Par Taha BELKHODJA* Voilà six mois qui se sont écoulés depuis le soulèvement populaire de la dignité et Dieu merci, les choses ont évolué depuis et il faut nous estimer heureux devant ce qui se passe ailleurs. La Tunisie, à l'heure actuelle, vit dans des conditions socioéconomiques très fragiles et le facteur temps joue contre nos intérêts Notre situation économique, c'est comme si on est dans «un sable mouvant»: plus on stagne plus on s'enfonce, ainsi donc il faut qu'on bouge au plus vite. Tout le monde doit se mobiliser aujourd'hui plus que jamais et mettre les bouchées doubles au labeur dans une politique purement constructive. Il nous est demandé à nous tous, gouvernants et gouvernés, de bien réfléchir et analyser toutes les éventualités rapport «temps / intérêt» et tirer les conclusions en étant francs avec nous-mêmes, en oubliant nos appartenances partisanes et politiques devant l'intérêt supérieur de notre patrie. Nous sommes aujourd'hui devant deux scénarios possibles et nous devons choisir une décision radicale qui tienne compte de la relance économique au plus vite en assurant toute la sécurité requise sans oublier que certains pays ne veulent débloquer les aides promises qu'après les élections. Cela est conditionné tacitement en partie par la coopération éventuelle avec la nouvelle équipe au pouvoir, un détail assez important à ne pas négliger, parce qu'il ne peut pas y avoir de reprise sans investissements. Il faut tenir compte du développement des différents points de vue depuis la décision du report de l'élection de l'Assemblée constituante au 23 octobre prochain. Pour un déroulement crédible des élections, quatre mois sont largement suffisants pour établir trois types de Constitution : présidentielle, parlementaire et hybride (mixte) et ainsi faire Compagne de ces trois Constitutions pour les présenter au grand public par des indépendants : universitaires, experts et politologues par tous les moyens médiatiques durant cette période. L'établissement d'une Constitution est un travail de professionnels, et non celui de membres de parti. A chacun son métier si nous cherchons la qualité et c'est au peuple de faire son choix directement, on n'a pas besoin d'intermédiaire. Il existe actuellement plus de 100 partis politiques, c'est une réaction normale après une révolution, tout un chacun veut se manifester sur la scène politique. Ce qu'il faut se mettre en tête c'est que la dispersion, en nouveaux petits partis, favorise plutôt les anciens partis, donc il faut impérativement se regrouper pour viser une compétitivité équitable en évitant d'être marginalisés. Afin de bien nous orienter et d'éclairer la situation qui prévaut dans le pays, rien ne nous empêche de tâter l'opinion publique à travers des sondages en réalisant une enquête pour recueillir l'avis des Tunisiens sur leur choix entre, d'une part, l'élection d'une Assemblée constituante qui va établir la Constitution et, d'autre part, un référendum pour choisir la Constitution à retenir parmi les trois régimes. Ce n'est pas la réinvention de la roue, car il existe plusieurs régimes de par le monde. On peut choisir les trois meilleures Constitutions des pays qui ont bien réussi, et s'il y a un manquement éventuel ceci peut être revu par la Chambre des députés plus tard. Il suffit de bien expliquer les trois régimes avec leurs avantages et inconvénients et je ne crois pas que les partis puissent le faire mieux que les universitaires ou les experts en la matière. 1er scénario : Election d'une Assemblée constituante - Inconvénients : 1- Election d'un nouveau président et désignation d'un autre gouvernement de transition après ceux d'expédition des affaires courantes, encore six mois au moins du provisoire qui dure !, ce qui n'a aucun sens, surtout sur le plan international, Car cela nuit à la crédibilité de notre pays. 2- Absence de compétitivité équitable entre les partis (de 30 jours à 30 ans d'âge) donc une inégalité des chances évidente entre les candidats. Déjà on voit cinq partis seulement qui se sont accaparé les 2/3 du temps de passage sur les 4 chaînes tunisiennes de TV, d'après les statistiques. 3- Risque de polémique postélectorale puisqu'il s'agit d'élection de partis dont les plus anciens sont évidemment les plus chanceux. C'est clair ils ont le bénéfice de l'ancienneté. 4- Campagne électorale des partis inutile et sans aucun intérêt, l'élection ne concerne nullement le programme propre des partis, ceci est une affaire de citoyenneté, pure et simple, et non pas de puissance ou compétence de parti. 5- Perte de temps pour l'établissement d'une Constitution qui peut être réalisée immédiatement par des spécialistes, «il ne faut jamais laisser à demain ce qu'on peut faire aujourd'hui». -Le seul avantage, c'est le respect du programme initial pour faire plaisir à certains, sachant que depuis, beaucoup d'évènements se sont passés et la donne a bien changé, même la date d'élection a été reportée. 2e scénario : Référendum sur les trois Constitutions présélectionnées -Le seul inconvénient, c'est qu'il s'agit de trois choix donc il y a risque de ballottage, ce n'est pas grave, une semaine après on refait l'élection entre les deux mieux placés et le tour est joué. On entre dans le vif du sujet : les élections présidentielle et législative en même temps de préférence et là, les partis vont faire campagne de leur programme en bon et due forme. Avantages : 1- Faire le choix entre les trois régimes, directement par le peuple, le 23 octobre 2011 : -le régime présidentiel, soit la Constitution de 1959 (version initiale) -le régime parlementaire, en se référant à la Constitution de l'Italie, la Turquie ou autre. -le régime hybride : parlementaire présidentialiste, en s'inspirant du régime français quand il y a cohabitation. 2- Gagner 6 mois au moins dans la relance économique qui est un avantage de taille 3- Eviter les polémiques potentielles avant et après élection (Ce ne sera pas facile avec une centaine de partis au moins en lice) 4- C'est le peuple lui-même qui fera son choix, donc il ne pourra jamais remettre en cause le résultat. Nous avons aujourd'hui un défi à relever, nous avons besoin tous les uns des autres et nous devons faire preuve de beaucoup de bon sens, d'un esprit cartésien et d'objectivité en rejetant toute forme d'égoïsme ou de malversation qui handicapera le développement de notre pays et que les générations futures ne nous le pardonneront jamais. La situation est plutôt claire, compte tenu des leçons retenues de l'histoire quant aux différents régimes précités : - le régime présidentiel est très redoutable, à éviter les malheureuses expériences vécues en Tunisie et ailleurs. - le régime parlementaire ne nous réussira pas du tout avec une centaine de partis. Ce sera la zizanie, on risque de battre tous les records d'Etat sans gouvernement. Il faut être réaliste, il suffit de se référer à ce qui se passe à la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution. Notre culture démocratique est encore à l'état embryonnaire, il ne faut pas courir de risque. - le régime hybride : parlementaire présidentialiste, est le plus préconisé à l'heure actuelle. Ceci n'empêche pas que le dernier mot revient au peuple en se prononçant en toute liberté. Ce sera notre premier vote démocratique et la légitimité revient à la majorité. N'est-ce pas merveilleux de gagner du temps en épargnant toutes les dépenses de campagne électorale des partis tout à fait sans aucun intérêt pour l'établissement de la Constitution ! Il reste qu'en cette révolution numérique, le vote par Internet est plus que recommandé, la Tunisie a toujours été avant-gardiste, il est possible moyennant un logiciel qui ne prendra qu'un mois de travail. Ceci est très faisable si le ministère de l'Intérieur dispose de certaines données (les numéros des C.I.N. et passeports de tous les électeurs), sans aucun risque de fraude ni d'abus quelconque. Il est clair que la solution adéquate et la plus efficace découle des idées les plus simples et les plus évidentes. Il n'échappe à personne que nous avons échappé de justesse à une guerre civile. Maintenant nous devons tous nous mobiliser pour ne pas laisser entrainer notre cher pays vers la banqueroute.