Par Khaled TEBOURBI Malick, slameur, beur, réagit ainsi a la mort de Jean Ferrat : «Je veux qu'on me réponde, qu'on nous réponde, que la France entière réponde : pourquoi n'y a-t-il plus d'artistes comme ça, capables, aussi bien, de communiquer la poésie que de donner goût aux idées…» (Canal+ le 14-03). Ce n'est pas un nostalgique ou un «has been» qui parle, encore moins un intello soixante huitard, c'est un jeune immigré de banlieue. Une exception? Peut- être bien. Mais comme ces propos inattendus viennent à point pour rappeler à ce qui est le vrai combat aujourd'hui, le combat pour la culture. Non pas seulement la culture des arts et des loisirs, mais, précisément et encore, la culture qui était celle de Jean Ferrat et de la génération de Jean Ferrat : «la basique» comme l'on disait alors, celle qui instruit, forme les esprits, éduque les humeurs et les cœurs, balise la voie aux meilleurs, celle qui prépare à être poète, philosophe, écrivain, musicien ou chanteur. Malick a posé sincèrement une question. Et visiblement il n'avait pas la réponse. Malick, on le suppose, est un peu comme tous les artistes de son âge, de France ou d'ailleurs, il a pris, comme eux, l'habitude de vivre son temps. Pas plus, Ni moins. Et ce temps, à cause de la crise, de l'argent, de la mondialisation, est un temps qui n'a pas la tête à autre chose qu'à la crise, à l'argent, à la mondialisation. C'est un temps à qui rafle le mieux la mise. C'est du «à toi à moi». Dans cette espèce de jungle féroce, à quoi serviraient les philosophes et les poètes ? Et quelle place ferait-on à «la culture basique», celle qui forme les créateurs et les sages de demain ? «Un cercle» en ronge un autre Malick le beur, le slameur, aurait pourtant dû savoir que reproduire un Ferré, un Brel, un Ferrat, est toujours possible. Que le génie se réinvente bien. Nos jeunes, ici, si tant est qu'ils en aient, eux aussi, l'envie et l'ambition, doivent savoir que Tarnane, Riahi, Oulaya ou Chebbi sont tout à fait reproduisibles. Il suffit simplement de le vouloir. La volonté reste l'unique arme fiable de la culture contre l'argent. C'est le fameux Shé de Bourdieu : si l'éducation de base fait normalement son travail, la culture de masse ne peut aller qu'en diminuant. Une cercle mercantile stagne, le cercle du savoir s'élargit, Un cercle en ronge un autre. Bourdieu se morfondait : que dire si les Etats, les institutions, la société des arts, y ajoutaient leur volonté? La culture se transforme d'abord à la base, pas par «parcelles», pas «d'aval» en «aval» : mais en amont. Tunisie-Japon : un partenariat au point «Petit-déj» et débat : voilà à quoi nous étions conviés le jeudi 17 (on dira aux aubes?) dans un grand hôtel de la proche périphérie de Tunis. Organisateur : l'association d'amitié Tunisie-Japon. Thème : comment accompagner davantage un partenariat (culturel) déjà bien au point au niveau des Etats ? Les intervenants : trois figures du théâtre (Fadhel Jaziri), de la musique (Riadh Fehri) et du cinéma (Kalthoum Bornaz) Tunisiens. La présence : triée sur le volets. Des personnalités de la politique, de la diplomatie, dont Son Excellence l'ambassadeur du Japon, M. Toshiyki Taga, Mme Faïza El Kéfi, présidente de la cour des comptes, et M. Noureddine Mejdoub, notre ex-ambassadeur à Tokyo et actuel président de l'association. Courte mais agréable rencontre au final. Instructive s'il en fut. La proposition de Fadhel Jaziri d'en reférer aux maîtres de l'art pour la formation de nos jeunes artistes est d'autant plus pertinente qu'elle semble possible. Celle de Kalthoum Bournaz de faire davantage connaître le grand cinéma japonais à nos publics et de nous aider à numériser nos archives filmiques, de même. Ou encore la suggestion (unique) de Riadh Fehri de familiariser nos violonistes à la méthode Suzuki, technique spécifique au pays du Soleil Levant et qui aide principalement à allier jeu et lecture de solfège. Shématiquement s'entend. Un petit regret : que le débat ne sait pas allé loin. Question d'horaire. Mais, on nous l'a promis, cela «s'appelait retour». Adieu l'Artiste ! Peine à nous consoler, tous, de la disparition précoce de Faïcel Karoui, saxophoniste émérite, enseignant de musique, praticien au long souffle et compositeur, entre autres, du spectacle inaugural du festival de Carthage il y a deux saisons. Non plus que nous ne trouvons les mots pour dire toute notre compassion à son épouse et compagne d'art, Amina Srarfi, fondatrice et inspiratrice de l'ensemble «El azifet». Le départ de Faïcel Karoui est une énorme perte pour notre musique, surtout pour cette musique ouverte à la modernité et résolument projetée de l'avant, qui commence à se frayer place dans notre pays et dont le regretté défunt était un si précieux talent. Dieu bénisse l'artiste, et courage et patience Amina!