• Les travers de manquement d'orthodoxie financière et de bonne gouvernance du secteur bancaire tunisien qui ont émergé après le 14 janvier 2011 contraignent le secteur à de profondes réformes structurelles. D'ores et déjà, la Banque Centrale de Tunisie (BCT) vient de montrer la voie par l'annonce de nouvelles directives rappelant aux établissements de crédit de la place les attributs de la bonne gouvernance bancaire. «Renforcement des règles de bonne gouvernance dans les établissements de crédit», tel est l'objet de la circulaire aux établissements de crédit n°2011-06 diffusée le 20 du mois écoulé par la BCT. L'idée est d'inciter les banques à une remise en cause de leur mode de gouvernance, en favorisant une meilleure surveillance et un suivi plus élaboré des risques à même d'assurer une gestion aussi saine que prudente. L'exposition imposante du secteur aux familles et du clan du président déchu n'a pas été sans séquelles sur la santé financière des banques, d'après l'analyse de «Fitch rating», et partant sur les capacités de financement de l'économie nationale en cette phase de transition. Aussi, en vue de prévenir ce genre de travers et de conduite dévastatrice à l'avenir, était-il nécessaire de rappeler les attributs de la bonne gouvernance bancaire. En clair, il s'agit de garantir la transparence dans la gestion, la pertinence du pilotage des risques, la fiabilité des systèmes de contrôle (Conseil d'administration, direction générale et hiérarchie, audit, inspection, structures de conformité et de qualité), unique voie pour assurer la pérennité de l'établissement de crédit tout en préservant les intérêts des actionnaires, des déposants et autres tiers (partenaires, créanciers, investisseurs, personnel). La circulaire en question a focalisé sur quatre parties : le Conseil d'administration, les Comités (d'audit et de crédit), la nomination et la rémunération et la politique de communication. S'agissant du Conseil et notamment de ses missions, il y est notamment souligné la nécessité de fixer de manière claire la stratégie de développement de l'établissement de crédit considéré tout en s'assurant que les objectifs de rentabilité arrêtés sont en adéquation avec les normes de solidité financière ainsi qu'avec les moyens humains, financiers et logistiques disponibles. Le Conseil d'administration est tenu d'assurer la surveillance «effective» de la direction en portant des jugements sur les décisions prises en contrôlant la conformité des actions de la direction générale à la stratégie arrêtée «y compris la politique des risques». Pour ce faire, des indicateurs quantitatifs et qualitatifs de suivi en matière de solvabilité, de liquidité et de rentabilité doivent être définis. De plus, le Conseil doit veiller à ce que l'établissement de crédit «jouit en permanence d'une bonne réputation à même de préserver la confiance auprès du public». Le Conseil est tenu également de mettre sur pied un dispositif de gouvernance (voir encadré) en établissant notamment un Code de gouvernance. Il doit également fixer des règles de bonne conduite professionnelle, consignée dans un Code déontologique, et veille à leurs applications par tous les niveaux hiérarchiques au sein de la banque (voir encadré). Egalement, cette circulaire rappelle le devoir de loyauté et de diligence des membres du Conseil (consigné dans l'article 8 ci-joint). D'un autre côté, les articles 10 à 17 fixent les modes de fonctionnement et la composition du Conseil d'administration : fréquence des réunions, nombre, statut, qualité et qualification des membres. Afin de garantir la pleine et efficiente exécution des missions assignées aux membres du Conseil d'administration, l'Institut d'émission recommande aux établissements de crédit d'assurer auxdits membres des programmes de formation spécifiques se rapportant aux opérations bancaires et financières, à la gestion des risques et autres domaines connexes. Pour ce qui est des Comités (émanant du Conseil et dans lesquels siègent ses membres : il s'agit du Comité permanent d'audit interne et du Comité exécutif de crédit, du Comité des risques) sensés assister le Conseil d'administration dans l'exécution de ses missions au travers la préparation de ses décisions stratégiques et l'accomplissement de sa mission de surveillance, ils sont tenus notamment «d'analyser en profondeur les questions techniques qui relèvent de leurs attributions», de rendre compte régulièrement de leurs travaux au Conseil et d'informer ce dernier de tout événement susceptible de porter préjudice à l'activité de l'établissement de crédit considéré. Ces Comités sont tenus de présenter leur rapport annuel, dont une copie sera adressée à la BCT quinze jours avant la tenue de l'assemblée générale ordinaire des actionnaires, à l'occasion de la réunion consacrée à l'examen des états financiers annuels de l'établissement de crédit. Les modalités pratiques de composition, de délibération et de réunion desdits comités sont largement explicitées dans les articles 19 à 22. Enfin, tout comité est tenu d'élaborer une charte approuvée par le Conseil d'administration, qui devra définir ses attributions, sa composition, ses règles de fonctionnement et ses rapports avec le Conseil et les structures opérationnelles de l'établissement. Concernant le Comité exécutif de crédit, chargé d'examiner l'activité de financement de l'établissement, il est amené à donner son avis au Conseil sur une certaine catégorie de crédit (crédits qui entraîneraient des dépassements des engagements, crédits de restructuration dépassant les limites fixées par le Conseil, crédits accordés aux clients classés, …). Pour ce qui est du Comité des risques, ses attributions consistent à assister le Conseil d'administration à s'acquitter de la gestion et de la surveillance des risques, à travers notamment la conception et l'actualisation d'une stratégie de gestion de tous les risques avec fixation des limites d'exposition et des plafonds opérationnels, l'approbation des systèmes de mesure et de surveillance des risques, le contrôle du respect par la direction générale de la stratégie de gestion des risques fixée, l'analyse et l'exposition de l'établissement de crédit à tous les risques, y compris les risques de crédit, de liquidité, de marché, de risque opérationnel ainsi que la conformité de l'exposition à la stratégie arrêtée en ce domaine, l'évaluation de la politique de provisionnement et l'adéquation permanente des fonds propres au profit des risques de l'établissement, l'approbation des plans de continuité de l'activité et l'étude des risques découlant des décisions stratégiques du Conseil. Parmi les autres attributions du Comité des risques, on recense le suivi des crédits accordés aux clients dont les engagements auprès des établissements de crédit dépassent les montants prévus par l'article 7 de la circulaire de la BCT n°91-24, la désignation du responsable de la structure chargée de la surveillance et le suivi des risques ainsi que sa rémunération et la recommandation au Conseil d'administration des actions correctrices pour une maîtrise des risques plus affinée. Quant au Comité permanent d'audit interne, il est rappelé qu'il a la charge de vérifier la clarté des informations fournies et d'apprécier la cohérence des systèmes de mesure, de surveillance et de maîtrise des risques. En outre, il identifiera les insuffisances du fonctionnement du système de contrôle interne relevées par les différentes structures de l'établissement et autres organes de contrôle et veillera à l'adoption des mesures correctrices. Ce Comité contrôlera et coordonnera les activités de la structure d'audit interne et veillera à ce qu'elle soit dotée des moyens humains et logistiques pour conduire à bien sa tâche. Enfin, pour ce qui est de la nomination et de la rémunération, il y est spécifié notamment que le Conseil est appelé à arrêter une politique de rémunération en adéquation avec les performances à moyen et long termes de l'établissement en matière de risque et de rentabilité. En plus de ses missions de nomination des membres de la direction générale et des responsables de l'encadrement supérieur (selon des critères bien définis à l'article 36) et de supervision de la politique de recrutement et d'intéressement au personnel, le Conseil d'administration est tenu de veiller à la mise sur pied d'un dispositif de diffusion de l'information envers les différents destinataires : actionnaires, déposants, marché, régulateurs, grand public. Le dispositif en question devra notamment assurer «la communication en temps opportun d'informations fiables et pertinentes sur les aspects significatifs de l'activité de l'établissement de crédit». La BCT vient de montrer le chemin en montant au créneau, la balle est maintenant dans le camp des établissements de crédit pour qu'ils rompent définitivement avec les dérives du passé en réactivant leurs structures de contrôle pour qu'elles puissent jouer enfin le rôle qui leur est dévolu. Une nécessaire prise de conscience de la part des établissements de crédit de la place est donc incontournable pour consacrer à jamais les bonnes pratiques. Un grand pas est ainsi fait, pour peu que les établissements de crédit s'y conforment. En attendant de nouvelles directives pour inciter les banques à un surcroît de qualité de leurs services.