Par Abdelhamid GMATI Un fait est là : nos compatriotes, nos électeurs, nous tunisiens, tous femmes et hommes, jeunes et moins jeunes, citadins ou provinciaux, cultivés ou analphabètes, riches ou pauvres, éveillés ou naïfs, tous nous sommes désemparés ! Il y a des élections devant nous. On nous dit que c'est très important. Que notre destin en dépend. Que c'est la volonté du peuple. Que c'est l'aboutissement de la révolution. Que c'est la concrétisation des objectifs de la révolution. Que c'est la voie qui va nous mener vers le bonheur. Que c'est le chemin de la liberté. Que les gens qu'on va choisir nous garantissent « l'Eden ». Que nous ne devons pas rater cette occasion unique sous peine de le regretter. On nous dit, on nous dit, on nous dit...Et on nous dit de choisir, chacun promettant le Bonheur, voire le Paradis. Mais cette campagne électorale nous place devant 10.937 candidats figurant dans 1.424 listes, pour obtenir un des 217 sièges disponibles pour représenter les 27 circonscriptions du territoire de la République tunisienne ou des six circonscriptions de l'étranger. O.K. En fait, nous n'avons jamais fait d'autre que choisir ; de gré ou de force. On nous a toujours invités, voire priés ou forcés, à aller choisir et à applaudir. Et pour paraphraser une célèbre chanson de Jacques Brel : «Nous n'avons jamais rien fait d'autre que voter». Et nous avons toujours été heureux de voir que nos candidats ont gagné. Il faut toujours être du côté des vainqueurs. Même lorsque par hasard, par calcul politique, ou par condescendance, il y avait des candidats autres que ceux du parti dominateur. Il fallait être opportuniste, réaliste, et donner un vote «utile». A quoi cela sert-il de donner sa voix à un candidat, à un parti qu'on sait perdants ? Devant nous, il y a une multitude de partis. Avec leurs listes de candidats. Et encore autant de listes d'indépendants. Et des centaines de candidats. On les voit défiler à la télé chaque soir à nous dire qui ils sont et ce qu'ils veulent. Formidable ! Du jamais vu ! On découvre des personnalités tunisiennes, nos compatriotes, que nous ne connaissions pas. Et qui ont des qualités. Et qui ont des ambitions. Et qui ont des rêves. Et qui nous aiment. Et qui nous font des promesses. Et qui prennent des rendez-vous avec notre avenir. Et qui nous disent que la Tunisie sera belle et merveilleuse. Rares ceux qui disent que si c'est pas sûr qu'elle soit belle, «ce sera peut-être». Et qui nous disent qu'on sera «riches et beaux», que nous n'aurons plus de problèmes grâce «à Dieu» et à eux, et que si on est barbu et si on cache les «gueules» des femmes, on ira au Paradis. On nous dit n'importe quoi. Souvent leurs propos sont amusants et dérisoires. D'autres ne savent pas ce qu'ils disent et ne savent pas que leurs propos tombent sous le coup de la loi, qui, appliquée, les enverrait en taule pour plusieurs années. Exemple : Rached Ghannouchi, lors du premier meeting de son parti Ennahdha, à Sidi Bouzid (remarquez l'opportunisme), s'attaque aux élites citadines, «arrogantes et dominatrices qui ont régné sur le pays» et décrètent que le moment est venu pour que les yousséfistes, les panarabistes, les Hmammas, les Fréchichs, les Majers, les Jlass, et autres laissés-pour-compte prennent le pouvoir. Si ce n'est pas là un appel à la division, au tribalisme, à la sédition, qu'est-ce que la sédition ? Que faire ? Partons du principe que tous ressemblent à l'ancien parti unique, qui ne voulait que le pouvoir. Leurs programmes se ressemblent et ressemblent à ceux du RCD : des théories et des promesses. Les personnages aussi avec plus ou moins de charisme et d'honnêteté. Par charité musulmane, ne rentrons pas dans le détail de leurs discours, leurs promesses et leurs actes. Alors ? De tous les maux, choisissons le moindre. A condition d'être vigilants.