●Tout ceux qui l'ont connu dans l'enceinte de l'université ou en poste de secrétaire d'Etat, vous affirmeront qu'il est un homme intègre, honnête, et surtout un intellectuel chevronné. ● Le clan présidentiel exploitait son intelligence et son comportement de grand commis de l'Etat, pour ramasser des millions de dinars à travers des acrobaties économiques.
Derrière chaque régime il existe toujours un architecte, qui coordonne et orchestre toutes les affaires. Cet architecte, vit constamment dans l'ombre, et tire les ficelles des marionnettes, sans qu'il soit vu par les spectateurs, qui sont dans le cas d'espèce, les pauvres citoyens. Pour le régime, du président déchu Ben Ali, cet homme "architecte des affaires économiques", se nommait Mongi Safra. Cet imminent économiste, s'est trouvé, par volonté ou malgré lui, au cœur d'une machine infernale, qui bouffait toutes les affaires juteuses qui se trouvaient devant elle. Il était, jusqu'à la chute du régime, le conseiller économique du déchu, et son homme de confidence. Il rendait aussi des services économiques pour l'entourage de l'ex président. Mongi Safra a été écroué récemment par la justice puisqu'il s'est trouvé impliqué dans plusieurs affaires douteuses, en relation avec des marchés publiques. Certains disent qu'il est intègre et blanc comme neige, d'autres le jugent comme l'homme qui a causé le désastre de l'économie tunisienne, puisqu'il était « monsieur économie » au palais de Carthage. Entre ces deux avis, seule la justice pourra trancher.
Qui est Mongi Safra? Mongi Safra est certainement l'un des imminents économistes tunisiens. C'est une sommité dans son domaine. Il a eu son Phd à la prestigieuse université de Michigan, puis Professeur de Sciences économiques (Université Tunis-III). A exercé les fonctions de Directeur de l'Institut Supérieur de Gestion et Président de l'Université Tunis-III. Il fut nommé Secrétaire d'Etat à la Recherche Scientifique et à la Technologie en 1994. Il a été ensuite rappelé au palais de Carthage comme conseiller économique du président. Et commença alors une longue histoire d'affaires économiques, peu orthodoxes. Il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages et articles de valeur. Tout ceux qui l'ont connu dans l'enceinte de l'université ou en poste de secrétaire d'Etat, vous affirmeront qu'il est un homme intègre, honnête, et surtout un intellectuel chevronné. Ils affirment aussi qu'il est humble et ne peut pas faire du mal à une mouche. Mais les coulisses du palais peuvent apprendre le vice. Le clan présidentiel exploitait son intelligence et son comportement de grand commis de l'Etat, pour ramasser des millions de dinars à travers des acrobaties économiques. Mongi Safra est surtout le professeur de plusieurs hauts cadres bancaires et de l'administration publique. Dans le palais de Carthage, il n'était pas bien apprécié par les deux faucons Abdelwaheb Abdellah et Abdelaziz Ben Dhia, parce qu'il était l'homme de confidence du président. A plusieurs reprises on a cherché sa tête pour l'éloigner, et on proposait au président déchu de le nommer ministre ou ambassadeur. Mais l'homme plaisait au président.
Le génie au service de l'Etat mafieux Après la révolution, on a commencé à écrire un article intitulé «Mais où est passé Mongi Safra?», car on croyait qu'il est un des piliers du régime de Ben Ali et qu'il doit être parmi les premiers à être entendu et jugé. Mais ce papier a été décalé vu qu'on ne possédait pas plusieurs informations concrètes sur l'implication de cet homme. Mongi Safra est partisan du «vivons caché, vivons heureux». Jusqu'au moment où il a été entendu par le juge puis relaxé. Et commence alors une série d'interrogatoires successifs, jusqu'à ce que le juge ait trouvé suffisamment de charges pour l'inculper. La commission d'enquête présidée par Abdelfatteh Omar a joué un rôle important dans l'élaboration du dossier qui l'inculpe. De sources dignes de fois, le nom de Mongi Safra est cité dans plusieurs affaires douteuses concernant des marchés publics. La commission d'enquête a trouvé dans le palais de Carthage plusieurs documents annotés par les soins de Mongi Safra, et des notes adressées au président déchu lui proposant d'attribuer certains marchés publics et des scénarios dans certaines affaires économiques. Mongi Safra, qui est de nature peu bavard, et ne fait pas beaucoup parler de lui, écrivait beaucoup dans le palais car il était constamment sollicité. C'est ainsi qu'il s'est trouvé impliqué dans plusieurs affaires.
De quoi est-il inculpé? Mongi Safra est mêlé dans plusieurs affaires de marchés publics en relation avec le secteur bancaire et boursier.
- L'affaire Banque du Sud: Il faut avouer que l'affaire des actions de l'ex Banque du Sud, a marqué l'histoire du secteur bancaire et boursier de la Tunisie. Un délit d'initié en flagrant délit et personne n'osait rien dire, car la personne bénéficiaire n'était autre que Sakhr El Materi, gendre du président déchu. L'affaire remonte à 2005 avec la privatisation de la Banque du Sud, Mohamed Sakhr El Materi rachète 16% du capital de l'établissement auprès de la banque italienne Monte dei Paschi di Siena, 33,54 % appartenant à l'Etat tunisien. L'argent pour la réalisation de cette opération est emprunté auprès de la banque du Sud elle-même avec une complaisance plus qu'avéré du pouvoir en place. Le groupe marocain Attijariwafabank et le groupe espagnol Banco Santander Central Hispano, souhaite racheter la totalité des parts de la Banque du Sud et propose un prix unitaire de 9,010 dinars par action. El Materi les cède quelques mois plus tard au consortium AndaluMaghreb, une opération qui lui aurait rapporté quelque 34 millions de dinars tunisiens. Une grande fortune pour un jeune qui n'avait que 26 ans au moment des faits. Un délit d'initié flagrant, puisque Sakhr El Materi était au courant de cette opération de privatisation. Et Mongi Safra dans tout ça? Il parait que Mongi Safra était derrière tout ce montage, et c'est lui qui a orchestré l'affaire permettant à ce golden boy, qui n'a même pas un bac+2 de devenir un archi-milliardaire. La transaction de la privatisation était réalisée par l'intermédiaire en bourse, Cofib Capital. C'est pour cette raison que le 3 Juin dernier, Mongi Safra a été confronté à Houcine Doghri, Karim Abdelkéfi et Slaheddine Ladjimi, sur cette affaire.
L'affaire UIB-Tunisair: Autre affaire dans le même registre que la précédente, avec une vente d'actions. L'affaire concerne Tunisair et l'UIB. L'affaire remontait à Août 2009, lorsque Tunisair, qui détenait 2,264.988 millions d'actions dans le capital de l'UIB (soit 11,56%), a décidé de vendre ses parts pour trouver de la liquidité pour renouveler sa flotte. La compagnie nationale, dont l'investissement est de 9MD, avait vendu ses parts pour une somme de 19 millions de dinars, réalisant au passage une plus value de 10MD. Jusque là, tout semble être en règle et logique. Mais le plus étonnant, est de savoir que l'acquéreur de ces parts n'est autre que le président déchu. Une réalité étonnante et un comportement étrange d'un président d'une République devenu boursicoteur. Cet homme, et en toute arrogance, revendait ses actions, par force, à quatre hommes d'affaires pour un montant de 27 millions de dinars, soit une plus value de 8 millions de dinars au passage. Nébil Chettaoui, alors PDG de Tunsair était au courant de cette affaire, et c'est pour cette raison qu'il aura des soucis avec la justice. Tout ce montage de vente, d'achat et de revente, était orchestré par un même homme: Mongi Safra. Cet économiste intelligent, jonglait avec les marchés publics pour faire gagner de l'argent au clan présidentiel. De l'argent facile et qui n'a pas d'odeur.
L'affaire Orascom: L'affaire d'Orascom est des plus caramboulesques. Un véritable jonglage des procédures bancaires et de crédit. L'affaire remonte à 2002, lorsqu'Orascom Telecom obtient la 2ème licence de téléphonie mobile en Tunisie (Tunisiana). Le montant de la licence remontait à 454 millions de dollars. En difficultés financières, la société égyptienne cédait 50% de son capital à la Compagnie nationale de Télécommunications mobiles du Koweit (NMTC) pour une enveloppe de 113,5 millions de dollars. La société n'arrivait pas à honorer ses engagements au gouvernement tunisien, qui la menaçait d'annulation du contrat. C'est à ce moment que jaillit le génie de l'économiste. Pour pallier à cette difficulté, et afin de réussir l'affaire d'Orascom, Mongi Safra propose de créer un group financier, composé de banques tunisiennes, pour accorder un crédit à Orascom, du montant dû à l'Etat, moyennant une commission juteuse. L'affaire a été faite en dinar tunisien, et non en devise, contrairement à ce que prévoyait le contrat. Une perte pour l'économie nationale, et un gain pour ceux qui ont touché des commissions. L'affaire a été entérinée par le ministère de la technologie de la communication de l'époque. Il parait que Mongi Safra était derrière cette affaire de bout en bout, et qu'il a mené les négociations avec le groupe égyptien.
L'affaire Stafim-Peugeaot: Là aussi, c'est une affaire de ventes d'actions et de parts sociales. L'affaire remonte à Décembre 2008, lorsque les actions de plusieurs banques publiques (STB, BNA...) ont été vendues à un groupe financier Azur Holding, propriété de Mehdi Belgaied. Ce jeune d'à peine 21 ans, n'est autre que le fiancé de la fille bien-aimée du président déchu, Halima. Ce jeune, ne connaissant rien à la finance ni à la gestion, s'est trouvé par miracle et par génie à la tête d'une des plus importantes entreprises tunisiennes, à savoir la Stafim-Peugeot, et détenue à plus de 34% par Peugeot France. La STB détenait 10% pour une valeur nominale de 5 millions de dinars. Afin de rendre l'affaire juteuse pour le futur époux de la jeune fille, la société fut sous-évaluée. Alors que sa valeur marchande est supérieure à 140 millions de dinars, elle fut évaluée à seulement 43 millions de dinars. C'est encore une fois, Mongi Safra qui fut derrière toute cette affaire, obligeant certains actionnaires à vendre leurs parts, sur instruction du président déchu.
L'affaire de la route de la Marsa: Dans un autre registre, Mongi Safra est, selon les dernières nouvelles, impliqué dans l'attribution du marché de l'élargissement de la route Tunis-La Marsa à une société italienne. Une affaire de marchés publics conduite par la commission supérieure des marchés publics, mais détournée dans les coulisses au profit de cette société italienne moyennant une commission au passage. Nous citons ces informations avec réserve. Il avait été derrière une affaire de morcellement d'un marché public. Il s'agit de la réalisation de l'autoroute M'saken-Sfax, répartie en 5 tranches et distribuées à plusieurs sociétés tunisiennes et étrangères moyennant des commissions. Au moment des faits Mohsen El Eroui, ex secrétaire d'Etat au commerce intérieur était président de la commission supérieure du marché. Il parait que Mongi Safra était impliqué dans cette répartition des marchés publics sur instruction du président déchu. Ce sont quelques affaires dans lesquelles se trouve impliqué Mongi Safra, qui passe ses jours à la prison civile (non à l'Aouina comme les autres hommes et décideurs politiques), après la découverte de plusieurs éléments l'inculpant. Selon des sources, Mongi Safra aurait passé aux aveux et a cité plusieurs hauts responsables de l'ex régime. On parle même de l'implication de l'ex premier ministre Mohamed Ghannouchi. En effet, sous le régime Ben Ali, le premier ministre avait présidé pendant des années la commission supérieure à l'investissement, et avait sous son contrôle la commission supérieure des marchés publics ainsi que le secrétariat d'état à la privatisation. Ghannouchi, ne pourra jamais nier qu'il n'était pas au courant de toutes ces affaires, surtout celles relatives aux privatisations et ventes de parts sociales de l'Etat. Les prochains jours apporteront certainement du nouveau. Mongi Safra, architecte des affaires économiques, est une mine d'informations, et fera certainement tomber plusieurs têtes, qui se la coulent douce jusqu'à présent.