Ces dernières années, des voix se sont élevées ici et là pour exhorter les prédicateurs et imams à s'inspirer du référentiel tunisien dans leurs prêches afin de promouvoir la culture de la tolérance, du dialogue et de la modernité. Des valeurs essentielles et fondamentales auxquelles croit et appelle le bon sens, cette capacité de distinguer le vrai du faux et d'agir avec raison. Le peuple tunisien appartient dans sa majorité au rite malékite, une des quatre composantes de la sunna du Prophète Mohamed. De ce fait, il relève du référentiel malékite, un courant qui, dans son essence, refuse les amalgames douteux et les interférences ambiguës et dont la multiplication finit par altérer dangereusement les valeurs de grandeur de notre religion. De ce point de vue, il y a lieu de rappeler l'influence exercée par les réformateurs tunisiens, et ce, depuis le XIXe siècle. Ils refusaient l'observance stricte et primitive de la religion en revenant aux sources des écoles juridiques du malékisme et du hanafisme dans l'unification des pratiques et l'exemple du «fiqh» dans la prière, indépendamment des rites observés. Pourtant, les mêmes textes de la sunna bannissent tout ce qui est de nature à diviser et à provoquer la «fitna» (discorde) et recommandent la vigilance susceptible de créer l'osmose indispensable pour que s'établisse la paix des âmes. Aujourd'hui dans nos mosquées, on voit naître des pratiques ainsi que des scènes aberrantes étrangères au référentiel tunisien en matière de principe charaïque. L'origine de ce dysfonctionnement est à imputer aux chaînes satellitaires du Moyen-Orient qui véhiculent dans la plupart des cas des absurdités et des énormités des plus insensées. C'est pourquoi nous sommes appelés à intervenir pour épargner aux mosquées les insupportables déviations. Le message divin est venu pour réaliser l'union des cœurs et l'amour du prochain, qu'elles subissent ces derniers jours, n'en déplaise aux obscurantistes, opposés à l'instruction, à la raison et au progrès. Leur seul souci est d'émettre des «fatwas» pour interdire ou rendre licite telle ou telle pratique. A ce sujet, il est utile de se référer au texte du Dr Mounir Tlili, de l'université de la Zitouna, qui affirme que tout au long de l'histoire musulmane en Tunisie, on a enregistré quatre «fatwas». La première remonte au IIIe siècle de l'hégire. Son auteur est l'imam Sahnoun. Elle se rapportait à certains cas relevant de l'hygiène féminine au cours du pèlerinage. Tout au début du XXe siècle, le cheikh Mohamed Hédi Belkadhi a émis deux «fatwas» relatives au décès du pèlerin, survenu avant l'accomplissement du rite du pèlerinage, et l'autre sur l'«ithra» (rédemption), le pardon accordé à certains péchés. La 4e «fatwa» est du vénérable cheikh réformateur Tahar Ben Achour, elle se rapporte à l'«ihram». Parce qu'elle est rationnelle et qu'elle n'accorde de valeur qu'à la raison, la société tunisienne, dans sa globalité, rejette et dénonce l'extrémisme qui n'est rien d'autre qu'une idéologie qui nous vient d'ailleurs et qui prône un système de pensée et d'idées rétrogrades et nocives visant à dominer, si nécessaire, par la force et la violence, la majorité. La preuve nous est régulièrement fournie par les tristes événements qui secouent les mosquées. Le peuple tunisien, mâture et pacifique, dénonce et condamne avec énergie ces actes lâches qui ont pour corollaire de révéler la face hideuse de l'extrémisme religieux. Le grand mufti Fadhel Ben Achour soutenait que l'équilibre d'une société ouverte, tolérante et affranchie des tendances maximalistes et radicales favorise l'émergence de l'édifice matériel, immatériel et psychologique de l'homme. La nébuleuse islamiste dispose aujourd'hui de plus d'un groupuscule dans sa mouvance. Elle prêche une attitude et une disposition d'esprit qui, au nom d'un aspect intransigeant de la tradition, se refuse à toute évolution. L'intégrisme religieux est le résultat de l'ignorance et de l'obstruction de l'esprit, un sectarisme qui contribue au développement de l'intolérance et de l'étroitesse intellectuelle. C'est également une pathologie morbide et obscurantiste qui nie le progrès et la raison. On n'insistera jamais assez sur les valeurs de la modernité qui assurent les fonctions régulatrices d'un équilibre entre les outrances et les excès observés dans la société à quelque bord qu'ils appartiennent. Le péril de l'intégrisme ne dort que d'un œil.