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La cour des Miracles
Point de mire
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 05 - 2011


Par Abdelhamid Gmati
Terrible, cette Révolution tunisienne : elle a chassé un dictateur, elle a bouleversé un ordre établi, elle a libéré les voix aphones, elle permet qu'on transgresse les lois et les règlements, elle couvre les grèves sauvages, les sit-in, et  les «dégage», elle admet qu'on insulte tout le monde et n'importe qui, qu'on nargue les flics, les ministres, et les responsables, qu'on chasse les gouverneurs, les délégués et autres PDG, qu'on demande des comptes à ses tortionnaires, à ses ennemis, à ses adversaires, à ses voisins, à ses amis et même à ses complices, qu'on se demande pourquoi il y a des gens étrangers qui viennent nous voir et nous proposent de nous aider… Bref, la Tunisie est devenue une véritable «Cour des Miracles». On rappellera que la «Cour des miracles» (rendue célèbre par le poète français Victor Hugo, dans une de ses œuvres), désignait des lieux à Paris où les mendiants, les aveugles, les paralytiques, les boiteux, et autres venaient «parce qu'en y entrant ils déposaient le costume de leur rôle». Tous y abandonnaient leurs infirmités. «Immense vestiaire, nous dit-on, où s'habillaient et se déshabillaient à cette époque tous les acteurs de cette comédie éternelle que le vol, la prostitution et le meurtre jouaient sur le pavé de Paris». Nous avons donc cette «Cour». Mais dans la nôtre, il y a aussi des miracles d'un autre genre, dans le sens où des personnes accomplissent des actes inattendus, difficiles, et parfois utiles. Commençons par ceux-là.
— Débat sur la date des élections de la Constituante. L'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) tient à ce que l'élection de l'Assemblée constituante soit reportée au 16 octobre, et ce, contre l'avis du gouvernement, qui reste fidèle au 24 juillet première date annoncée depuis des mois. Au-delà des polémiques et des multiples divergences d'opinions des partis politiques, organisations et autres personnalités indépendantes, il faut souligner cet effet de la révolution : discuter et mettre en question ouvertement et publiquement un avis du gouvernement. Un petit miracle. Espérons que ses conséquences ne seront pas négatives.
— Autre «miracle» : la déclaration de M. François Hollande, ancien secrétaire du Parti socialiste français (PS) et candidat à la présidentielle de 2012 en France, qui déclare : «Je propose que la dette tunisienne soit convertie sous forme de don par la communauté internationale». Ce Monsieur n'a certes pas de pouvoir de décision, mais il est un des rares à avoir émis cette éventualité, qui aiderait le peuple tunisien, surtout que cette dette est en partie une dette «honteuse».
— Des journaux belges ont trouvé, à Monastir et à Bizerte, des investisseurs belges heureux et confiants en l'avenir de leur business en Tunisie. L'un des reportages paru sous le titre «La Tunisie de l'après-Ben Ali : les mêmes attraits, la transparence en plus», rapporte la satisfaction et la confiance d'un certain nombre d'hommes d'affaires belges installés dans notre pays. Rappelons qu'il y a 160 entreprises belges en Tunisie.
— Sur le journal électronique Le Post.fr, il est fait mention d'une page sur Facebook qui fait le buzz : une page de Zaba ((Zaba pour Zine Al-Abidine Ben Ali). L'ancien dictateur (il ne s'agit probablement pas du vrai Ben Ali vu la qualité de la rédaction) y  propose son journal au jour le jour depuis son lieu d'exil. L'ironie et les sarcasmes attirent les internautes tunisiens qui commentent et chattent avec l'auteur de la page. Les gens se défoulent et procèdent eux-mêmes à faire le procès de leur ancien bourreau. Une sorte de catharsis. Pour une fois, ils peuvent parler et ils sont sinon «compris» du moins entendus.
Venons-en aux miracles de l'autre «Cour». Nous avons donc ce «taktii et taryich», la médisance, sport favori des Tunisiens, en temps normal, mais qui se pratiquait dans le privé, la discrétion; avec les temps qui courent, c'est devenu public et sur les plateaux des TV, même étrangères, sur les radios, sur les réseaux sociaux, on s'en donne à cœur joie. Les victimes sont multiples, d'abord le Premier ministre, le gouvernement et tout ce qui ne plaît pas. L'insulte, le dénigrement, les accusations, les règlements de comptes sont courants; en toute impunité.
— Rached Ghannouchi, d'Ennahdha, se dévoile petit à petit : il vient de livrer lors d'une émission radio, l'un de ses principaux programmes. «Dans un premier moment, on augmentera les taxes prélevées sur l'alcool, puis, plus tard, on en prohibera la consommation». C'est son projet social, économique et politique le plus urgent. Selon lui, cette recette miracle va résoudre tous les problèmes de la Tunisie, entre autres ceux de la sécurité et du chômage. Il ne dit cependant pas que la prohibition, comme dans d'autres pays arabo-musulmans, développe les trafics, la clandestinité, et qu'elle va condamner au chômage des centaines d'agriculteurs, de travailleurs dans cette industrie viticole, réduire le volume de nos exportations, détruire le tourisme (les touristes arabes vont à l'étranger chercher de l'alcool), etc. Prochainement, il nous révèlera ce qu'il veut faire de nos femmes. Ses partisans, eux, nous ont déjà indiqué leur programme avec les artistes : après l'agression contre Nouri Bouzid, ils ont fortement ovationné un chanteur de rap appellant à l'assassinat de ce cinéaste en usant de la kalachnikov. Miracle de l'impunité.
— Slim Chiboub, gendre de Ben Ali, a intenté un procès contre la décision du Conseil de l'Union européenne de geler ses avoirs en Europe. Il invoque «une violation des droits fondamentaux et notamment des droits de la défense». A-t-il respecté les droits de tous ceux qu'il a spoliés, notamment les journalistes sportifs tunisiens dont il détruit la carrière parce qu'ils n'étaient pas aux ordres. Sans parler de sa «fortune» accumulée on ne sait trop comment. Un «petit miracle»  d'impudence et de «killet hya». D'autres se lancent sur le même chemin de l'innocence et se positionnent comme victimes : les Abdallah Kallel, Abdelwahab Abdallah…Au train où vont les choses, on aboutira à un autre miracle : l'innocence de Ben Ali, victime de Leïla, voire du peuple tunisien. Et il pourra nous dire «c'est le peuple qui voulait être tyrannisé».
— Le directeur de deux journaux qui gagnait ses sous, en grosse quantité, en insultant et en dénigrant tous ceux qui déplaisaient et s'opposaient au régime de Ben Ali et en étant à sa solde, nous a fait le coup des larmes. Une incroyable confession, et une imploration de pardons dans les pleurs, les lamentations, etc. Il paraît que certains qu'ils avaient traînés dans la boue lui ont pardonné. Petit miracle qui, pense-t-il, va le laver de ses péchés. D'autres, patrons de feuilles de choux (les tunisiens, jamais dupes, les appelaient «Sahafet Bou Dourou»), aussi corrompus que lui, et ayant fait fortune à coups d'insultes, de dénigrements, de mensonges et de courbettes, sont sans vergogne et continuent leur chemin en endossant les habits de révolutionnaires.
— Deux ex-membres du gouvernement nous parlent du gouvernement et surtout d'un «gouvernement de l'ombre» (l'un d'eux a nié avoir dit cela, mais il reste que cela a fait le tour de la Toile). C'est-à-dire de gens, qui, dans l'ombre, tirent les ficelles et prennent les vraies décisions. Sans aucune preuve, ni même indice. On savait que, dans certains pays, des partis politiques, dans l'opposition, prévoient une équipe gouvernementale, mais, nous, nous avons deux gouvernements, l'un pour la façade et un autre, inconnu qui décide et agit. L'un est pour prendre toutes les critiques et les insultes, l'autre pour gouverner impunément. Il est vrai que nous avons trop longtemps vécu dans l'opacité et l'absence de transparence et qu'on nous a caché trop de choses; mais là c'est nouveau. Miracle de la Révolution.
— D'autres Messieurs (nous ne le nommerons pas par charité musulmane) gesticulent sur toutes les chaînes, insultent tout le monde, accusent le gouvernement et le Premier ministre, dénonçant des complots intérieurs et extérieurs, et oublient de nous dire leurs actions passées, leurs accointances et celles de leurs proches, leurs appartenances à l'islamisme ou au stalinisme, leurs implications (par exemple dans la création de la radio officielle de l'Albanie du temps de son leader ultracommuniste, staliniste, tyran sanguinaire Enver Hodja), etc. Maintenant, en criant haut et fort et en dénonçant à tout-va, ils essaient de se faire de nouveaux habits immaculés. Ils vont jusqu'à préconiser un gouvernement d'union nationale avec l'espoir d'y accéder et de goûter au pouvoir. Un petit miracle de la «Cour».
Faut-il recenser tous les miracles de cette Cour ? En regardant autour de soi, en suivant certaines discussions sur nos chaînes, et même sur les satellitaires arabes, en assistant à certaines réunions, en prêtant l'oreille à certaines discussions, en observant les comportements, on peut facilement identifier ces membres de la «Cour des Miracles», façon française et voir leurs belles tentatives de guérir de leurs handicaps, leurs silences complices, de changer de veste et de se refaire une virginité.
Mais bah ! Il faut bien que Révolution se fasse. Même pour ceux qui la prennent en marche et n'y croient pas. Car, dans leurs esprits, il ne s'agit que de changer un pouvoir absolu (celui de Ben Ali) par un autre (le leur).


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