Par Mohamed Ridha BOUGUERRA "Si tu n'as pas honte, fais ce que bon te semble !", dit un proverbe arabe qui fait, implicitement, de la conscience un frein à toute mauvaise action. Il signifie aussi que si ta conscience ne suffit pas à t'arrêter sur la pente d'un méfait que tu t'apprêtes à commettre, ton cas est désespéré, jugé irrécupérable et l'on ne peut que t'abandonner à toi-même. Hélas, le nombre de gens parmi nos compatriotes à qui ces propos pourraient actuellement s'appliquer est en augmentation exponentielle ! Et on peut les rencontrer à tous les niveaux, aussi bien parmi les citoyens lambda que dans les milieux politiques. Quelques exemples de dérives et de faits et gestes qui méritent condamnation et dont les répercussions seront néfastes à l'environnement, la sécurité des personnes, l'économie et même la stabilité du pays. Constructions anarchiques Avez-vous noté, tout d'abord, que le secteur du bâtiment est celui, probablement, que la Révolution a le plus fortement boosté depuis le 14 janvier ? Faut-il valablement s'en réjouir ? Cherchez la faute ! Il suffit de se rendre sur la côte pour comprendre l'ampleur du phénomène et sa nature pernicieuse. La frénésie de construction que connaissent des villages comme Sounine, Raf-Raf ou Sidi Ali El Mekki, à titre d'exemples, est fort malsaine car il s'agit de constructions anarchiques en dehors de tout contrôle et en contradiction avec les règles les plus élémentaires d'un urbanisme réfléchi. Le phénomène est particulièrement frappant à Raf-Raf où, à force d'élever des étages à qui mieux mieux et de bâtir même sur le Domaine public maritime (DPM), on a causé d'inextricables problèmes entre voisins et, plus gravement encore, irrémédiablement défiguré le paysage et porté dangereusement atteinte à l'environnement. Qui arrêtera donc ce désastre annoncé et sauvera ce qui peut encore l'être ? Qui pourra convaincre ces propriétaires inconscients qu'ils sont en train de tuer la poule aux œufs d'or ? Qui leur expliquera, en effet, que ce qui a fait jusqu'ici le charme, précisément, de ces jadis coquets villages de modestes pêcheurs attirant tant de monde en été, est en train de disparaître pour laisser place à la laideur de ces clapiers et pigeonniers sans âme ? Dans le vide laissé par la dissolution des conseils municipaux, une intervention des autorités compétentes du ministère de l'Intérieur est d'une urgence absolue ! Au secours ! Sauvons le pays de ses mauvais enfants ! Halte à l'anarchie rampante ! Et c'est avec une immense amertume que l'on est bien obligé de constater que si la Révolution a signifié pour les uns le martyre, pour d'autres, et ils sont légion malheureusement, elle est, essentiellement, profit immédiat, même si cela se devra irrémédiablement se traduire par des catastrophes sur les plans de l'environnement ou de l'esthétique urbanistique. Dangereuses provocations "Si tu n'as pas honte, fais ce que bon te semble !", notre sage proverbe peut encore être opposé à ceux qui ont poussé des jeunes, avinés, disent même certains, à aller provoquer, dimanche 27 mars, des fidèles à la mosquée d'Aousja, dans le gouvernorat de Bizerte. Du coup, de pieux et paisibles villageois, pour qui tout ce qui est sacré est intouchable, se sont métamorphosés en rebelles : ils ont, ainsi, exigé des agents de la Garde nationale l'arrestation immédiate des malfaiteurs sinon le feu sera mis au poste de la force publique dont ils ont fait le siège ! Si l'indignation de ces fidèles est bien compréhensible, leur réaction en opposition si totale à la loi et à la paix civile est-elle acceptable ? C'est l'autorité de l'Etat qui subit ici un coup dommageable. En passant de l'extrême nord au sud du pays, le paysage change sans doute, mais pas l'atmosphère délétère dans laquelle nous vivons. "Si tu n'as pas honte, fais ce que bon te semble !" pourra encore servir donc de commentaire au caillassage qu'a subi la voiture du ministre du Tourisme en traversant Souk Lahad, dimanche 27 mars. C'est là un incident dont le préjudice sera désastreux non seulement à l'image de la Tunisie mais également à son économie. Le ministre du Tourisme se rendait dans la région de Douz-Tozeur accompagné d'une foule d'ambassadeurs et de journalistes locaux et étrangers afin de promouvoir le tourisme saharien et, partant, d'aider au maintien, voire à la création, de postes de travail ! C'est donc loupé par la faute de quelques inconscients ! N'y a-t-il vraiment pas d'autres moyens de protestation que les jets de pierres ? Quelles que soient les raisons de la colère qui a poussé à ce geste de désespoir des habitants de Souk-Lahad, c'est l'Etat tunisien qui sort amoindri après un incident aussi attentatoire à l'image d'un pays qui se veut accueillant et touristique! Manœuvres dilatoires "Si tu n'as pas honte, fais ce que bon te semble !" s'impose de nouveau, enfin, quand on réfléchit à la déclaration, ce lundi 28 mars, du porte-parole de l'Ugtt qui réclamait le report de l'élection d'une Assemblée constituante… au 14 janvier de l'an prochain, pas moins, s'il vous plaît ! Certes, cet éminent responsable syndical n'est pas un vulgaire lanceur de pierres. Pire, cependant, car c'est un prophète de malheur qui annonce un désastre politique chaque fois qu'il ouvre la bouche ! Ce qui est un comble pour un porte-parole ! Et l'on ne peut que rager de savoir l'argent des travailleurs utilisé pour rémunérer quelqu'un qui cherche à nous persuader que ses indigentes et inopportunes balivernes sont des vérités, sinon une politique sage et responsable ! Car à qui profitera finalement la prolongation de l'absence d'une véritable sécurité dont on a essayé de donner ici quelques échantillons, sans parler des braquages, cambriolages, occupations illégales de logements en construction, menaces et autres agressions physiques dont les citoyens ordinaires sont régulièrement l'objet ? Sous prétexte d'une bonne préparation aux élections durant les dix mois à venir, l'on fait mine de ne pas croire à l'instabilité criante qui menace le pays ! Comme l'on fait mine encore de ne pas prendre au sérieux les risques de voir le chaos s'installer faute de la forte légitimité dont a besoin l'exécutif. L'opinion publique est-elle véritablement dupe de ces manœuvres dilatoires qui ne visent qu'à compromettre l'accouchement d'un pouvoir assez solide pour constituer une réelle menace pour tous ceux qui ont honteusement servi l'ancien régime et bassement profité de ses largesses calculées et intéressées et, éventuellement, pour les poursuivre en justice ? Honte donc à tous ceux qui escomptent l'échec de la Révolution et agissent dans l'ombre avec le secret espoir d'empêcher la naissance d'une Tunisie libre, juste, égalitaire, moderne et démocratique !