La Libye étant un partenaire économique privilégié de la Tunisie, se pencher sur l'impact qu'aurait le conflit libyen sur l'économie tunisienne s'avère être une action qui ne peut être contournée ni dépassée. A cet effet, la Banque Africaine de Développement a consacré une étude à la question. Un groupe d'experts de la Banque s'est ainsi penché sur l'analyse des effets de court terme du conflit en Libye sur l'économie tunisienne. L'analyse a été effectuée sur la base de quatre axes, à savoir : l'évolution des relations commerciales bilatérales, la variation de demande de services (tourisme, santé…), le retour des migrants tunisiens et la baisse des fonds provenant de la Libye et la baisse des investissements libyens en Tunisie. Après avoir enregistré, en 2010, un taux de croissance supérieur à 7%, l'économie libyenne se voit ralentir de façon palpable et entraîner de fortes répercussions sur l'économie mondiale notamment au niveau de la hausse du prix du pétrole. La crise libyenne s'est, par ailleurs, accompagnée d'une chute des importations, lesquelles représentaient, en 2009, 35,3% de son PIB. Les auteurs de l'étude à laquelle on se réfère soulignent que la situation conflictuelle en Libye est susceptible d'avoir un impact significatif sur l'économie tunisienne. On rappelle à ce propos que depuis quelques années, de nombreux projets conjoints ont vu le jour et qu'une zone franche entre les régions frontalières de Ben Guerdane et de Ras Jedir était en cours de réalisation ainsi que la construction d'un nouveau canal de transmission du gaz entre la Libye et Gabès. Tous ces projets ont été suspendus suite aux évènements survenus en Libye. Il est également important de noter que ces évènements n'ont fait qu'accroître les défis auxquels la Tunisie était appelée à faire face à l'aube du 14 janvier. L'étude relève, en outre, que la Libye est le partenaire commercial privilégié de la Tunisie, le marché libyen absorbant une grande part de la production industrielle nationale. On se penche également, dans cette étude, sur les relations économiques qui ont lié les deux pays et on précise que durant la dernière décennie le flux du commerce bilatéral entre les deux pays a été le plus important des échanges bilatéraux en Afrique du Nord avec un taux de croissance moyen des échanges commerciaux de 9%. Pour ce qui est de la nature des échanges commerciaux entre les deux pays, les importations tunisiennes en provenance de la Libye sont essentiellement composées de pétrole (92% des importations totales). Les exportations tunisiennes vers la Libye sont plus diversifiées et se composent, principalement de produits agroalimentaires, de ciment, de matériaux de construction, de fer et d'acier. Cependant la fermeture des routes et la détérioration de la sécurité au niveau des accès aux différents postes frontaliers ont engendré une baisse notable des échanges aussi bien formels qu'informels. La Tunisie, qui s'approvisionnait en pétrole principalement sur le marché libyen (25% des besoins), s'est vue obligée de s'adresser à d'autres marchés et de courir le risque de payer plus cher. Au cours du premier trimestre 2011, les exportations tunisiennes vers la Libye ont diminué de 34%, et les importations ont enregistré une chute spectaculaire de 95% par rapport à la même période de l'année 2010. Les exportations relatives aux industries mécaniques et électroniques ont enregistré une baisse estimée à 48,6MDT durant les quatre premiers mois de 2011, les exportations de denrées alimentaires ont, elles, progressé de 53,2% MDT et ont atteint les 124,9 MDT contre 71,6MDT au cours de la même période de l'année 2010. Pour évaluer les effets de la crise libyenne sur les exportations tunisiennes, les auteurs de l'étude envisagent deux scénarios, le premier est relativement optimiste et suppose que la diminution des exportations persiste et continue au même rythme qu'au premier trimestre 2011, le second est pessimiste et suppose un arrêt total des exportations, les simulations des deux scénarios montrent que les pertes varient entre 357MDT et 886 MDT en 2011. Par ailleurs, la Tunisie s'est positionnée ces dernières années comme une destination de choix des touristes libyens. Le total des dépenses des Libyens en Tunisie a été de 890 MDT en 2010 ce qui représente environ 18% des recettes annuelles touristiques de la Tunisie. Il est certain que la situation de crise qui prévaut en Libye aura des implications négatives sur le tourisme et par conséquent sur l'emploi ainsi que sur le secteur privé de la santé. D'un autre côté, le nombre de Tunisiens travaillant en Libye enregistré, en 2010, à l'ambassade de Tunisie à Tripoli a atteint les 92.000. On suppose, toutefois, que le nombre de Tunisiens résidents en Libye soit nettement plus important. Selon l'OIM (Organisation internationale des migrations), 41,322 travailleurs tunisiens seraient déjà rentrés depuis le mois de février 2011. Ce retour affectera le volume des envois de fonds assurés par les travailleurs tunisiens en Libye et qui s'élevait en 2009 à 50 MDT. Il pèsera, également, sur le marché de l'emploi tunisien qui souffre déjà d'un taux de chômage très élevé. En outre le gouvernement de transition a mis en place un programme de compensation dont le coût s'élève à 20MDT et qui consiste à accorder 600dt à chaque rapatrié. S'agissant des investissements directs étrangers, il est important de rappeler que le flux des investissements entre la Libye et la Tunisie a enregistré, au cours des dernières années, une hausse spectaculaire. La Libye s'est, ainsi, positionnée comme le quatrième investisseur arabe en Tunisie. Les investissements tunisiens en Libye ont, eux, dépassé les deux milliards de dinars. Trois projets en cours ont été suspendus et les investisseurs tunisiens établis sur le marché libyen ont dû faire face à des pertes considérables. Pour ce qui est des opérations bancaires, la valeur des lettres de crédit a chuté de 75% par rapport à la même période de l'année 2010. Cependant la situation d'insécurité en Libye a généré une hausse des transferts effectués par les institutions bancaires libyennes. Les auteurs de l'étude estiment, enfin, qu'étant donné l'incertitude qui règne sur l'évolution de la situation en Libye et la non-disponibilité de données, l'impact du conflit libyen sur l'économie tunisienne ne peut être que partiellement évalué. On précise, toutefois, que les résultats préliminaires confirment l'existence d'effets négatifs. On apprend, en outre que les prévisions macro économiques estiment une réduction du taux de croissance du PIB de 0,4%. L'analyse micro économique met en évidence l'impact significatif de la crise libyenne sur certains secteurs tels que le tourisme, les investissements et les flux financiers, les envois de fonds des migrants et le commerce. Source : étude sur l'impact du conflit libyen sur l'économie tunisienne