Par Moncef Guen Quelques années avant la Révolution, une liste des grands utilisateurs du crédit bancaire ou gros débiteurs des banques a été mise sur internet par un citoyen courageux. Elle a circulé chez les ambassades et les cercles politiques et sociaux et a révélé comment certains hommes d'affaires dont les clans mafieux de l'ancien régime s'endettaient, à coups de dizaines sinon de centaines de millions de dinars, auprès du système bancaire tunisien alors que le Tunisien moyen trouvait l'accès au crédit difficile sinon impossible. Cette fameuse liste avait entraîné, dès sa publication, le limogeage du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie et son transfert comme ambassadeur à l'étranger. Elle avait provoqué la fureur des tenants du régime parce qu'elle dévoilait la République des «copains» et comment ces «copains» se partageaient l'argent du peuple, déposé auprès des banques de la place. Ces crédits étaient octroyés le plus souvent sans garanties solides et servaient en partie à financer la luxure dans laquelle ces «barons» vivaient : palais, voitures de luxe, yachts et même jets privés sinon les flux d'argent envoyés dans les paradis fiscaux. Et maintenant, après la Révolution, qu'est-il advenu de cette liste ? Elle a dû être mise à jour pour tenir compte de la déconfiture et de la fuite à l'étranger de certains des bénéficiaires. Mais ceux qui sont encore là sont-ils encore traités avec générosité et sans rigueur par le système bancaire sous le prétexte qu'ils créent de l'emploi ou limitent le chômage ? Les arguments ne manquent pas pour justifier une telle politique du passé que tout le monde croit révolue avec la Révolution. Si l'on avait aujourd'hui une assemblée élue, ce serait une des questions que poserait un député du peuple pour demander des éclaircissements au ministre des Finances et au gouverneur de la BCT. Mais en l'absence d'une telle assemblée, en ces jours de transition, ce serait une question qu'un journaliste averti pourrait légitimement poser à nos autorités financières et monétaires. Le système bancaire tunisien fait face à des problèmes à la suite de son exploitation éhontée durant des décennies par les clans mafieux. Il n'est pas fait pour canaliser les dépôts du peuple au profit de quelques-uns. Il est fait pour assurer les liquidités nécessaires au bon fonctionnement de l'économie nationale et notamment aux petites et moyennes entreprises qui constituent le tissu de base de notre société.