Par Hmida BEN ROMDHANE Depuis des mois, les dictatures libyenne et syrienne, probablement les pires au monde actuellement, sont engagées dans des batailles existentielles contre leurs peuples qu'elles maltraitent sans relâche durant plus de 40 ans. Instituées l'une après l'autre, la première à la suite du coup d'Etat de Moammar Kadhafi en 1969 et la seconde à la suite du coup d'Etat de Hafedh Al Assad, père de Bashar, en 1970, les deux dictatures ont survécu pendant tout ce temps grâce au règne de la terreur, à l'étouffement de toute forme de liberté et à la persécution de toute voix discordante. Après avoir sévi pendant si longtemps, le sort des deux dictatures est finalement scellé. La dictature libyenne est encerclée de partout par des opposants en armes qui, apparemment, sont en train de préparer l'assaut final contre ce qui reste de cette dictature en lambeaux. Kadhafi, de plus en plus abandonné par ses amis, le dernier étant son compagnon d'armes Abdessalem Jalloud, doit se demander s'il va encore avoir une ultime occasion de célébrer dans 10 jours la fête de "la grande révolution du 1er Septembre" dans sa 42e version. Mais qu'il ait cette ultime occasion ou non, Kadhafi est fini. Il n'est plus qu'une loque dictatoriale délirante, convaincue que "les millions" finiront par renverser la tendance et par écraser l'Otan et "les rats" avec. Le sort de la dictature syrienne est plus problématique. Certes, Bashar Al Assad n'est pas encore au stade de décomposition avancée atteint par Kadhafi, mais il est, lui aussi, une loque dictatoriale dans le sens où il a perdu le peu de respect et d'honneur qu'il avait aux yeux de son peuple, en particulier, et de la communauté internationale, en général. Bashar Al Assad ne peut plus regarder son peuple dans les yeux après tant de massacres et tant d'abus, après avoir bombardé tant de civils à coups d'obus tirés par des chars, après avoir pilonné tant de villes, dont Lattaquié sur la côte méditerranéenne, bombardée à partir de la mer par des vedettes de la marine syrienne. Comme tous les dictateurs qui vont trop loin dans la répression de leurs peuples, Bashar Al Assad s'est mis au pied du mur. Il est dans l'impasse. Il ne peut ni rester ni partir. Il ne peut plus rester car son peuple l'a vomi et une large partie de la communauté internationale l'abhorre. Il ne peut pas partir non plus car sa vie et celle des siens, ses biens et ceux des siens ne sont plus désormais protégés que par le pouvoir. Le perdrait-il que lui et les siens seraient perdus. Pour comprendre le drame sanglant qui se déroule en Syrie, il faut avoir une idée claire de la structure des pouvoirs politique et militaire dans ce pays. Le pouvoir civil et la hiérarchie militaire sont dominés par la minorité alaouite qui ne représente pas plus de 10% de la population. Si cette minorité s'accroche aujourd'hui de toutes ses forces au pouvoir, c'est parce qu'elle a eu largement le temps de se laisser convaincre que la disparition du régime se solderait par un massacre. En d'autres termes, pour Bashar et les siens, les deux termes de l'alternative sont : massacrer ou être massacrés. Cela ne veut pas dire pour autant que la contestation en Syrie est d'ordre confessionnel. Certes, la majorité des contestataires sont des sunnites et c'est normal puisqu'ils sont largement majoritaires. Mais il y a aussi des contestataires alaouites et chrétiens qui sont réprimés plus sauvagement encore, surtout les opposants alaouites considérés par le régime comme des "traîtres". N'ayant aucune base confessionnelle, la révolte en Syrie, tout comme les révoltes tunisienne, égyptienne et libyenne, est provoquée par les excès et les abus de toutes sortes dont sont capables les dictatures. N'ayant aucune revendication confessionnelle, la contestation qui se poursuit en Syrie ne vise qu'un seul objectif: instaurer un régime politique qui assurerait aux Syriens une vie digne et romprait définitivement avec les pratiques d'étouffement des libertés fondamentales, avec la corruption, avec l'injustice. Il est du domaine de l'impossible que le régime baâthiste syrien se débarrasse de ses attributs dictatoriaux et se reconvertisse en une démocratie respectueuse des droits et des libertés des citoyens. Sans parler du fait que ce régime, qui sait si bien se déchaîner contre son peuple, n'a pas tiré une seule cartouche contre l'ennemi israélien qui occupe le Golan depuis 1967. Pour toutes ces raisons, le régime syrien n'a plus aucun avenir. Son auto-dissolution serait la solution idéale qui limiterait le flot de sang versé quotidiennement. Mais, a-t-on jamais vu une dictature s'auto-dissoudre? En attendant que Bashar Al Assad et les siens prennent le chemin inéluctable de l'exil ( il y a encore sûrement de la place à Jedda), les manifestants continuent de conspuer nuit et jour le président syrien et son régime.