Elles n'ont absolument rien d'esthétique, ces antennes-relais de téléphonie mobile qui ponctuent les toits dans les zones urbaines et celles, en particulier, à forte population. Tels des poteaux métalliques émergeant des zones industrielles, elles s'ancrent de plus en plus dans les quartiers, rappelant à l'homme sa dépendance quasi obsessionnelle face aux nouvelles technologies de la communication. Et il est difficile de focaliser le zoom sur toutes les zones touchées par cette intrusion inquiétante en raison de l'ampleur du phénomène. Toutefois, le gouvernorat de la Manouba compte parmi les endroits les plus touchés . Rien qu'en prenant la direction de la Manouba, ces antennes projetant des ondes électromagnétiques, vous accueillent à droite et à gauche, séparées à peine par quelques centaines de mètres. Dans la ville de la Manouba, le phénomène s'avère accentué. La rue de Moknine témoigne de l'implantation exagérée de ces fameuses antennes. En effet, deux villas situées l'une en face de l'autre disputent le terrain des ondes électromagnétiques, traduisant ainsi la violation des critères imposant une certaine distance entre les deux antennes. La première a été mise en place par Tunisiana en 2008. C'est Mme Khayati, propriétaire de la villa qui a cédé à la tentation financière de ce contrat : «Au début, je n'étais pas partante pour ce contrat. Mais l'opérateur en question n'a pas baissé les bras et a tout fait pour me convaincre. Un chef de service s'est même déplacé jusqu'à mon domicile pour me dire que le site a été définitivement choisi et que, même si je n'acceptais pas, l'un de mes voisins bénéficierait de ce privilège», nous indique-t-elle. A proximité de la maison de Mme Khayat se situe celle de Hassen Bou Aziz. Ce monsieur était parmi les premiers à refuser l'implantation d'une antenne- relais dans ce quartier. Il a même signifié sa position tant verbalement que dans une pétition qu'ont signée les voisins; une pétition qui a été adressée aux autorités concernées. Ce même monsieur a curieusement changé de position le jour où l'opérateur de téléphonie mobile Orange lui a proposé de louer le toit de sa maison pour la garnir d'une antenne de relais. «J'ai accepté l'offre par pique contre ma voisine. Puisqu'elle n'a pas démonté l'antenne-relais qui pointe du ciel du haut de son toit, alors pourqoui ne pas en faire autant ? En plus, j'ai consulté un ingénieur exerçant au pôle technologique de la Ghazela qui m'a rassuré quant à l'absence de toute forme d'impact nocif sur ma famille et sur les riverains. D'ailleurs, nous n'avons remarqué, moi et les membres de ma famille, aucun effet sur notre hygiène de vie», nous confie-t-il. Par pique, peut-être, mais aussi sous l'effet de la tentation. Comment refuser un montant mensuel sans pour autant fournir le moindre effort en contrepartie ?! Il faut dire que l'offre apparaît alléchante: Mme Khayat avoue recevoir un loyer de l'ordre de 3.600DT par an; une somme qui gonflera de 5% par an à partir de la troisième année du contrat. De son côté, M. Bou Aziz reçoit, et depuis neuf mois, un montant mensuel de 470DT. Et les voisins endurent... Ce bénéfice ne fait que le bonheur des propriétaires. Les voisins, eux, n'ont droit qu'à l'angoisse à l'idée de souffrir, désormais, d'éventuels malaises et de voir leur santé et celle de leur progéniture touchées par l'impact des ondes électromagnétiques. Pis encore, certains ont même rapporté qu'ils subissent depuis plus de deux ans les vibrations audibles desdites ondes. C'est le cas de Mme Dorra Ben Naceur, mère au foyer résidant à la rue de Moknine qui souffre de troubles du sommeil. «Il suffit de poser la tête sur l'oreiller pour sentir ces insupportables vibrations», nous confie-t-elle. Mme Nabiha Ben Berbiha, une autre riveraine, donne sa déclaration sur un ton mêlé de contestation et de désespoir : «Nous sommes tous persuadés que ces antennes présentent un danger pour notre santé. Nous avons signifié notre objection quant aux risques pour l'implantation de la première antenne, en vain. Pour toute réponse, une deuxième antenne a été installée ! Ce qui ne fait que doubler notre angoisse quant à la santé, notamment, des bébés et les personnes âgées». Les riverains, y compris M. Bou Aziz, ignorent sans aucun doute que les ondes électromagnétiques qui empêchent la plupart de dormir tranquillement et normalement, émergent d'une seule antenne, celle implantée par Tunisiana en 2008. Celle montée sur le toit de la maison de M. Bou Aziz n'est toujours pas fonctionnelle ! M. Ridha Oueslati, secrétaire général de la municipalité de la Manouba, explique : «Cette antenne a été installée sans autorisation de la part de l'Agence nationale des fréquences ( ANF). D'ailleurs, la municipalité est censée recevoir 10% du loyer du toit. Pour l'instant, nous n'avons rien reçu à cause de l'illégalité de la mise en place de cette antenne. Récemment, l'opérateur Orange a tenté de payer ce qu'il devait. Mais la municipalité a refusé de tomber dans ce piège et lui a signifié de bien vouloir régulariser sa situation et présenter une autorisation en bonne et due forme». Le malaise est bel et bien installé dans ce quartier pour toucher également Mme Khayat, dont la relation avec ses voisins a viré au cauchemar : «J'ai fait deux dépressions depuis l'implantation de l'antenne-relais. Mes voisins se sont acharnés sur moi, usant d'une agressivité verbale que j'ai du mal à supporter. Certains vont même jusqu'à jeter des ordures au seuil de ma porte et des cadavres d'animaux dans le jardin», ajoute-t-elle. Et ce ne sont pas uniquement les habitants de la rue de Moknine qui endurent ce malaise. Les innombrables antennes-relais qui parsèment la Manouba influent probablement sur l'hygiène de vie des personnes à risque comme les élèves, les personnes âgées, les handicapés et les malades mentaux séjournant à l'hôpital El Razi. Selon le Dr Fadhel Mrad, président du comité médical audit hôpital, l'effet nocif des radiations sur les malades n'est pas évident en raison de l'absence de résultats vérifiés. «Toutefois, des hypothèses sur d'éventuels impacts sont formulées, notamment les risques d'anxiété, d'insomnie, de manifestations somatiques, et même d'état dépressif; des hypothèses à prendre tout de même au sérieux», fait remarquer notre interlocuteur. Rapport Bioinitiative: les preuves scientifiques pour condamner les antennes-relais Si certaines organisations internationales s'accordent sur l'absence de preuves tangibles sur les impacts nocifs des ondes électromagnétiques, ce n'est, en revanche, pas le cas du rapport Bioinitiative, publié le 31 août 2007 par le Bioinitiative Working Group et validé par l'Agence européenne de l'environnement ainsi que par le Parlement européen. Ce document, basé sur quelque 1.500 travaux de recherche, a apporté des preuves scientifiques énumérant tous les risques qu'encourt l'homme exposé aux radiations non ionisantes. La liste des risques est à vous couper le souffle: effets néfastes sur les gènes et sur l'expression des protéines, le déclenchement des protéines de stress, la perturbation du fonctionnement du système nerveux, ce qui engendre des troubles du comportement sans compter la perte d'étanchéité de la barrière sang-cerveau. Pis encore: perturbation du fonctionnement du système immunitaire, risque de tumeurs du cerveau, de leucémie chez les enfants, de cancer du sein et de neurinomes acoustiques, la perturbation du taux de production de la mélatonine. De plus, ces ondes sont des facteurs favorisants de la maladie d'Alzheimer ainsi que la perturbation des échanges cellulaires au niveau des canaux ioniques des membranes. Par ailleurs, et plus précisément sur l'avenue Habib Bourguiba au Bardo, une antenne-relais pointe sur la toiture d'un immeuble qui sert d'une sorte de central médical pour bon nombre de médecins, y compris un pédiatre. Pis encore: ce même immeuble jouxte un centre d'imagerie médicale et se situe en face d'un laboratoire de radiologie. Quant au lycée Mendès France à Mutuelleville, une antenne-relais pointe sur son toit et diffuse généreusement ses ondes dans cet environnement estudiantin. Assurément, le dossier des antennes-relais de téléphonie mobile nécessite une révision méticuleuse pour la protection de la santé environnementale des citoyens et la préservation de leur bien-être moral et physique.