La météo n'est pas pour encourager à la lecture d'essais ou d'œuvres ardues. Aussi par ces temps de chaleur et de jeûne, on a choisi de vous présenter un album de dessins à coloration politique, paru il y a quelques mois «Vous m'avez beaucoup déchu». Un ouvrage court, au format pratique, qu'on transporte avec facilité d'une chambre à l'autre, qui se lit et se regarde facilement sous un parasol, une demi- heure et le sourire au bout de la lecture est garanti. A sa sortie, l'ouvrage a été présenté par Fethi Ben Slama, psychanalyste, il a relevé en substance le côté subversif de l'humour qui a aidé fortement au soulèvement du 14 janvier. L'humour est une arme redoutée pour les potentats, du moins ceux qui devinent ses effets et ressources. Une lettre et tout le sens change, l'exemple est en couverture, le portrait de ZABA, reconnaissable à ses cheveux plaqués, sa mauvaise humeur et sa chemise mauve, la bulle annonce Vous m'avez beaucoup déchu, sous-titre Le meilleur de la Révolution sur Facebook et Twitter. Déçu ou déchu ? Les deux mon général, l'explication est à l'intérieur du livre. Ça commence bien, un combiné de téléphone, une voix qui en sort et annonce en gras «Qui c'était au téléphone ? Sans doute sa coiffeuse, elle devait lui rappeler l'heure de sa permanente!» Pas besoin de dessin, ni de visage, on reconnaît sans peine le couple, leurs affinités respectives. Quatre jours avant la révolution, le président déchu, annonce 300.000 emplois et limoge son ministre de l'Intérieur; Commentaire «Premier poste créé: ministre de l'Intérieur. Restent 299.999 à pourvoir…yes we can». «Attention, les Français vont commencer à émigrer clandestinement vers la Tunisie pour avoir du boulot». Evidemment MAM ahurie de ses déboires, Sarko avec des œillères, Besson (le pantalon), Moubarek (Dégage ! pourvu qu'il comprenne le français) et Bouteflika, Caïd Essebsi ou Kaddafi en prennent pour leur grade. La Révolution a un mois et 13 jours, Ghannouchi démissionne « Tellement historique que je ne me souviens déjà de rien» et parmi les meilleures à notre goût «faut expliquer à Leïla que “mandat international” c'est pas de l'argent qu'on va retirer à la poste» ou «La chaise du prochain président sera faite en Tefal pour qu'il ne colle pas au pouvoir». Le florilège de dessins et de textes a été choisi dans l'urgence, nous semble-t-il, aussi on découvre des perles subtiles sur lesquelles on s'attarde, d'autres moins fines et dans le tas on trouve parfois des anecdotes sans intérêt. Un livre de circonstance, forcément utile, gonflé à la pompe de la ferveur révolutionnaire. Est-ce si loin l'avant-14 janvier ? Beaucoup ont la mémoire courte, ceux qui n'ont pas participé aux événements sont amnésiques, oubliant au passage l'effet ravageur de l'humour. Ils balaient d'un trait le fait que la Révolution a été en partie portée par Internet et les réseaux sociaux. Dans la préface, l'éditeur prédit «Gageons que l'humour sera (sans mauvais jeu de mot) le thermomètre de notre démocratie naissante. On est friand de cet humour corrosif». L'ouvrage se termine le 10 mars avec un dessin d'une femme entièrement voilée, un texte :…grande première en Tunisie. Une enseignante de l'université de Sfax s'est présentée devant ses étudiants en niqab. Commentaire : A sa décharge, il paraît qu'elle avait une crise d'acné. A notre avis, cet album aussi délicieux soit-il ne résiste pas au temps, inclassable, utile courageux avant, pendant la révolution, il s'y trouve des planches, des trouvailles brillantes, horripilantes, parfois ineptes. On est au huitième mois après la Révolution. L'humour nous a-t-il déserté, il vient à nous manquer sérieusement, pourtant notre liberté est acquise. A quand le prochain album ?