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Grandeur et décadence de la civilisation arabe (suite et fin)
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 06 - 2011


Par Rafik BEN HASSINE *
Avec la civilisation numérique que nous vivons, nous constatons que l'affirmation de Pythagore, le plus ancien philosophe de l'humanité, énoncée il y a 2500 ans, selon laquelle "tout est nombre", s'avère pertinente.
Les Arabes avaient "la bosse des maths"
Nous avons vu que le rôle de la civilisation arabe a été particulièrement novateur en mathématiques : arithmétique, algèbre, analyse combinatoire et trigonométrie. Ils ont utilisé les mathématiques comme auxiliaires d'autres disciplines telles que l'astronomie, les techniques de constructions géométriques (mosaïques, coupoles…), mais aussi à des fins purement religieuses pour calculer les coordonnées géographiques et indiquer la direction de La Mecque.
Dans le domaine de l'arithmétique, l'une des branches les plus nobles et les plus difficiles des mathématiques, les Arabes ont accompli une œuvre considérable en recueillant, en propageant et en enseignant l'usage des chiffres et du calcul indiens, et en poussant l'étude de certaines propriétés remarquables des nombres vers un embryon de la théorie des nombres.
C'est que, dans le domaine numérique, l'esprit arabe "immatérialise le nombre et le personnalise". Le nombre n'est plus une nature douée de propriétés mais un être actif doué d'un rôle opératoire, qui concourt avec d'autres dans l'ensemble des opérations. Ainsi, ce qui intéresse les Arabes dans la série des nombres, ce n'est pas la suite naturelle et chosifiée, c'est le terme défini par sa place dans la série avec sa singularité. Ils ont recherché l'ordinal, plutôt que le cardinal; ils ne se sont pas rebutés et horrifiés par les nombres impairs ou les nombres irrationnels, comme l'avaient été les Grecs. "On a même trouvé chez Ibn Qurra la notion cantorienne du transfini" (L. Massignon et R. Arnaldez).
Comme l'explique A.P. Youschkevitch, "l'assimilation de l'héritage classique a permis aux mathématiciens arabes d'atteindre, dans le développement des algorithmes numériques et des problèmes correspondants, un plus haut niveau que celui auquel pouvaient accéder les mathématiciens indiens et chinois. Là où ces derniers se contentaient d'établir une règle de calcul particulière, les mathématiciens de l'Islam réussissaient souvent à développer toute une théorie".
L'alphabet et la numération
L'invention de l'alphabet a été capitale dans l'histoire des civilisations. Forme supérieure de transcription de la parole, adaptable aux inflexions de n'importe quel langage articulé, elle a en effet donné la possibilité d'écrire tous les mots d'une langue donnée au moyen seulement d'un petit nombre de signes phonétiques simples appelés lettres. Cette découverte fondamentale fut faite aux alentours du XVe siècle avant J.-C. par les Phéniciens (Syrie, Liban). Grands commerçants et navigateurs, les Phéniciens (et nos ancêtres Puniques) ont assuré à cette découverte une large diffusion et un succès foudroyant. Presque tous les alphabets existants aujourd'hui en dérivent directement ou indirectement. Dérivé du phénicien, en passant par l'araméen, l'alphabet arabe est apparu au 6e siècle. La première attestation connue d'un texte en alphabet arabe est une inscription trilingue (arabe, grec, syriaque), dite d'Ez-Zabad, qui remonte à l'an 512, soit 110 ans avant l'Hégire (622), soit 2.000 ans après l'alphabet punique tunisien, et 700 ans après les alphabets numidique et berbère.
Fait remarquable, l'ordre et les noms des 22 lettres phéniciennes d'origine ont été conservés presque intacts par la majorité des alphabets (en arabe cet ordre a été changé au 7e siècle). Et c'est grâce à cet ordre que ces lettres ont joué un rôle important dans le domaine de la numération. Dans l'ordre, le nom des lettres phéniciennes est : alef; bèt; guimel; dalet; hé; waw; zayin; hét; tét; yod; kaf; lamed; mém; nun; samekh; ayin; pé; sadé; qof; resh; shin; taw.
Tous les systèmes d'écriture alphabétiques ont été utilisés tant pour noter des sons (valeur alphabétique) que des valeurs numérales au moyen des mêmes signes. L'arabe ne fait pas exception et c'est de plus la plus vieille des numérations utilisées par les peuples arabophones. L'utilisation de l'alphabet arabe pour noter les nombres, ou hurüf al-gumal, remonte aux premières inscriptions arabes. Il en a été de même pour le grec ou le latin.
Il existait principalement deux systèmes de numération fondés sur l'alphabet arabe : celui du Maghreb et celui du Machrek. Il s'agit de la numération abjad. C'est ainsi que l'on utilisait un moyen mnémotechnique pour se rappeler la valeur de chaque lettre. abajad pour 1 ,2 ,3 ,4 ; Hawazin pour 5,6,7 ; Hutiya pour 8,9,10 ; Kalamuna pour 20, 30, 40, 50; etc.
Les lettres servent à indiquer séparément les unités, dizaines, centaines et milliers: le système est décimal, n'est pas entièrement positionnel et ignore le zéro. Chaque lettre ne peut noter qu'une seule valeur, au contraire du système positionnel actuel, où le signe "1", par exemple, représente selon sa place une unité, une dizaine, une centaine, un millier, etc.
Introduction des chiffres indiens et du zéro
C'est d'Inde, tracés dans leur graphie nagari, que sont venus de nouveaux signes permettant, grâce au zéro positionnel, une plus grande souplesse d'emploi. Des astronomes musulmans, en apprenant cette science des Indiens au 8e siècle, ont vraisemblablement importé dans un même mouvement leurs chiffres. Al Khawarizmi serait le premier à avoir, au 9e siècle, travaillé sur les méthodes de calcul indiennes. Rapidement adoptés, ces signes ont subi de nombreuses modifications avant de prendre l'apparence des chiffres dits arabes utilisés de nos jours.
Les Arabes orientaux ont conservé jusqu'à nos jours la graphie indo-persane des 9 chiffres. Mais les savants arabes d'Afrique du Nord et de Kairouan ont développé une nouvelle graphie appelée maghrébine, ou ghobar, ou tout simplement arabe. C'est celle qui est employée aujourd'hui par le monde entier. Si l'on en croit une tradition populaire encore vivante en Tunisie, les chiffres ghobar se caractérisaient à leur origine par autant d'angles que leur valeur numérique : ainsi, 1 s'écrivait avec un angle, 2 avec deux, 3 avec trois, etc.
Introduction du système sexagésimal babylonien
On pourrait se demander pourquoi certaines mesures sont exprimées de nos jours en base 60, dite base sexagésimale. On utilise ce système par exemple pour le temps (heures, minutes, secondes), pour les coordonnées géographiques (latitude, longitude) et pour mesurer les angles. Ce système positionnel a été créé en Irak par les Sumériens, ancêtres des Babyloniens, vers le 19è siècle avant J.-C., il y a presque 4.000 ans !
Dans un système positionnel, la position du chiffre indique son ordre de grandeur. Par exemple [3;4;2] signifie dans notre système positionnel décimal 3x102+4x10+2x1, soit 342. Pour les Sumériens, il signifiait 3x602+4x60+2x1, soit 10800+240+2, soit encore 11042. Ce système disposait aussi du zéro.
Le système sexagésimal a l'avantage d'avoir de nombreux diviseurs entiers (1, 2, 3, 4, 5, 6, 10, 12, 15, 20, 30, 60) qui facilitent le calcul des fractions. Les fractions ont toujours été le cauchemar des écoliers. Il en était ainsi chez les comptables ou les arpenteurs d'il y a 4.000 ans. Par contre, si 60 est divisible par 1,2,3,4,5 et 6, il ne l'est pas par 7. C'est pour cela que les Sumériens considéraient le chiffre 7 comme démoniaque, et décidèrent qu'une semaine devait s'arrêter au 7e jour. Le sept est devenu, dans beaucoup de croyances, un chiffre spécial, ayant parfois une connotation divine.
Ce système, antérieur au système décimal indien, a exercé une grande influence depuis la plus haute antiquité à nos jours. Depuis le 2e siècle avant J.-C., les astronomes grecs l'utilisèrent. Après les Grecs, les astronomes arabes l'ont utilisé pour leurs tables astronomiques, d'autant plus que les Babyloniens avaient aussi un calendrier lunaire. Et c'est ainsi que le système savant babylonien est parvenu jusqu'à nous, et au monde entier, grâce aux Arabes.
Transmission des chiffres arabes en Europe et au reste du monde
L'histoire de cette transmission est assez édifiante.
Une première tentative a été faite par le pape de l'an 1000, Sylvestre II. Premier pape français, Sylvestre II, né Gerbert d'Aurillac, est aussi un grand savant et un acteur politique majeur. Né vers 945 dans une famille de paysans, Gerbert est éduqué à l'abbaye Saint-Géraud d'Aurillac, dans un esprit moderniste. Remarqué par le comte de Barcelone, le garçon poursuit son instruction dans les abbayes catalanes. Il y découvre le "quadrivium", c'est-à-dire les quatre sciences profanes de son époque: l'arithmétique, la géométrie, la musique et l'astronomie, à travers des manuscrits en latin traduits de l'arabe. Ce faisant, le moine précède de plus d'un siècle les étudiants des universités de Paris, Montpellier et Oxford qui vont au XIIe siècle traverser comme lui les Pyrénées pour compléter leurs connaissances grâce aux maîtres et savants arabes. Devenu pape en 999, sous le nom de Sylvestre II, il use de toute son autorité pour imposer les chiffres arabes chez les chrétiens, à la place des chiffres romains peu pratiques. Sa tentative va échouer, à cause de la résistance des savants de l'Eglise, qui considéraient que tout ce qui venait des Sarrasins (les Arabes) ne pouvait qu'être diabolique. On accusa même ce pape d'être habité par le diable. Cette légende a eu la vie tenace, à tel point qu'en 1648, six siècles plus tard, l'autorité pontificale fit ouvrir le tombeau de Sylvestre II pour vérifier si les diables de l'enfer ne l'habitaient point !
Deux siècles plus tard, une deuxième tentative va réussir.
Né à Pise, en Italie, Leonardo Fibonacci (1175-1250), a été élevé et éduqué en grande partie à Béjaïa (Algérie), où vivait son oncle Guilielmo Bonacci. Celui-ci était le représentant, auprès des douanes maghrébines, des marchands toscans en Algérie, en Tunisie et au Maroc. Le jeune Leonardo, formé dans les écoles algériennes, s'est vite passionné pour les mathématiques arabes. À cette époque, Béjaïa était un grand centre intellectuel, où résidaient des savants comme Abou Madyane (Sidi Boumediène), Ibn Hamad, Abd al-Haqq al-Ishbili et Abu Hamid as-Saghir. La réputation de science et de sainteté d'Abou Madyane était connue de tous. Il meurt près de Tlemcen le 13 novembre 1198. C'est là que l'on édifia son mausolée devenu lieu de pèlerinage des Tlemcéniens jusqu'à nos jours. Ibn al-Arabî a appelé Abou Madyane "le professeur des professeurs". Fibonacci rapporta à Pise en 1198 les chiffres arabes et la notation algébrique. Grâce à ses écrits et à sa persévérance, Finobacci réussit là où le pape Sylvestre II échoua. L'introduction du papier, des chiffres arabes et de tout le savoir arabe en Europe va grandement faciliter la Renaissance européenne.


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