incomplètes. La police de Ben ALi était une police paranoïaque. Elle renvoyait les journalistes «suspects» à peine descendaient-ils de l'avion…»
Précision, aussi, à propos d'un contenu «forcément dépassé». «La régente de Carthage», par exemple «dont on se rend compte qu'il était bien en deçà de ce que l'on entend à Tunis aujourd'hui». Nicolas Beau insiste sur un point : «Le livre parlait d'un clan Trabelsi affairiste, pas d'une mafia encore. Alors que maintenant, on découvre que l'on avait affaire à un véritable régime mafieux…»
Pourquoi cet intérêt pour la Tunisie sous Ben Ali, alors que la majorité de la presse française était silencieuse, sinon complice?
«Tout cela remonte à la période de prise de pouvoir en 87-88 — explique Nicolas Beau — j'avais séjourné en Tunisie et à mon retour en France j'avais écrit un article au titre heureux, ‘‘Les deux Tunisies de l'après- Bourguibisme''. J'avais bien fait de ne pas me contenter de la belle vitrine de Tunis, en visitant quelques régions du pays profond, Gafsa, Sidi Bouzid, Aïn Draham et d'autres. Et j'avais déjà remarqué le contraste entre la Tunisie de quelques villes qui en donnaient plein la vue et la Tunisie déshéritée du Sud et du Nord-Ouest…
«C'est à partir de cette période que j'ai décidé de m'intéresser de plus près au cas tunisien. Ce fut aussi le moment où je commençais à devenir dérangeant pour les autorités tunisiennes…
«L'évolution des choses me donnait, du reste, raison. Après le court intermède euphorique de 88-89, Ben Ali a donné le signal d'un coup d'arrêt. C'était au nom de la lutte contre l'intégrisme. Et cela paraissait arranger tout le monde, l'opposition de gauche locale, comme l'élite politique et les médias en France et en Europe. Mais dès 1996, l'argument islamiste ne suffisait plus. Ben Ali s'est attaqué à la gauche, puis à tous ceux qui osaient le critiquer. Un régime dictatorial avait pris place en Tunisie. Et la spirale allait ensuite emporter toute résistance. Comment ai-je réagi? Les articles sur Libération et Le monde ne faisaient plus l'affaire. Et chez les médias français, le mutisme était étrangement de mise. J'ai alors songé à écrire des livres avec des collègues . C'était pour nous l'unique manière de maintenir la pression. Ce fut d'abord Mon ami, Ben Ali en 1999, coécrit avec Jean Pierre Tuquai. Ce fut ensuite La régente de Carthage en 2009, avec Catherine Graciet…
«… Ces livres ont eu un gros succès de librairie, preuve que l'opinion française, à la différence de la presse et de la télévision de l'Hexagone, était sensible à ce qui se passait en Tunisie…
«…Maintenant, nous ne rendions, là, qu'un service minimum. Et c'était à risque zéro, bien que 300 policiers de Ben Ali veillaient au grain à Paris-même. A vrai dire, ces livres n'ont qu'une importance symbolique, surtout le dernier. Le reste de la presse n'a pas fait son travail. Il n'y avait pas de journalistes à Tunis, encore qu'à la décharge de tous, il n'y était pas facile d'exercer convenablement son métier. Mais qu'importait-il au fond? Ce n'était pas normal».
Journalistique, pas analytique
Et Nicolas Beau a tout passé en revue. Une abondance de détails, encore, sur les procès intentés aux livres, sur les «rafles» systématique à la Fnac, à l'initiative des «barbouzes» parisiens de Ben Ali. Avec des contre-résultats d'ailleurs : une avocate de Leïla qui oublie de mentionner sur sa requête les dispositions juridiques «violées», d'où un rejet pour vice de procédure; des éditions supplémentaires qui sortent sur le marché, augmentant considérablement les ventes. De vraies bourdes, confinant à la caricature. Au point que l'on s'interrogeait si cela n'a pas été fait à dessein.
Le débat fut animé, un zeste chaud par à-coups.
Les intervenants ont questionné Nicolas Beau a peu près sur tout.
On s'est demandé si La Régente de Carthage n'a pas (au contraire) attisé les ambitions de succession de Leïla Ben Ali. Question plausible : le décryptage minutieux de la montée en force du clan Trabelsi pouvait donner des idées à celle qui la pilotait. Réponse de Nicolas Beau: «Ces ambitions de succession existaient bien avant la sortie du livre».
On a tiqué aussi sur le titre. Un tantinet flatteur au goût de certains. Nicolas Beau admet que cela a pu servir comme «argument de vente». Mais il précise que sous le titre principal il y a la mention «main basse sur la Tunisie». Ça peut rétablir l'équilibre.
On a même «apostrophé» le coauteur à propos du «caractère people» du livre. Cela a provoqué une vive réaction dans la salle. On a sommé l'intervenant de dégager ! Ce à quoi il a obtempéré, séance tenante. Ce n'était pas l'avis de Nicolas Beau qui a tenu à répondre à ces critiques. Pour lui, c'est évident, l'ouvrage n'est qu'une simple enquête journalistique. Et en aucun cas une analyse poussée de la situation politique, sociale et économique de la Tunisie de Ben Ali : «Les universitaires sont appelés à le faire, a-t-il dit, c'est désormais possible maintenant».
Détails inconnus
Autre moment fort du débat : comment s'est faite l'investigation? Et l'on aura eu raison d'évoquer ce point, car Nicolas Beau a dévoilé, nommément, ses sources et ses témoins. L'avocate Radhia Nasraoui, épouse de Hamma Hammami, Mohamed Bouabdelli qui eut maille à partir avec le régime pour préserver son école privée, Khemaïes Chemmari, Slim Bagga, surtout, qui subira la pression des services de renseignement français.
«Par bonheur, a ajouté Nicolas Beau, les familles régnantes se détestaient entre elles, ce qui les amenait à “cracher” des choses. Trabelsi contre Chiboub, et vice versa.
Toute l'instruction judiciaire de l'affaire du yacht volé par Imed Trabelsi a également servi comme document de base. De même que les témoignages de quelques diplomates de second rang.
Mon ami, Ben Ali et La régente de Carthage ne racontent sans doute pas ce que la majorité des Tunisiens ne savaient déjà. Certains n'ont pas manqué de le souligner. Mais cette rencontre avec leur coauteur aura quand même servi à révéler des aspects jusqu'ici ignorés de la machine de corruption de Ben Ali, de son épouse, et de leurs familles prédatrices. Ainsi que, il faut bien le reconnaître, le professionnalisme et le sérieux avec lesquels Nicolas Beau et ses collègues français ont effectué leur travail.
Rien que cela valait le déplacement, mercredi.


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