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Faux semblants
Tunis et Le Caire…
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 03 - 2011


Par notre envoyée spéciale Souad BEN SLIMANE
• A quelques différences près, la révolution égyptienne est un remake de la tunisienne …
Lundi 14 mars 2011. Cela fera bientôt sept ans que je n'ai pas mis les pieds au Caire. L'aéroport a changé. Il est reconstruit, plus moderne, mais dépeuplé, ou presque.
20h30, heure locale. Pas l'ombre d'un touriste. Dans l'avion qui vient d'atterrir, il ya des Egyptiens, des Tunisiens, dont la plupart vivent en Egypte, et surtout des Libyens en transit. Ces derniers étaient en Tunisie pour des soins. Surpris par la révolution du 17 février, ils ne pouvaient plus risquer de traverser les frontières pour rentrer chez eux. Pour les originaires de Benghazi et de l'Ajdabia, fiefs des révolutionnaires, la frontière Est semble être plus sûre.
L'un des jeunes Libyens porte un drapeau tunisien en guise de cache-col. C'est un cadeau que lui ont offert des amis, un geste qui représente la solidarité des Tunisiens avec le peuple libyen, et leur souhait que dans l'avenir proche, la Libye sera enfin libérée du tyran et entamera, à l'instar de la Tunisie, sa marche vers la démocratie.
Centre-ville
A la sortie de l'aéroport, je suis assaillie par les chauffeurs de taxi. A peine j'ai prononcé le mot "combien ?" que la scène s'est transformée en une vente aux enchères. "Dans ce contexte de la révolution, les clients deviennent si rares !", avoue celui pour qui j'ai dit "adjugé !".
Direction centre-ville. Le chemin est long. Le taxi driver me demande si c'est mon premier voyage en Egypte qui d'après lui a changé. "En mieux ?", lui demandais-je à mon tour. Et le vieil homme de répondre : "Al hamdoullilah, les haramia (brigands) sont partis !". Se rendant compte de par mon accent que je suis tunisienne, il me fait part de son admiration pour le peuple tunisien qui a fait preuve d'hospitalité envers les réfugiés égyptiens de Ras Jedir. Arrivée au quartier du 26-Juillet où se situe l'hôtel, j'ai eu un sentiment bizarre, différent de celui que j'avais lors de mes précédents voyages au Caire. Je n'ai plus cette sensation agréable de dépaysement. Les rues de la ville me rappellent fort ceux du nouveau Tunis, désormais surpeuplé, pollué, puant l'odeur de pizza molle et de tuyaux d'échappement, envahi par les voitures stationnées en double file, les commerçants et les vendeurs ambulants.
La façade du Grand Hôtel est moderne, mais l'intérieur est du style les années 30. Je reconnais enfin mon Egypte à moi, celle des films en noir et blanc. L'ascenseur en fer forgé, double porte en bois et miroirs, me plonge dans l'atmosphère de l'une des ces adaptations de Néjib Mahfoud. Après avoir pris possession de ma chambre, je sors pour aller au "Groopy", le café des intellectuels, à la recherche de nouvelles, tout en espérant décrocher quelques interviews. Les innombrables boutiques de la longue rue qui mène à la place Talât Harb (fondateur de l'industrie égyptienne), fermées depuis les évènements du 25 janvier, viennent de rouvrir leurs portes il y a à peine dix jours. Leurs propriétaires craignaient et craignent encore les milliers de prisonniers lâchés dans la nature par l'ancien régime dont quelques partisans et symboles œuvrent toujours en cachette pour une contre-révolution. Mais les éventuels clients paraissent plutôt attirés par leurs concurrents, les vendeurs ambulants. «Cela ne va pas du tout», déclare un commerçant debout devant sa vitrine bondée de chaussures, qui attendent désespérément leurs acheteurs. «Les gens sont fauchés, ils n'osent pas dépenser le peu d'argent qu'ils ont. On ne sait jamais ce qu'il peut advenir demain».
"On ferme !", me dit le gardien du Groopy. "C'est bientôt le couvre feu". Changement de programme. Je prends un thé à la cafeteria de l'hôtel, en regardant les infos d'Al Jazira. C'est les funérailles au Qatar du cameraman Ali Hassen Jaber, tué en Libye par les milices de Kadhafi. Pour la triste occasion, le peuple libyen manifeste, criant haut et fort que le sang du martyr rejaillira sur le tyran.
Il est déjà minuit. Malgré le couvre-feu, les voitures circulent encore dans la ville. J'entends les klaxons, célèbre "bande-son" du paysage cairote. Epuisée, j'essaye de dormir en ignorant les coups de feu. Cela devait être l'armée qui tire en l'air pour rappeler les nocturnes à l'ordre.
Al Midane dépeuplé…
Le lendemain matin, je traverse toute la ville en taxi pour arriver à Corniche Al Maadi, là où habite un cinéaste qui a eu la flemme de venir me rejoindre à l'hôtel. C'est vrai qu'il faut un sacré courage pour s'aventurer à conduire jusqu'au centre-ville. Cela a pris trois quart d'heure pour arriver à destination. Sur mon chemin, je vois le célèbre Midane Ettahrir, la grande place où a eu lieu le fameux sit-in qui a fini par renverser Moubarak et son gouvernement. Tout est clean. L'armée a même inondé les carrés de jardin avec d'énormes quantités d'eau pour dissuader les manifestants. Je vois une banderole accrochée à la bordure en fer sur laquelle c'est écrit : «Place des martyrs». Mais des manifestants, il y en a encore. Plus loin, devant le "Maspirou", l'établissement de la radio et de la télévision, une foule entoure un jeune homme qui parle au micro. Le chauffeur de taxi m'apprend qu'il s'agit des employés des journaux du parti Wafd qui protestent contre leurs conditions de travail. "Cela ne finit pas", ajoute-t-il. "Les gens sont impatients, ils veulent tout, tout de suite, au lieu de penser à l'intérêt général". Encore une impression de déjà-vu et de déjà-entendu.
Cela s'est passé ainsi…
Le jeune cinéaste s'appelle Ahmed Rachouane. Ce nom n'est pas inconnu aux Tunisiens et surtout à la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs. Il a été invité 4 fois au festival international de Kélibia, 3 fois au Fifej de Sousse (le Festival international pour le film de l'enfance et la jeunesse, et il a participé aux dernières JCC (Journées cinématographiques de Carthage), dans l'atelier des projets avec son nouveau long métrage de fiction intitulé Sahara. Avant de me parler de ses souvenirs récents concernant la révolution, Ahmed me fait visiter son appartement situé en face du Nil, et d'un quartier populaire habité par des gens du Saïd du Sud de l'Egypte. Il m'apprend que ces derniers résistent à leur manière aux attaques des "baltagia" : ils sont tous armés jusqu'aux dents !
"Nous avons suivi avec beaucoup d'attention la révolution tunisienne", me dit par la suite le cinéaste, en parlant de lui-même et de ses amis les artistes, et après avoir appuyé sur la touche "play" de son magnétophone pour enregistrer ses propres déclarations. Il se souvient que les "facebookers" tunisiens avec lesquels il était en contact, lui disaient "El akba likom" (espérons que vous serez les prochains). Peu de temps après la réussite de la révolution tunisienne, le mot d'ordre était lancé sur Internet : sit-in au Midane. Et toute l'Egypte a explosé, surtout lorsque la police a commencé à tirer à bout portant sur les civils et lorsque les milices sont descendus avec leurs chevaux et leurs chameaux au Midane. "Nous étions décidés à en finir avec l'ancien régime quoi qu'il arrive", déclare l'artiste. Et d'ajouter : "Nous étions même bien préparés à affronter les bombes lacrymogènes grâce aux Tunisiens qui nous ont communiqué la recette : vinaigre, oignon et cola".
L'artiste se rappelle jour pour jour, heure par heure, de ce qui s'est passé au Midane depuis le 25 janvier et jusqu'au départ de Moubarak. Il rit encore en se souvenant des "perles" des manifestants. Il y en avait un qui avait écrit à Moubarek sur sa banderole : "Mais va-t-en enfin ! J'ai mal au bras !". Un autre lui disait: "Dégage, j'ai besoin de prendre ma douche !" et une écrivait : "Je veux me marier pardi !". Malgré tous les dangers, les morts et les blessés graves, les révolutionnaires s'amusaient la nuit à chanter, à dessiner et à inventer des blagues. Certains dormaient sur place, d'autres rentraient chez eux pour se changer et revenir le lendemain. Des "externes" ramenaient des provisions. Des médecins volontaires avaient installé leur matériel d'urgence sous des tentes, des jeunes dames s'occupaient du contrôle des passants et les habitants du Midane prêtaient leurs appartements pour ceux qui avaient besoin de faire leur toilette, ou de filmer la place vue d'en haut.
«Mais pourquoi avoir choisi la place de Midane Ettahrir comme centre de la révolution ?», demandais-je à Ahmed Rachouane. Et ce dernier de répondre : «D'abord c'est parce que cette place se situe au cœur de la capitale, et puis c'est devenu le symbole des révoltes depuis mars 2003 quand il y a eu le sit-in d'un million de personnes, levant des slogans contre l'occupation de l'Irak par les Américains".
Le grand ménage
Au lendemain du discours de Omar Slimène annonçant la démission de Moubarak, les manifestants ont tout de suite commencé à nettoyer la place. Ahmed Rachouane a filmé le grand ménage. Il est l'un des nombreux de cinéastes qui ont tourné des documentaires sur la révolution. Et ça tourne encore, car le grand ménage continue. Il est désormais d'un autre ordre : l'Egypte s'occupe aujourd'hui à combattre la corruption et à dénoncer tous ceux qui ont volé le pays et violé les valeurs fondamentales de son peuple. A la radio, on communique toutes les vingt minutes des numéros verts pour ceux qui ont des pièces à conviction, ou pour le secours. Car l'insécurité règne encore dans le pays. La police est quasi absente. 20 mille prisonniers circulent librement dans les villes. On fait des braquages et il y a deux jours encore on a attaqué un poste de police à la Charkia (aux environs du Caire) pour faire évader d'autres prisonniers.
On est armé !
"Dans cette ambiance de peur et de terreur, on n'a plus le choix que de s'armer", avoue Michou, un jeune informaticien de 22 ans dont j'ai eu besoin pour remettre en marche mon ordinateur qui est tombé en panne. Il l'a dit comme ça, simplement. J'ai eu mal au ventre en voyant au même endroit, devant la boutique de Michou, des jeunes qui essayent un révolver, un vrai. Ils parlent des armes comme on parle des téléphones portables ou des "ordi". Ils vantent leurs performances. Ces jeunes semblent être des connaisseurs. Je me suis cru dans un film d'action. La veille, un cadre haut placé au ministère de la Culture, m'annonce "pour me rassurer" qu'il a une arme dans sa voiture. En faisant mon enquête, je découvre qu'à part ce quartier du côté de chez Ahmed Rachouane, il y a d'autres régions où les gens sont armés. Je cite notamment: Al Charkia, Belbis, Al Ayat, Abou Al Ghit, Al Minia, Souhag, Assiout et Kafr Al Cheikh.
Que se passe-t-il ? D'où viennent toutes ces armes ? Michou m'informe que c'est des gens qui travaillaient sous les ordres de l'ex-ministre de l'Intérieur qui en vendaient, bien avant la révolution. Habib Al Adli, actuellement en arrestation, était un trafiquant d'armes et de drogue. Mon interlocuteur était parmi les révolutionnaires qui avaient "perquisitionné" son bureau. Il m'en a même montré une vidéo. Le bureau de l'ex-ministre était d'un "confort" impressionnant : salon et chambre à coucher luxueuses, salle de bain toute en marbre, matériel de sport et vaisselle de qualité, et dans le dressing, il y a deux robes de chambre : un pour homme, et un pour femme ( !). Et moi qui disais toujours que les films égyptiens exagèrent un peu trop dans leur manière de s'inspirer de la réalité!
Egypte — Demain le référendum
La tension monte
Ce samedi 19 mars aura lieu le référendum, l'événement le plus important en Egypte depuis la révolution du 25 janvier2011. Cela s'embrase dans « la bataille du  Oui  et du  Non » comme l'appellent les médias égyptiens. Les frères musulmans distribuent des tracts annonçant leur accord pour la modification constitutionnelle, le parti du « Centre » dit « Oui » pour que l'armée retourne dans ses casernes et Mohamed Al Baradaï déclare que les modifications seraient une humiliation pour la révolution. « Chabab Al thawra » ou les Jeunes de la Révolution sont du même avis que Baradaï,
l'ex-directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, et qui-croit-on savoir, se portera candidat à la présidence. Tout comme Amr Moussa, l'actuel secrétaire général de la Ligue des Etats arabes et candidat déclaré aux élections présidentielles qui s'oppose à cette révision de la Constitution qu'il juge insuffisante. D'autres forces politiques demandent d'annuler le référendum, de le reporter ou de voter par un refus. Les tracts des frères musulmans distribués dans toutes les délégations pour convaincre la population de voter par un « oui », préviennent également contre la prolongation de cette période transitoire et contre le changement de la relation des citoyens avec l'armée. Elle peut virer, dit-on, de la complicité au conflit. Cela dit, le rapporteur du comité de modifications constitutionnelles, Hatem Bejatou, déclare de son côté que le but de ces modifications est d'ouvrir une porte plus sûre au changement radical du Destour. Combien seront-ils pour et combien voteront-ils contre ? Les Egyptiens sont tous aux aguets et la tension monte dans les milieux culturels et politiques. Ce samedi fera certainement date dans la nouvelle histoire de l'Egypte, espérons que tout se passera bien.
Souad Ben Slimane


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