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De l'incompatibilité entre l'islamisme et la démocratie
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 04 - 2011


Par Walid LARBI*
L'assassinat de 'Uthman Ibn ‘Affen, vers l'an 655 de l'ère chrétienne, fut peut-être, la première expression de l'islamisme dans l'histoire de l'Islam. Des groupes de musulmans comprenant des compagnons du Prophète et leurs disciples, venus d'Irak et d'Egypte, débarquèrent à Médine, assiégèrent, pendant près de quarante jours, la demeure de ‘Uthman, le troisième calife «bien guidé», et l'assassinèrent au bout du compte… Le troisième chef d'Etat musulman, l'un des plus pieux des compagnons du Prophète, fut contesté puis décapité parce qu'il aurait dévié du chemin droit et de la voie de la rectitude, parce qu'il n'aurait pas observé la droiture quand il exerçait ses fonctions de chef d'Etat, parce qu'il n'aurait pas fait preuve de piété lors de la gestion des affaires de l'Etat islamique… Au nom de la piété, un des plus pieux fut mis à mort ! Un islamiste est, donc, une personne qui se croit plus pieuse que les autres, peut-être la plus pieuse et qui essaie d'apporter cette piété sur la scène politique … Et si elle le fait, c'est, justement, parce qu'elle croit, profondément, au devoir de la commanderie du bien et de la proscription du mal, résultant d'une prescription divine.
Un islamiste est, par conséquent, une personne qui accomplit, parfaitement, le devoir de la commanderie du bien. Et si elle le fait, c'est parce qu'elle a l'intime conviction que l'Islam est un Tout indivisible constitutif d'un système cohérent de normes relatives à la foi, au culte et à la loi se rapportant aux relations humaines, un Tout constitutif d'un ordonnancement hiérarchique dans lequel la loi est subordonnée à la foi, le temporel au spirituel, l'ici-bas à l'au-delà. C'est une personne qui croit en l'indivisibilité du Tout composé du Dîn, Dunya et Dawla, parce qu'elle est animée par la Parole divine en vertu de laquelle sa prière, ses rites, sa vie et sa mort sont pour le Seigneur des univers. De ce fait et selon le principe de la personnalité des lois, l'application du droit musulman est un privilège réservé aux seuls fidèles ayant la foi en Dieu. L'islamiste est une personne mue par le dogme selon lequel tenter de séparer la vie et les rites, l'ici-bas et l'au-delà, le temporel et le spirituel, la dawla et le dîn, constitue une errance et laïciser représente un égarement. C'est une personne qui croit avec ferveur en l'unité de la norme religieuse et que prétendre rompre, casser cette unité, est une mécréance. C'est, donc, une personne toujours prête à sauvegarder l'intégrité de la norme islamique dans sa lecture la plus rigoriste, la plus orthodoxe mais la plus simpliste ; lecture simpliste parce que cette personne s'abstient de toute interprétation, à ses yeux douteuse, de la norme. Cette personne regarde avec scepticisme et suspicion les interprétations superflues du Texte révélé et inspiré. Et si cette personne s'assigne pour mission la défense de l'intégrité de la norme, c'est qu'il s'agit d'un intégriste. Un islamiste est donc un intégriste.
Si tel est le cas, si un islamiste est un intégriste qui tente de sauver l'intégrité de la norme, c'est parce qu'il considère que le temps, si menaçant et si dangereux, a un effet néfaste sur cette norme. Croyant en un dit du Prophète, selon lequel «toute extravagance bida est une errance», l'islamiste est porté à croire par là même que le temps ne peut être que porteur de bida, de créations, de positivités, d'extravagances, de changements … Par conséquent, il se trouve amené à s'opposer à ces extravagances, et à agir contre l'effet du temps. Il prônne, en conséquence, le «retour» aux origines, aux fondements authentiques de l'Islam, à «l'âge d'or», il essaie de remonter le temps ; il exalte le passé qu'il vit, toujours, comme un moment présent, il se souvient des Anciens, des «bons prédécesseurs» salaf salih qu'il n'oublie, en fait, jamais, il fait appel, dans sa mémoire comme dans son action, aux compagnons du Prophète qu'il érige en idéal qui habite ses rêves, il se recueille en commémorant la bataille de Badr, est ému et mu par les images de l'esclave Bilel torturé par son maître Umeyya Ibn Khalaf et de Ahmed Ibn Hanbal, à cause de ses positions hostiles à ces maudits mu'tazilites, des fidèles qui le hantent et qui l'intimident par leur héroïsme et par leur bravoure … Cet islamiste considère que le temps est une malédiction et se trouve en quête de s'en défaire, sa seule quiétude consiste dans le retour aux origines et dans la revivication des fondements de l'Islam. Pour lui, le savoir provient d'en haut par la voie de la prophétie et se transmet d'une génération à l'autre par la voie du naql et ce, dans le dessein de figer le temps. La raison est reléguée au second plan sinon elle est évincée. En ce sens, un islamiste est un fondamentaliste salafiste. Et en tant que tel, l'islamiste femme, en portant le voile et en se couvrant le visage, cherche à imiter Fatima, Khadija,'Aicha et autres mères des croyants, dans leur chasteté, alors que l'islamiste homme fait preuve de fidélité aux grands cavaliers et guerriers du temps originel, à l'instar de Hamza Ibn ‘Abd Al-Mutalib, ‘Ali Ibn Abi Talib et Khalid Ibn al-Walid, trois figures emblématiques de l'Islam des origines. De ce fait, l'islamiste est, toujours, prêt à dégainer son épée pour défendre la cause de Dieu, pour répandre le message partout dans le monde, pour secourir son frère musulman en détresse, pour combattre le mal, pour purifier la terre des péchés, pour accomplir son devoir de recommander le bien … Dans le cadre de cette vision messianique, un islamiste est, toujours, prêt à déclarer la guerre sainte djihad aux infidèles, et ce, au mépris des versets coraniques ne l'autorisant que comme moyen de légitime défense, mais qu'importe, le principal pour l'islamiste salafiste est de reproduire le modèle ancestral ?! Ceci est, théoriquement, valable bien que l'observation de l'expérience empirique nous révèle que rares sont ceux, parmi les islamistes, à avoir eu recours à la violence, à avoir joint l'acte à la parole, mais ceci n'empêche pas que la menace soit réelle !
Un islamiste étant donc nécessairement intégriste et fondamentaliste, ceci en dit long sur la fausse distinction entre l'islamiste modéré et l'islamiste extrémiste ; il n'y a guère de différence entre modéré et extrémiste : tout islamiste est prêt à aller jusqu'à l'extrême de l'idée et de l'action.
Un islamiste est, donc, forcément intégriste et fondamentaliste, il croit que la loi est sacrée parce que procédant de la volonté divine. Par conséquent, cette loi est indiscutable et ne peut être abrogée. Ceci est en parfaite contradiction avec la démocratie. Cette dernière est fondée sur l'idée que la loi ne provient pas d'en haut mais qu'elle est l'objet d'une délibération horizontale entre les humains, qu'elle est discutable et critiquable, qu'elle peut être modifiée ou abrogée. Et si la loi démocratique peut être modifiée, c'est pour être en symbiose avec le temps, avec la marche de l'histoire. La démocratie, comme pilier de la modernité, intègre, parfaitement, l'élément temps porteur d'évolution et de changement. Elle ne mythifie ni le passé, ni les ancêtres ; la loi n'y est pas sanctifiée, elle est l'expression du profane. Elle n'y fait point et ne peut être contestée au nom de la piété, laquelle piété se cantonne dans l'espace privé. Dans un régime démocratique, l'appartenance à l'Etat est nationale et citoyenne et non pas confessionnelle. De ce fait, la loi y est une et unique pour tous. Le critère de son applicabilité étant le territoire et non pas la personne, elle s'applique à tous les citoyens sans égard à leur appartenance religieuse, sexuelle, ethnique …, d'où le principe d'égalité dans les droits et les obligations et devant la loi.
Cette démocratie est en opposition radicale avec le système totalitaire et intégral que défendent les islamistes. Ils devraient, par conséquent et en toute logique, jeter l'anathème contre elle. Certains d'entre eux, les plus sincères peut-être, la rejettent, alors que d'autres islamistes l'admettent en estimant qu'elle ne contredit pas la norme islamique. Il existe, dans le fiqh et notamment dans le rite hanifite, une branche appelée science des ruses ou des subterfuges 'ilm al hyal dont l'objet consiste à détourner l'application de certaines règles sharaïques. C'est de cette manière, à peu près, que procède la raison islamiste qui admet la démocratie en la considérant comme une simple traduction du principe de la concertation shûra, en la réduisant à un simple mécanisme électoral et en l'assimilant au gouvernement de la majorité.
Or, le concept de démocratie est apparu dans les temps modernes. Ainsi, il devrait traduire un changement par rapport à l'état qui prévalait dans les systèmes prémodernes. Dans ces derniers, c'est la majorité qui avait, toujours, gouverné parce que les adeptes de cette majorité étaient les plus nombreux et les plus puissants. Le concept de démocratie doit, donc, exprimer une idée autre que le gouvernement de la majorité. Réduire la démocratie à une acception numérique, la transformer en recensement signifie la déformer, la pervertir. Cela constituerait un retour au système primitif de gouvernement. Pas ailleurs, historiquement, l'élection ou le mécanisme électoral était le dernier pas dans le processus d'institution des démocraties occidentales. Assimiler la démocratie à l'élection a fait parler plusieurs auteurs de démocratie des urnes qui est en contradiction avec la démocratie moderne. Car la fausse démocratie des urnes n'est que l'autre facette du gouvernement de la majorité. Si la majorité gouvernait dans les sociétés prémodernes, c'est parce qu'elle était plus puissante que la minorité. Elle tenait cette puissance du fait qu'elle considérait qu'elle détenait la Vérité, qu'elle était l'incarnation même du Vrai. La minorité, elle, était réputée dans l'errance, et la majorité lui permettait d'exister en vertu d'une simple tolérance. Et justement, c'est parce que la communauté Umma islamique était l'incarnation du Vrai, que le principe de la shûra avait était institué. La manière avec laquelle il a été appliqué durant l'histoire de l'Islam, en est la parfaite illustration. La shûra était réservée aux porte-parole de cette Umma, les plus savants, ceux qui ont accès à la Vérité. Il s'agit «des gens qui délient et qui lient» ahl al-hall wall-'aqd. Or, ceci est en contradiction avec la démocratie dans laquelle la délibération n'est pas réservée à une catégorie à l'exclusion d'autres. Participer à la chose publique y est l'affaire de tous.
La démocratie peut avoir, pour fondement, le caractère faillible de l'être humain ainsi que l'admission et l'intériorisation, par l'humanité, de sa condition. L'humanité y accepte qu'elle ne détienne pas la vérité et que cette vérité est relative. C'est pour cela que la loi démocratique n'intervient pas dans l'intimité de la vie privée de l'être humain, et ce, contrairement à la loi communautaire sacrée qui règlementait et codifiait jusque dans ses moindres détails la chose intime. En revanche, la démocratie se contente de reconnaître l'intimité de la vie privée et la soumet à la liberté et à l'égalité. Dans un régime démocratique, les droits humains sont considérés comme étant inhérents à leur titulaire. Ils ne sont attribués ni par Dieu, ni par la nature, ni par l'Etat. Ils précèdent tout pouvoir. La loi positive démocratique ne les crée point ; elle ne peut que les constater ou les violer, mais à les violer, la loi positive perd sa légitimité démocratique. De ce fait, ils sont hors discussion et hors débat, ils ne font pas l'objet de marchandage politique, ils échappent à la logique du vote et de la majorité.
Et si dans une démocratie, les droits humains ne sont subordonnés à aucune volonté, c'est parce qu'ils sont considérés comme inhérents à leur titulaire. Ce dernier apprend à les exercer, en premier lieu, à l'école qui consacre l'idée que l'homme est le siège de toute valeur. Dans cette école, l'individu apprend à se découvrir en toute liberté, à découvrir ses choix et orientations. La connaissance ne lui est pas inculquée; il la découvre par sa raison critique. La fin ultime de l'école démocratique réside dans l'être humain.
Or, les islamistes tunisiens demeurent à l'écart de cette logique démocratique : ils évoquent, aujourd'hui, la notion d'identité arabo-musulmane de la Tunisie tout en observant le silence à propos des restrictions liées à ce discours identitaire. De plus, pour eux, tout est objet de discussion et de vote. Cela est tout à fait compréhensible : les islamistes sont, par définition, des intégristes fondamentalistes. L'expérience nous enseigne, d'ailleurs, que point de place, dans une démocratie, à un parti religieux. Le cas turc en est la meilleure illustration, ce n'est qu'en se laïcisant par l'acceptation de la laïcité que les islamistes turcs, constitués en parti laïque, ont été admis à faire partie de la scène politique démocratique…!


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