• 85% des Tunisiens décidés à aller voter • 76% optimistes quant à l'avenir L'Institut Emrhod Consulting a présenté hier les résultats de «la deuxième vague du baromètre politique tunisien». Il s'agit, comme l'a expliqué M. Nabil Belaâm, le directeur général de l'Institut, d'une recherche à la fois qualitative et quantitative sur l'opinion des Tunisiens à propos de la transition démocratique. L'enquête comprend deux volets. Le premier volet a porté sur la perception des jeunes de la vie politique nationale. La méthode a consisté en l'organisation de «dix groupes de discussion dans neuf villes du pays avec une large distribution géographique : Tunis (2), Bizerte, Sousse, Kairouan, Sidi Bouzid, Sfax, Gabès, Nabeul et Le Kef». Cette enquête qualitative a été réalisée entre le 11 et le 24 mars 2011 en partenariat avec National Democratic Institute. Elle a révélé un sentiment de fierté chez les jeunes pour avoir été à l'origine de la révolution qui a renversé le régime en place. Mais cette fierté se trouve entamée par une méfiance à l'égard du «processus politique et des élites en place». Les jeunes «expriment, aussi, un certain scepticisme à l'égard de quelques individus, partis politiques, organisations de la société civile qui essaient d'exploiter la révolution à des fins personnelles». Ils sentent qu'il y a un fossé qui les sépare de ces gens qui s'autoproclament protecteurs de la révolution et qui parlent en leur nom et au nom du peuple. Ce sentiment de désillusion qui vient s'ajouter à la frustration dont ils ont longtemps souffert risque de les faire désespérer de la transition en cours. Pourtant, ils sont appelés à être au cœur même du processus enclenché depuis le 14 janvier. Et bien qu'ils «restent peu disposés à soutenir formellement toute institution structurée», aussi bien partis politiques qu'organisations de la société civile doivent se tourner vers eux pour les soutenir et les accompagner. Le second volet de l'enquête est d'ordre quantitatif. Se voulant «un baromètre politique», cette enquête trimestrielle a pour objectif de suivre l'opinion publique «en fluctuation permanente». Il s'agit d'un sondage d'opinion à base de questionnaire sur un échantillon représentatif de 1.000 personnes en âge de voter (18 ans et plus) et qui a été réalisé du 28 mai au 02 juin, soit trois mois après le premier sondage. Les questions ont porté sur la connaissance des partis politiques, leur notoriété publique, l'intention de vote, l'évaluation de l'action du gouvernement… Les résultats sont intéressants dans la mesure où ils ont permis d'avoir une idée sur les connaissances politiques des Tunisiens. C'est ainsi qu'on a enregistré une progression de 10 points dans la connaissance des partis politiques, passant de 38.6% à 48.8%. Sur plus de 80 partis, 17 semblent être connus par les personnes enquêtées qui placent Ennahdha en première position avec 45.8%, gagnant près de 17 points. Vient ensuite le PDP avec 20.3% contre 12.3% il y a trois mois. Le Poct prend la troisième place avec 12.5% suivi de près par Ettajdid avec 11.1%, le CPR avec 7.3% et le Fdtl avec 6%. Ce déficit de notoriété est «dû principalement à un manque de communication et à une absence de discours convaincant», explique Nabil Belaâm qui ajoute que «trop de partis politiques tue les partis politiques» lesquels ne sont pas en phase avec les aspirations et les attentes des Tunisiens. Ils sont appelés à s'investir davantage dans «la communication de proximité et ne pas parler au nom de la révolution». Les personnes enquêtées sentent qu'elles n'arrivent pas à suivre toute «cette masse de partis qui ne cessent de se multiplier» et critiquent les promesses que sèment certains hommes politiques censés plutôt formuler des «plateformes réalistes». D'ailleurs, et toujours selon l'enquête, les gens se demandent pourquoi les partis de même tendance ne se regroupent pas en une seule formation. A propos d'Ennahdha, les personnes enquêtées sont divisées. Celles qui soutiennent que ce parti prôme «un retour aux valeurs tunisiennes», c'est-à-dire aux traditions arabo-musulmanes qui, d'après eux, font la spécificité nationale. Par contre, les critiques sont nombreuses qui reprochent à Ennahdha son implication dans «les événements des années 80 et 90». Les personnes concernées expriment «la crainte de voir un recul des libertés et des droits dont jouissent les femmes». D'autres vont jusqu'à taxer les islamistes «d'hypocrisie» à cause de cette duplicité de langage de leurs dirigeants. Elles ont peur «de voir la religion mêlée à la politique», décelant dans leur discours modéré une forme «d'opportunisme visant à gonfler les rangs des sympathisants en prévision des élections». S'agissant de l'intention de vote, 85% des personnes enquêtées sont décidées à aller aux urnes, mais 54% d'entre elles pourraient changer d'avis. Quant aux personnalités politiques qui sont, d'après les enquêtés, les plus aptes à diriger le pays, une personne sur trois (33.7%) ne voient aucun candidat valable pour assurer la gouvernance. Le reste des voix sont dispersées entre Néjib Chebbi (7.2%), Béji Caid Essebsi (4.3%), Mustapha Ben Jaafar (3.5%), Moncef Marzouki (2.5%) et Rached Ghannouchi (1.8%). Toutefois, il faut relever que plus de la moitié des personnes interrogées (51.2%) ne se sont pas prononcées sur cette question. Pour ce qui est de l'évaluation de l'action du gouvernement, 26.2% la trouvent plus que satisfaisante contre 19.7% qui la trouvent insatisfaisante. Mais une personne sur deux (51.1%) juge l'action du gouvernement tout juste moyenne. Parmi les griefs formulés à l'égard du gouvernement de M.Béji Caid Essebsi, figure notamment son manque de communication sur un certain nombre de dossiers comme le procès de l'ancien président et de sa famille, la malversation, la corruption et le chômage. Toutefois et en dépit des difficultés que traverse le pays et qui se répercutent sur la situation générale des Tunisiens, les personnes enquêtées demeurent, en majorité (76%), optimistes quant à l'avenir. «Cette photo instantanée d'opinions», comme le qualifie le directeur général de l'Institut, a permis de saisir l'importance de la transition démocratique dans la vie des Tunisiens, de mesurer leurs connaissances des questions politiques de l'heure et relever cette unanimité «quant à la nécessité de sauvegarder les droits des femmes et les droits sociaux acquis depuis l'indépendance».