Par Afifa CHAOUACHI* Le CAPES a été institué il y a plus de dix ans sous l'impulsion d'un ministre connu pour ses compétences, son honnêteté et son expérience professionnelle et en collaboration avec une large équipe d'enseignants et de professionnels du métier. Cette décision qui a peiné à s'imposer à la nomenklatura a fini par s'affirmer pour consacrer le mérite et lutter contre les recrutements abusifs, sur piston et recommandations diverses, des enseignants du secondaire. Certes le ministère s'arrogeait le droit de barrer de la liste de ceux qui avaient réussi les épreuves, les indésirables et autres politiquement incorrects; on dit même (reste à vérifier) que lors de ces dernières années, dans ce même ministère, certains s'adonnaient à des pratiques malhonnêtes de trafics de diplômes mais aujourd'hui, après la grande révolte, après la supposée «purification» des cadres responsables, le CAPES n'aurait-il pas pu renaître de sa belle vie, dépouillé de toutes les «retouches» extérieures et de toutes les mainmises sur son autonomie ? Pourquoi cette décision de le supprimer ? Pourquoi ne s'est-on pas contenté de réformer et de parfaire certains de ses aspects scientifiques et techniques pour en faire, comme dans les pays développés qui en font l'expérience depuis des lustres, le moyen le plus objectif et le plus scientifique de recruter les professeurs du secondaire ? Mêler des considérations sociales et économiques aux critères de recrutement, c'est céder à des tentations populistes, démagogiques et injustes, néfastes au pays et à la crédibilité de son système éducatif et à la formation de ses enseignants. Le ministère de l'Education ne doit pas se substituer à celui des Affaires sociales et ne devrait pas attribuer des postes en fonction des notes de la licence peu crédibles du LMD, en raison de la disparité de la notation entre établissements de l'enseignement supérieur, ou de l'ancienneté dans le redoublement au CAPES ou du nombre de chômeurs dans la famille du candidat. Ce serait la porte ouverte à toutes les falsifications, à tous les abus et à toutes les dérives régionalistes ou autres ! Car l'intérêt des concours tout comme l'examen du baccalauréat, par exemple, c'est justement l'anonymat et la même (ou à peu près la même) évaluation pour tous. Je sais, pour être depuis plus de trente ans enseignante à l'université, que des prix présidentiels pour les lauréats de certaines facultés, on ne peut plus en rêver car si, dans certains établissements, les premiers réussissent avec 12 ou exceptionnellement 13 de moyenne, dans d'autres établissements, les étudiants sont bien plus généreusement notés, même s'ils ne sont sûrement pas mieux formés : certains étudiants qui s'inscrivent au master dans d'autres universités que leurs universités d'origine, en font amèrement l'expérience ! Comment donc recruter sur de simples notes de licence (avec tous les dégâts enregistrés par le contrôle continu qui, dans l'état actuel des choses, ne contrôle rien et surtout pas la formation !) quand le travail d'uniformisation et d'harmonisation de la formation et de l'évaluation n'a pas encore été fait à travers les différentes universités du pays ? Un concours national était donc bien nécessaire à l'appréciation des compétences, pourquoi l'a-t-on si hâtivement supprimé ? Pourquoi cette urgence dans un gouvernement dit de transition ? Doit-on aujourd'hui léser les meilleurs et défavoriser les étudiants des plus grandes universités parce que le laxisme au niveau des notes y est moins grand ? Tous les candidats au recrutement dans les lycées doivent être soumis à la même évaluation scientifique d'abord et les diplômés des familles non indigentes ne doivent pas être punis pour leur appartenance sociale : il faut, par contre, aider les étudiants d'origine modeste, dès leur première année, à être parmi les meilleurs, tout mobiliser à cet effet, comme autrefois, au temps de Bourguiba. Tout autre recours serait suspect et injuste ! Le peuple tunisien n'a pas fait sa révolution pour subir, impuissant, les effets pervers du populisme et autres bons sentiments au rabais. Il n'est pas sorti dans la rue pour acquiescer sans discernement aux rumeurs de la rue et pour accepter le règne de la médiocratie au nom de la fausse démocratie. Nous disons donc un non énergique à la suppression du CAPES et espérons trouver au ministère de l'Education une oreille attentive à notre opinion et à notre longue expérience dans l'enseignement. PS. Aucun étudiant moyennement valable et ayant obtenu jusque-là la maîtrise de français, qui est la discipline que je connais le mieux, n'a jamais échoué au CAPES. C'est dire que ce n'est pas un concours aussi injuste ou inutile qu'on le présente !