Ils ont obtenu leur Capes au prix de labeur et de sacrifices. Alors qu'ils s'attendaient à des postes conformes à leur formation, ils se sont retrouvés enseignants au primaire. Aujourd'hui que les temps ont changé, ils se battent encore pour rectifier une erreur, pure production "d'hommes ensevelis". A quand une solution? Nous apprenons en dernière minute que ces Capéciens ont déposé une plainte auprès de la justice contre l'ancien ministre, M. Sadok Korbi Ce face-à-face entre des instituteurs maîtrisards et le ministère de l'Education n'est pas sans retombée néfaste. Les élèves en sont les premières victimes. Certains parlent de «promesses non honorées», d'autres évoquent le jeu «à malin malin et demi». Retour sur une affaire compliquée, mais qui peut être résolue, du moment que les parties concernées adoptent le bon sens. «L'affaire» date de 2007, lorsque le président déchu a signé un décret portant insertion professionnelle des inscrits de la liste complémentaire du Capes 2007, à partir de septembre 2009. Ces Capéciens s'attendaient plutôt à des postes allant de pair avec leurs spécialités. Or, les avis de recrutement ont pris une tout autre tournure. «Prière, contacter le département de l'enseignement primaire relevant de votre direction régionale de l'enseignement». Une fois sur place, le message d'accueil était peu réconfortant. «Je vous conseille de signer, sinon, oubliez à jamais la fonction publique», lance le fonctionnaire à Rami Maâmri, maîtrisard en langue et littératures anglaises et qui a été recruté comme instituteur de science et technologie, de musique et de dessin, avant d'ajouter que le temps est à la rectification d'une «grave erreur» ayant manifestement affecté le niveau des élèves, si l'on parle volet pédagogique. «Comment ose-t-on nous tromper de cette façon ?» «Que dire d'un maîtrisard en sciences mathématiques qui enseigne la géographie, ou encore d'un maîtrisard en langue et littérature anglaises qui enseigne le dessin ? C'est une mascarade. Je suis l'objet d'une douloureuse manipulation. Comment ose-t-on nous tromper de cette façon, ignorant notre devoir à nous tous à l'égard de nos enfants? J'ai enseigné — cela est honorable — dans des régions rurales et les zones reculées du pays. Les conditions de travail étaient pénibles mais j'étais incapable d'apporter à mes élèves la plus-value escomptée. C'est dur à supporter. Aujourd'hui, que les temps ont changé, nous tenons tous à remettre les pendules à l'heure, à rétablir la justice et à sauver ces enfants d'aujourd'hui, hommes de demain», observe notre interlocuteur. Il faut dire dans ce sens, que certains instituteurs ont eu récemment des rencontres avec le ministre de l'Education, puis avec le chef de son cabinet, à ce sujet. Comme l'affirme Imad Salem, maîtrisard en langue et littérature anglaises et instituteur d'arabe, au départ, il a été convenu de régler cette affaire, en intégrant ces maîtrisards dans le corps éducatif de l'enseignement secondaire, à partir de septembre 2011. « Juste après la révolution, on est allé voir M.Taïeb Baccouche, ministre de l'Education. Il nous a demandé un délai de deux mois pour corriger la situation. Or, il se trouve que les deux mois sont passés, sans rien voir venir.» Une enseignante à l'hôpital des malades mentaux «C'est frustrant, sachant que des confrères et consœurs frôlent la dépression. Une consœur se trouve actuellement à l'hôpital Errazi des malades mentaux». «C'est un témoignage vivant de notre malheur», souligne Imad, ajoutant qu'un sit-in ouvert a commencé lundi dernier devant le ministère de tutelle. Une démarche approuvée et consentie par Afef Ayari, licenciée en musique et musicologie et enseignante… d'arabe et Salma Chaâlali, maîtrisarde en langue et littérature espagnoles et institutrice de classes primaires. Les deux enseignantes soutiennent, quant à elles, que le décalage entre leurs études et ce qu'elles font actuellement, est irréparable. «Notre formation ne permet pas de maîtriser les abc de ce métier. L'instituteur aurait été un prophète, on l'admet in-extenso, mais nous n'avons pas les critères requis pour transmettre le savoir à nos élèves, suivant des démarches pédagogiques appropriées», renchérissent nos interlocutrices.