Paradoxalement, la lecture du précédent livre de Saïd Mestiri "Moncef Bey "fut plus aisée. Dans son dernier ouvrage consacré à son oncle «Moncef Mestiri», il y a, semble-t-il tant de l'auteur Saïd Mestiri, tellement d'intime, de respect, que l'on se sent un peu comme un "violeur " (littéraire, ajouterais-je, pour atténuer le terme). Tant pis pour moi, mais j'ai aimé ce livre. Pour beaucoup de raisons que je livre tout à trac : l'omniprésence de la France dans le destin de la Tunisie, la correction du portrait de Bourguiba l'esprit visionnaire de Moncef Mestiri, le calque étonnant des événements relatés dans le livre avec la situation révolutionnaire récente de la Tunisie, l'Islam. Et puis, permettez-moi ce saut du coq à l'âne, l'esprit et l'influence extraordinaires du rédacteur du livre Médecin dans la Cité par lequel j'ai appris à apprécier l'auteur et à aimer vraiment la Tunisie. II faut le dire, je n'arrive toujours pas à comprendre la colonisation, l'esclavage et tous ses corollaires : l'imposition de nouvelles religions (Amérique du Sud particulièrement) de nouvelles langues, coutumes, etc. Je pense tout d'abord à l'Espagne, dont on ne parle pas assez, sinon jamais, le pire "Colonisateur " de toute l'histoire de l'humanité. Pizarro et ses sbires avinés, analphabètes et syphilitiques ( 163 seulement au total), mais avec des chevaux, inconnus et terreurs des Incas, massacreurs d'une civilisation, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle valait largement celle de l'Espagne pseudo-chrétienne. Les Portugais, moins violents mais tout aussi pervers, eux, qui furent les premiers "négriers" (bien aidés en cela par les chefs de villages qui vendaient sans vergogne leurs compatriotes pour en tirer profit). Les Hollandais ensuite, plus marchands et profiteurs que cruels. Les Anglais qui furent, à mon avis, les plus respectueux des peuples et de leurs coutumes. Arrogants, sans doute,distants mais ne se mêlant quasiment jamais d'imposer par la force. Comparativement aux autres colonisateurs, et compte tenu de l'importance et de l'étendue des territoires annexés, c'est l'Angleterre qui a le moins de sang sur les mains. Pardonnez-moi cette longue digression, mais pour moi elle était nécessaire pour expliquer le rôle de la France face à la Tunisie, et partant, face aux autres pays "colonisés ". Je lis, page 269, un passage qui m'horrifie : - Le Rassemblement français de Tunisie et ses Maîtres à penser ".... ont désormais le champ libre pour organiser la Répression..". Y participe notamment : - Un jeune général vaniteux Garbay, plus jeune divisionnaire de l'armée française qui avait, un an auparavant, sous la férule du Gouverneur Pierre de Chevigné, un proche de de Gaulle, présidé au massacre méthodique de près de quatre-vingt mille (80.000.) Malgaches révoltés. Bravo la France ! De quel droit ? Comment un pays soi-disant civilisé, porteur de vraies valeurs humaines, peut agir de la sorte ? Algérie (pour le pire) Maroc et Tunisie. Merci à ces révolutionnaires des années vingt (Thaâlbi) et trente (Bourguiba) issus du Destour et du Néo-Destour. Cependant, il paraît alors que parmi les vrais "résistants " il y a Moncef Mestiri. II a, je crois, une position très claire envers Bourguiba, qu'il rend responsable des événements sanglants de Mateur et de Béja en 1937. A plusieurs reprises, il ne se gêne pas pour tancer Bourguiba, sans pour autant renier le fond et la vraie forte personnalité du futur président. Certains mots font mal au Suisse que je suis. Issu de la plus vieille démocratie du monde (1291), j'ai de la peine à lire (page 277) que la France (Mendès-France, Mar. Juin, Chr.Fouchet, général Boyer de la Tour) proclamera très officiellement au nom de la France la reconnaissance de l'autonomie et de la souveraineté "internes" de la Tunisie. Seul point positif, et c'est un miracle (il semble que Moncef Mestiri en ait bénéficié de plusieurs miracles notamment lors des événements de 1937), la Tunisie a échappé au sort atroce de l'Algérie. Très honnêtement je pense que Moncef Mestiri et bien d'autres encore, grâce à leur courage et leur ténacité, leur intelligence aussi, ont été les empêcheurs de massacres en rond et préparé, 60 ans avant, le futur ferment de la révolution de 2011. Je ne parlerai pas des événements purement politiques qui jalonnent la vie de Moncef Mestiri, je n'ai pas qualité pour le faire. Par contre, il ressort du livre que le personnage de Moncef Mestiri n'est pas linéaire mais plutôt contrasté. Certaines de ses prises de position (face aux alliés et aux Allemands) peuvent prêter à la critique et vous ne vous gênez pas de le faire. Mais à la vérité ce sont ces quelques petites faiblesses qui rendent l'homme plus attachant. Hormis Dieu, la perfection n'existe pas en ce monde.