Par Abdelhamid GMATI Officiellement, la Tunisie compte 32 partis politiques autorisés. Et il y en a d'autres en attente de cette autorisation, qui, au train où vont les choses, ne saurait tarder. Ce qui porterait le nombre à 50. Ils n'étaient que 8 avant le 14 janvier. Peu étaient connus, et la libération des opinions explique cette "explosion". Il faut croire que les anciens partis ne répondaient pas aux aspirations. Mais quelles opinions reflètent ces nouveaux et anciens partis ? Un petit coup d'œil sur leurs orientations politiques nous indique tout un arc-en-ciel : cela va de l'extrême gauche à l'extrême droite en passant par le centre gauche, la social-démocratie, le socialisme scientifique, le socialisme panarabisme, l'écologisme, le libéralisme, l'islamisme…Il faudra du temps, beaucoup de temps pour s'y reconnaître. Pour l'instant, la majorité des Tunisiens ne les connaissent pas. Toutefois, les Tunisiens, qui ont oublié d'être idiots et indifférents, en parlent, discutent, émettent des opinions. Chez eux, dans les cafés, sur les colonnes des journaux ou sur les sites internet. Certains se disent que c'est excusable, voire normal, et que cela sera un excellent exercice pour asseoir la démocratie sur de bonnes bases, et qu'en définitive, tout se décantera au niveau des urnes. D'autres, au contraire, déplorent cette "foire aux partis", estimant qu'elle ne fera que semer la confusion et désorienter le Tunisien, encore peu au fait d'une vie politique intense. Cela donne des discussions non dénuées d'humour. Deux amis échangent, assis à une terrasse de café‑: – C'est dingue, cette histoire de partis : tu te rends compte, 32 partis autorisés et il paraît qu'on va en avoir jusqu'à 50. Ils sont fous ces Tunisiens. – Et alors ? En quoi ça te dérange? – Comment s'y reconnaître ? Regarde un peu leur dénomination et leurs orientations : plusieurs ont des noms très proches, ils sont presque semblables et les tendances politiques sont identiques; des sociaux-démocrates, des communistes, du panarabisme, des islamistes, il y en a même deux écologistes. Est-ce qu'ils ne pourraient pas se réunir, du moins ceux qui ont les mêmes orientations politiques. – N'oublie pas qu'un parti politique, ça n'est pas seulement une orientation mais aussi des individus, des nuances. – Justement, c'est ce que je crains; ces partis sont créés par des personnes cherchant à se placer, à se faire connaître, à obtenir des postes et des privilèges. Quand tu es responsable dans un parti, tu peux être reçu et écouté par un ministre, un député, le président de République; des intérêts personnels en fin de compte. – Je ne comprends toujours pas tes objections ; c'est normal que chacun cherche son intérêt, c'est même reconnu par le bon sens populaire (il n'y a pas de chat qui chasse pour le Bon Dieu). Et puis chaque parti, chaque tendance, sert de contrepoids à une autre tendance… – Ah oui ? Si je veux contrecarrer les islamistes, comment faire‑? On ne peut discuter la religion. – Tu peux toujours créer un parti " les alcooliques réunis " par exemple‑? – Tu t'amuses ? Et le régionalisme, le tribalisme, qu'en fais-tu ? Ne me dis pas le contraire, ça existe. Regarde un peu ce qui s'est passé il y a quelques jours à Métlaoui. Et il y a quelques jours, lors de la grève dans le bassin minier, un des grévistes s'est adressé aux gens de son village, sur une chaîne télé, pour les prier d'abandonner les rivalités tribales pour ne penser qu'à l'intérêt commun. – OK, ça existe mais ça n'est pas étendu et pas tellement grave. – Je l'espère mais je n'aime pas cette pléthore de partis; après tout, nous ne sommes que "des poussières d'individus"… En fin de compte, la discussion se poursuivit, chacun campant sur ses positions.