Par Hassen Chaari "Réfléchir, c'est affirmer sa citoyenneté" (Anonyme) "Ce qui est ennuyant dans la démocratie, c'est de devoir écouter l'idiot" (Descartes) "Celui qui initie une idée pose une valeur" (Socrate) Dans la société moderne du 21e siècle, les idées percutantes sont devenues de fait le pétrole de ceux qui n'en ont pas et constituent leur instrument le plus efficace pour la création de richesses et la génération du bien-être. L'importance des nouvelles idées est aujourd'hui un fait qui va prendre davantage d'ampleur dans les années à venir. Raison pour laquelle les projets innovants constituent réellement la colonne vertébrale et le talon d'Achille de l'économie des pays développés. Innover, c'est désormais échanger des idées et des expériences, développer des nouveaux secteurs et avoir enfin une meilleure visibilité stratégique. Avant notre révolution, nous étions frappés comme dans tous les autres pays du Sud par une pathologie incurable, notamment la " paresse intellectuelle", bien que nous comptions 30.000 ingénieurs, 13.000 professeurs universitaires, 10.000 chercheurs, 8.800 compétences installées à l'étranger et des milliers d'autres talents. Heureusement, ces élites ont retrouvé depuis le 14 janvier dernier leur vraie vocation d'intellectuels en oubliant leur indifférence vis-à-vis de la politique et leur égoïsme vis-à-vis des affaires publiques. De son côté et pour participer à cette dynamique, notre université devient progressivement comme c'est déjà le cas en Occident l'usine principale de toutes les nouvelles idées et elle commence de ce fait de s'immiscer dans ce processus vital de l'innovation imposée par la mondialisation. Depuis leur révolution, les Tunisiens portent désormais un regard critique et constructif sur leur entourage et sur leur époque, à travers les forums de discussion, les manifestations culturelles, les chaînes de TV numériques et les blogs sur Internet. Aujourd'hui, on dénombre jusqu'à 2.7 millions de comptes tunisiens sur Facebook à part nos compatriotes abonnés sur d'autres réseaux sociaux tels que Twitter, LinkedIn,…Ces nouveaux médias imposeront un changement de mentalité vers l'innovation et un regard nouveau que nous porterons au monde. Ce faisant, les Tunisiens se sont mis à partager une tendance libérale, démocratique, laïque, et parfois d'inspiration religieuse. C'est pour cela que la prochaine élection de l'Assemblée constituante est si importante en Tunisie. Des idées contradictoires se battent continuellement et on espère que cette confrontation restera pacifique. En effet, on ne sait pas trop ce qui va se passer après les élections du 23 octobre. Une chose est néanmoins sûre, c'est qu'on saura si on revient à nos réflexes archaïques d'antan ou si on va respecter les nouveaux principes apportés par la révolution et progresser vers la prospérité. Par l'égoïsme, nos 111 partis politiques ne cherchent pas –hélas- une confrontation profonde de leurs programmes et idées, mais plutôt des combines politiciennes pour arriver aux succès électoraux. Espérons que leurs regroupements récents en coalitions contribueront à l'exécution rapide du plan qui sera démocratiquement choisi pour relancer notre développement économique et social. D'ailleurs, depuis la révolution, nous parlons de beaucoup de sujets, certains plus importants que d'autres. Sur quelques sujets, nous progressons mais nous régressons sur bien d'autres. Discuter de notre islamité — par exemple — ne constitue certainement pas notre priorité absolue en 2011, ce n'est pas cela qui aurait changé l'ancien régime ni ce pourquoi les Tunisiens ont milité en janvier dernier. Traiter ce sujet avant la liberté d'expression, l'indépendance de la justice, la dignité… serait diversion risquant de nous faire sortir hors de notre champ de bataille. Avec de pareils sujets sensibles, nous ne pouvons que tourner en rond. Ne devrions-nous pas plutôt nous concerter autour de notre prochain plan de relance économique et sociale spécifique, générateur d'emplois, de richesses et de justice sociale, traitant les problèmes structurels en profondeur (ordre, libertés, justice, éducation, santé, finance, administration, autres secteurs, rôle du privé…), répartissant mieux la richesse générée, développant les vraies valeurs de notre société avec une moindre dépendance de l'international, une ouverture et une plus grande valeur ajoutée au niveau régional et mondial. C'est le vrai débat qui devrait animer nos médias et faire avancer les travaux de nos partis politiques, déjà en retard sur la définition de la construction attendue et déjà trop nombreux, la course au pouvoir ayant malheureusement pris le-dessus sur la course à la construction. Ce débat n'étant pas suffisamment avancé pour l'instant et faute de temps, de contenu ou de pédagogie, nous nous retrouverons à voter le 23 octobre prochain pour des équipes sur leur notoriété plus que sur leurs projets et leurs aptitudes à travailler ensemble pour réussir la transformation démocratique de la Tunisie. Alors que nous n'avons pas eu le temps de savourer notre unité récente et fragile, nous sommes déjà dans des batailles de divisions que nous avons fabriquées nous-mêmes. Espérons que les élections du 23 octobre, suivies des travaux de l'Assemblée constituante, ne nous dévient pas longtemps de l'essentiel, la vraie construction de la Tunisie avec le peu de ressources financières qui nous restent. Notre seule chance d'y arriver consiste pour chacun de nous et de nos leaders à remettre en avant l'intérêt supérieur de la nation (devant celui de leur équipe et de leurs élus ou électeurs privilégiés) fondé dans la mesure du possible sur un véritable amour pour la Tunisie et les Tunisiens, à respecter tous les Citoyens avec leurs besoins, attentes, sensibilités et différences, sans oublier leurs élus ou leurs électeurs, bref à faire une bonne place à ce qui deviendra le modèle Tunisien de démocratie participative, ce qui suppose notamment une bonne maîtrise de nos ego. Si nous réussissons ensemble ce challenge, la douceur de vivre en Tunisie serait de nouveau mieux partagée et bien plus qu'un slogan publitaire. Agissons ensemble pour nous-mêmes et gare aux fausses batailles !