Il s'appelle Raouf Dridi, il est originaire de Béja qu'il quitte en 1985 avec un bac lettres en poche pour tenter sa chance ailleurs, en France d'abord, avant de traverser l'Atlantique pour s'installer dans le pays de l'Oncle Sam, à Washington précisément. «Là bas, je me suis mis à étudier la programmation informatique avant d'entrer comme technicien dans une société spécialisée», explique-t-il.Grâce à son sérieux et à son application, il est arrivé à séduire ses employeurs qui l'inscrivent dans un institut spécialisé dans le système réseau d'où il sortira avec un diplôme d'ingénieur réseau en 1998. Deux ans après, il crée sa propre entreprise et se lance dans les affaires. Revenu à Tunis au début de ce mois pour «respirer l'air de la liberté», dit-il, il amène dans ses bagages un système de vote biométrique intégré «simple, fiable et transparent» et «susceptible d'offrir un niveau de sécurité satisfaisant». Expérimenté dans un certain nombre de pays comme le Bangladesh en 2008 avec ses 90 millions d'électeurs et bientôt au Nigeria, ce système ne peut être viable que s'il garantit trois conditions essentielles, à savoir «l'authentification de l'identité de l'électeur, la préservation de l'anonymat et l'impossibilité de procéder à des votes multiples». Explication. Dans chaque isoloir, on doit installer des équipements multimédias reliés à un serveur central de base de données. L'électeur, devant un écran tactile, procède au vote en suivant les instructions fournies par voix sonore. Il introduit le numéro de la carte d'identité nationale, la liste des candidats s'affiche sur l'écran avec photos, couleurs des listes et éventuellement avec un bref curriculum vitae sous le nom de chaque candidat. Il procède alors au vote en appuyant sur le nom, la photo du candidat ou la liste choisis et l'opération est terminée. «Cela prend entre 10 et 15 secondes», précise notre ingénieur, démonstration à l'appui. Ceci pour les connaisseurs mais pour les électeurs qui méconnaissent l'outil informatique ? «Ceux-là pourraient être assistés par un autre électeur non candidat comme le prévoit la loi électorale. Durée 50 à 60 secondes», précise-t-il. Y a-t-il risque de faute ou de falsification ? «Avant de passer dans l'isoloir, l'électeur se présente au bureau de vote muni de sa carte d'identité nationale. Le chef de bureau ou son assistant vérifie son identité sur l'ordinateur installé devant lui avant de l'inviter à l'isoloir pour voter. Le risque de faute est réduit à zéro puisqu'aucune personne ne pourrait se substituer à une autre», renchérit Raouf Dridi avant d'ajouter : «Même en cas d'erreur de vote, l'électeur dispose de trois essais pour rectifier, au-delà, il est invité à s'adresser au chef de bureau pour vérification». Le système biométrique permet, également, de vérifier à tout moment le taux de participation mais aussi les suffrages exprimés pour chaque liste ou chaque candidat. Le vote pourrait également se faire par empreinte digitale, «mais il me faut au moins huit mois pour pouvoir introduire cette donnée de base dans le système, ce sera peut-être pour les élections présidentielles et législatives». Il est évident qu'un tel système nécessite une infrastructure de télécommunication performante avec des terminaux et des hauts débits, capable de supporter toutes les informations requises pour l'opération électorale et le transfert rapide des données, même dans les confins les plus reculés du pays. En plus de l'installation de plus de 20.000 équipements multimédias dans tous les bureaux de vote. Coûteux, ce système ? Assurément puisqu'il est estimé entre 50 et 60 milliards de nos millimes, à raison de 10 dinars par électeur. «Mais il pourrait être rentabilisé dans d'autres secteurs comme ceux de la santé, de la sécurité sociale et autres», affirme notre interlocuteur. Si sa proposition trouve preneur chez les décideurs, il va organiser une campagne d'information tous azimuts à travers les médias et dans les grandes surfaces commerciales pour vulgariser son système auprès des citoyens. Il prévoit aussi d'organiser, en compagnie de son équipe d'ingénieurs et de techniciens, des sessions de formation pour les responsables des bureaux de vote. Un vote biométrique lors de la prochaine Constituante serait une grande première en Tunisie.