«Le temps, qui seul fait la réputation des hommes, rend à la fin leurs défauts respectables» (Voltaire, Lettres philosophiques) «Allez fiston, la leçon d'aujourd'hui ça va te permettre de mettre en évidence les défauts de ta boxe, la limite de ta rage. Y'a bien un moment où la lassitude te pèse dans les jambes et dans la poitrine. Ne t'en fais pas, il ne faut pas oublier que ce n'est pas facile de devenir champion. Hep ! Go, une, deux, une…, frappe plus fort… Redresse-toi, lève ta main gauche et fais-la fonctionner en piston de bas en haut, et surtout garde bien ton bras droit toujours dans le rôle défensif !». Ce sont là les conseils prodigués par son compatriote, le fameux entraîneur tunisien Rezgui Guizani, à chaque séance d'entraînement avec son poulain Taoufik Belbouli!… Ces fameux conseils ont donné raison au globe-trotter, l'entraîneur Rezgui Guizani, le 25 mars 1989. Notre compatriote, le Franco-Tunisien Belbouli a remporté le titre mondial WBA des lourds-légers (avec la nationalité française) sous la férule «Team» des frères Acariès. Par la suite, Belbouli quitte les Acariès pour RMO, il se blesse à l'entraînement la veille de son championnat du monde (contre Robert Daniels) et est finalement déchu de son titre ! Hervé Gilardo, un spécialiste de la boxe, à écrit : «Belbouli, un vrai monstre, un physique de terminator, sans doute le gros frappeur des 25 dernières années en France, et je pèse mes mots. Il s'agissait surtout d'un vrai lourd-léger. Seulement, il était craintif, comme le sont parfois ceux qui sont habitués à faire tomber les mecs d'en face sur un coup de poing. Il avait effectivement été blessé au genou. Il ne restera pas dans l'histoire mais il aurait pu faire grande carrière». Oui, notre brave compatriote Belbouli était un très bel athlète. Il avait vraiment les capacités de battre Robert Daniels, dommage qu'il se soit montré trop timide. Bizarre aussi qu'il soit si peu cité parmi les champions français! Qu'importe!Belbouli est un boxeur qui nous a fait rêver en tant que tunisiens, arabes et africains à une certaine époque. Il était très doué, comme en témoigne à l'époque l'un de ses entraîneurs, Rezgui Guizani: «Belbouli était très efficace: un encaisseur qui, de surcroît, avait une très bonne frappe. Il assimilait très vite les leçons. Rares sont les boxeurs qui jusqu'aujourd'hui pouvaient l'inquiéter». Le palmarès de Belbouli illustre à merveille les propos de Rezgui : - Taoufik Belbouli, né le 10 décembre 1954 à Bennane (Tunisie). Après une carrière bien remplie et distinguée en amateur au club de boxe du Stade Tunisien sous la coupe de l'entraîneur Habib «El Mouche» Bel Arbi. - Champion de Tunisie poids moyens en 1978 (sans adversaire en finale walk-over!) - Champion de Tunisie poids mi-lourds en 1979 - Champion de Tunisie poids lourds en 1980 (walk-over, sans adversaire en finale) - Champion de Tunisie poids lourds en 1981 (walk-over sans adversaire en finale) - Médaille de bronze aux Jeux panafricains de 1978 - Médaille de bronze aux Jeux méditerranéens de 1979. Belbouli, qui a appris la boxe en Tunisie, opte alors pour le professionnalisme et choisit de le faire en France. Alors, il y émigre en 1982 pour entamer sa carrière professionnelle et ne trouve aucune difficulté à battre facilement ses premiers adversaires : Primo Ruberti, Fred Voltine, Mauris Gomis et Aïssa Nama. Il prend ensuite la nationalité française et remporte le 18 avril 1986 le championnat de France des poids lourds en battant Damien Marignan. Trois ans plus tard, le 25 mars 1989, Taoufik remporte la couronne mondiale au Maroc. Ce titre, paraît-il, l'embourgeoise et c'est peut-être à partir de là que commencent ses problèmes. Etait-ce une affaire d'argent comme l'ont dit certaines personnes? Pour Rezgui, c'est plus que ça : «Avant que Belbouli ne devienne champion du monde, il était un garçon très gentil, qui rigolait avec tout le monde. Une fois le titre en poche, il a radicalement changé. En outre, il n'est pas correct quand il est question d'argent! En tout cas, il ne l'a jamais été avec moi». La présence de Belbouli aux entraînements a commencé à se raréfier. Et ce n'est pas la défense de son titre prévue en Espagne contre l'Américain Robert Daniels qui changera quoi que ce soit. Belbouli n'allait dans la salle que lorsqu'il était de bonne humeur. A Madrid, il obtient un nul salutaire, suffisant pour lui permettre de conserver son titre! Entre Taoufik et son entourage, les rapports commençaient à être très conflictuels. On en a pour preuve ce divorce avec les frères Acariès (team avec lequel il est devenu champion du monde) pour rejoindre RMO qu'il quittera aussitôt pour retourner chez les Acariès! Il est à signaler qu'en 1987/1988, j'ai rencontré un certain Zurita, le fameux promoteur marocain du championnat du monde au Maroc. Ce dernier était accompagné des frères Acariès pour un travail d'affaire, à Tunis. Ce dernier nous a affirmé : «Nous avons une grande estime pour Taoufik. Pour nous, il est considéré comme un fils. Nous avons tout fait pour qu'il remporte son combat contre l'Américain Michael Greer et devienne champion du monde. Notre job est d'organiser des galas de boxe et de veiller sur la santé de nos boxeurs, tout en offrant une bonne bourse. Sachant, que c'est nous qui payons les frais de tous les droits, que ce soit la publicité, le ring, le lieu du match, le fisc, etc. C'est normal qu'en tant qu'organisateur, nous cherchions à rentrer dans nos frais. Imaginez-vous qu'on a proposé à Belbouli une bourse assez importante, vainqueur ou vaincu. Cinquante mille dollars… Mais hélas, il nous a quittés pour traiter avec une société dite RMO qui n'a rien à voir avec la boxe ! La preuve, il est revenu chez nous pour solliciter notre aide et on l'avait reçu les bras ouverts. Soyons clairs : Belbouli a partagé avec nous autres le pain et le sel et on ne l'aurait jamais trahi ! Dans la boxe, il ne faut pas rater sa chance, il faut savoir la saisir. Si on a voulu vraiment mettre fin à la carrière de Taoufik en tant que boxeur, on aurait pu lui organiser un combat contre Holyfield dans la catégorie, lourd-légers. Mais on ne l'a jamais fait de peur qu'il ne se fasse massacrer pour rien ! Vous savez, chez vous en Tunisie, on peut dénicher une dizaine de Belbouli, car les jeunes des banlieues défavorisées peuvent bien réussir, à condition qu'ils s'entraînent bien et qu'ils soient conscients de ce qu'ils font». Epilogue : notre malheureux champion a décidé à l'âge de 36 ans de mettre un terme à sa carrière. Dernières nouvelles de Belbouli : il fait la navette entre la France et la Tunisie et il est dans une inconfortable situation financière. Taoufik Belbouli est sans doute un grand. Il avait les jambes et les points mais il avait perdu en chemin… la tête.