Venus de Syrie, mais aussi des Etats-Unis, d'Europe ou encore d'Arabie Saoudite, quelque 200 jeunes militants syriens ont entamé hier à Istanbul une réunion de quatre jours pour coordonner la contestation du régime de Damas et "fonder la Syrie nouvelle". Fille d'exilés syriens établis aux Etats-Unis, Banah Ghadbian, une lycéenne de 17 ans, a fait tout le chemin depuis son Arkansas natal jusqu'à un hôtel d'une lointaine périphérie d'Istanbul pour participer à cette première rencontre du Réseau des activistes syriens. "Nous sommes ici pour nous entraîner et nous préparer à ce qui se passera après la révolution, pour que nous ayons une sorte de structure, une transition", affirme la jeune fille, qui dit avoir déjà contribué à la lutte de ses compagnons en Syrie en diffusant sur Internet deux vidéos appelant à la protestation. "Nous nous coordonnons de façon à inclure les minorités, les femmes, les groupes jusque-là marginalisés (...) pour commencer notre mouvement en incluant tout le monde et ne pas répéter les erreurs du passé", poursuit-elle "Je ne veux pas prendre part à la paranoïa et à la terreur que le régime fait endurer à ses citoyens", clame la jeune fille. "Mon objectif est de rentrer dans une Syrie libre, et d'y vivre." A Istanbul, Banah sera appelée à choisir son champ d'action — politique, média, aide humanitaire, logistique ou droits de l'Homme-- et à participer à des ateliers de formation pour rendre son action plus efficace, avec des entraînements aux relations avec les médias ou encore aux moyens de rendre compte des violations des droits de l'Homme. "Nous aurons aussi des ateliers sur les technologies mobiles, les différentes sortes de téléphones satellitaires, ce qu'on peut utiliser dans un conflit comme celui-ci. Nous allons aussi discuter des moyens de communiquer en sécurité avec les personnes en Syrie", a indiqué Moaâz Al-Sibaai, un des organisateurs. M. Al-Sibaai insiste sur l'importance de cette réunion, qui, précise-t-il, n'est pas chapeautée par une organisation politique. "C'est une rencontre stratégique: aujourd'hui, nous sommes unis car nous sommes confrontés au même régime, nous partageons le même objectif, mais nous voulons que ça continue dans le futur, quand le régime va changer. Notre réseau est en train de fonder la Syrie nouvelle", affirme-t-il. Hier, après l'hymne national syrien et la diffusion d'un clip dénonçant sur fond de musique rap les "mensonges" du régime syrien, le forum s'est ouvert avec des débats sur le rôle de la société civile, la notion de laïcité ou encore la place des partis politiques traditionnels dans la révolution syrienne. Le Dr Imaddin Rachid, un des leaders de la contestation en Syrie, récemment arrivé en Turquie, a appelé les jeunes militants à "bâtir une société civile qui dépasse les clivages idéologiques, ethniques et religieux, qui soit transparente et indépendante". "Pour un étranger, ces discussions peuvent paraître sans intérêt, mais pour nous elles sont très importantes car tous ces termes sont complètement nouveaux pour nous", a commenté Otba, un militant de 28 ans résidant en Arabie Saoudite. La réunion accueille également plusieurs dizaines de militants venus de Syrie —une quarantaine au maximum, selon M. al-Sibaai—, venus avec leurs propres besoins. "En Syrie, nous voulons créer des comités représentatifs dans chaque ville, et au dessus d'eux un comité national. Nous voulons profiter des formations proposées pour définir les moyens d'atteindre notre objectif", a affirmé Jamal Al-Wadi, porte-parole du comité révolutionnaire de Deraa. M. Al-Wadi a également souhaité que cette réunion permette de "combler le fossé" entre les militants en Syrie et ceux établis à l'étranger, qui "ne réalisent pas tout à fait le niveau des souffrances vécues par la population à l'intérieur".