Longtemps laissés pour compte, les élèves, ainsi que les enseignants doivent être mobilisés pour une école vivante La dette que nous avons, nous, adultes, envers cette jeunesse qui a réalisé, grâce à sa bravoure et à sa détermination, cette révolution tant espérée nous met face à nos responsabilités et à la nécessité d'agir au plus vite pour participer à édifier la Tunisie de demain. Tout militant qui croit aux valeurs nobles de la liberté, de la démocratie et de la dignité humaine peut, selon la position qu'il occupe dans les institutions de l'Etat, contribuer soit par ses actions, soit par sa réflexion ou par les deux à la fois à cette entreprise d'édification. Il est urgent de mettre le doigt sur les plaies qui rongent les différents organismes, entreprises et institutions étatiques. Etant conseiller en information et en orientation scolaire et universitaire, je trouve que l'école de l'ère démocratique a besoin de l'effort de tous les acteurs du système éducatif. Longtemps, les élèves ont été laissés pour compte malgré l'existence de lois et de textes fort édifiants qui ont été en partie mis en pratique. Entre un contenu théorique (loi d'orientation et celle organisant la vie scolaire) et la réalité, il y a un grand fossé. En effet, les élèves, censés être au centre du système éducatif, n'ont jamais senti que l'école est d'abord la leur. Le sentiment d'appartenance des élèves à leur milieu éducatif n'est pas souvent évident. Rares sont ceux qui œuvrent pour responsabiliser les élèves et les insérer dans la vie scolaire. J'entends par responsabilisation une véritable participation dans les différentes instances de l'institution scolaire (conseil d'établissement, de classe, d'éducation et d'orientation). En effet, le milieu éducatif se limite malheureusement à inculquer un savoir, voire à gaver les jeunes de connaissances multiples sans chercher à les engager et à les impliquer dans la vie de l'école. Les délégués de classes, encadrés par les spécialistes en communication, pourront dans l'avenir jouer un rôle important dans l'essor de l'institution scolaire. Il est impérieux de faire cette institution un milieu d'épanouissement, un cadre motivant que les jeunes fréquentent avec plaisir et où ils se sentent concernés tant par la propreté de leur classe que par les activités culturelles et sportives qui doivent nécessairement être leur choix. Ils seront encadrés par un personnel éducatif formé en psychologie de l'enfant et de l'adolescent, et en techniques de communication. Suivi et accompagnement Par ailleurs, il est inconcevable d'accueillir des élèves de la première année primaire, de la septième année de base et de la première année secondaire sans que le personnel éducatif, enrichi par un psychologue et un conseiller social n'étudient le dossier actualisé et fourni en informations sur le passé sanitaire et scolaire de l'élève, ainsi que la situation sociale et matérielle de sa famille pour un éventuel suivi et un accompagnement des élèves en difficulté. Pour ce faire, le personnel éducatif, à sa tête le proviseur, est amené dans le cadre du conseil d'établissement à mettre en place un projet pour pallier les insuffisances tant au niveau de l'institution qu'à celui des élèves. La réussite de l'enseignement dépend de la clairvoyance des acteurs du système éducatif et de leur capacité à anticiper et à devancer les problèmes. Il est temps de donner à la vie scolaire, parent pauvre de notre système éducatif, une place de choix. Mais, sans une révision sérieuse du temps scolaire, tout projet ne peut aboutir car il faut non seulement opter pour une seule séance quotidienne, mais aussi penser à libérer une plage horaire pour l'animation culturelle et sportive : retour aux compétitions d'interclasses et, pourquoi pas, d'inter-lycées animées par des spécialistes diplômés du supérieur dans les différents domaines : théâtral (activité négligée pourtant très importante pour l'apprentissage de plusieurs formes d'expression langagière, corporelle et orale), audiovisuel (ciné-club et cinéma amateur), artistique, sportif, technique, scientifique et technologique, et la création de différents clubs réels et non fictifs (comme ce fut le cas avant la révolution). Mais, là où le bât blesse, c'est que l'institution scolaire n'a jamais accordé d'importance à ce volet éducatif. Elle s'est limitée la plupart du temps au fonctionnement administratif et pédagogique, reléguant au dernier plan les composantes de la vie scolaire. Pour y remédier, l'existence au sein de toute institution scolaire d'un coordinateur, recruté parmi les diplômés et encadré par les conseillers en information scolaire et universitaire, facilite la tâche des animateurs qui assurent des séances hebdomadaires dans «une école ouverte», disponible même les dimanches et pourquoi pas pendant les vacances. Il est nécessaire à ce propos de décloisonner les ministères et cela en intégrant dans les activités de l'école des diplômés de différents ministères, (ministère de la Culture, des Affaires sociales, de la Santé, de l'Emploi, etc.). Ainsi, conseiller en orientation, psychologue scolaire, agent social, médecin et animateurs se relayeront dans l'institution scolaire. Pour ce qui est de la place des parents, il est impératif de maintenir un lien constant avec ces derniers (différent de celui qui a perduré des décennies) basé sur la transparence et la confiance mutuelle. L'école pourrait les intégrer et les impliquer dans cette vie scolaire en les invitant à participer à toutes sortes d'activités (débats, kermesses, fêtes…) et éviter au maximum de les appeler pour admonester leurs enfants. Les différents intervenants peuvent, à l'occasion, expliquer aux jeunes la réalité du monde du travail, laquelle réalité est absente de leurs préoccupations focalisées la plupart du temps sur les études. En effet, ils arrivent au Bac ignorant tout de ce monde ô combien important pour leur choix des filières d'avenir. Pour cela, l'existence d'un centre régional d'orientation scolaire et universitaire serait la bienvenue. Animé par des conseillers en information et orientation, ce centre sera un point d'attache pour les élèves qui trouveront des experts disponibles pour les écouter et leur fournir des informations et une documentation fiables sur tout ce qui concerne le monde du travail et les filières d'études et, pourquoi pas, leur favoriser des stages d'initiation aux métiers pendant les vacances. Développer les règles de citoyenneté La mission de l'école consiste aussi à développer chez nos jeunes les règles de la citoyenneté et de la vie en commun. Les classes-débats peuvent être le lieu d'une initiation au dialogue et à l'échange sur des thèmes comme ceux de la tolérance, du volontariat, des droits de l'Homme, du respect d'autrui, de la liberté et de la dignité humaine. Cet apprentissage doit commencer très tôt. A ce propos, il est nécessaire de bannir de nos écoles tout individualisme que le pouvoir déchu a développé à travers cette mentalité dangereuse de «l'excellence». Une obsession de la performance a atteint chez nos élèves un niveau insupportable. La classe, au lieu d'être le lieu du travail en groupes, d'activités collectives est devenue lieu de haine, de ressentiment, de pression et de tension. L'excellence doit être l'apanage de tout le système éducatif (les programmes, l'enseignement, les enseignants, la vie scolaire etc.) qui, en s'améliorant, touche ainsi tous les élèves en dehors de tout esprit élitiste. Le travail, l'effort, la créativité et le dynamisme seront la ligne de conduite de nos jeunes. Enfin, l'école de demain dans une société démocratique sera celle de l'épanouissement intellectuel, physique et moral de nos élèves, ouverte à leurs préoccupations actuelles et futures, attentive à leurs problèmes, réceptive et disponible, animée par le désir de les écouter, de les aider, de les prendre en charge et de les accompagner dans leurs projets. Elle sera en définitive une école où règnent les règles de base de la démocratie, du respect d'autrui, un véritable milieu de socialisation et d'initiation à la citoyenneté et à la préparation à la vie d'adulte.