Par Abdelhamid GMATI Plus on va, plus on évolue, plus le temps passe, plus on écoute, et le discours reste le même : “on était”, “on a vécu”, “Ben Ali était ceci, cela”, “Sa famille, celle de sa femme, lui, sa femme, faisaient ceci, cela”; “nous, on était ceci”, “on faisait cela”…On regarde vers le passé. Tout le monde regarde l'ère Ben Ali. A tort ou à raison. Vrai ou faux. Chacun fait son petit cinéma. On est tous des héros “méconnus” et il faut nous reconnaître. Joli, tout cela mais on marche à reculons. Rien qui nous dessine ou esquisse l'avenir. Un beau jour, nous nous sommes réveillés et nous nous sommes dits : “On est démocrates”. Les Tunisiens, aujourd'hui, s'estiment tous démocrates. Même ceux qui ne savent même pas ce que cela veut dire. Ils assimilent ce terme à la liberté, ce qui n'est pas tellement faux. Mais c'est quand même faux. Car la démocratie, c'est la liberté, certes, mais c'est surtout l'art de vivre “ensemble”. Ce qui est une restriction à la liberté. “Vivre ensemble” : un idéal, un objectif, un art. On se réfère et on se prévaut de la démocratie. Même les partis à dogmes se disent démocrates. Un paradoxe : la Nahdha, un parti religieux, basé sur les dogmes religieux, se déclare “démocrate”. Des partis d'extrême gauche, tout aussi dogmatiques, se basant sur “la faucille et le marteau”, se disent “démocrates”. Ce n'est pas un paradoxe, ils nous prennent pour des “idiots”, des “ ignares”. Un parti, un courant, qui se basent sur un dogme, c'est à dire “une affirmation considérée comme fondamentale, incontestable et intangible par une autorité politique, philosophique ou religieuse”, ne peut accepter une contradiction, une idée différente, une conception, une vision contradictoires. Et ils utilisent la force et la violence pour imposer leur conception. Le “vivre ensemble” impose la tolérance, le respect de l'autre, celle des idées différentes, le “coexister”. Or nos “démocrates”, ne pratiquent que l'exclusion. Notre “bon peuple”, lui, qui n'a jamais marché dans les rues de Sidi Bouzid, de Regueb, de Thala, de Kasserine et ailleurs pour dire son ras le bol de la marginalisation et pour exiger du travail et de la dignité, n'a pas parlé de “démocratie”; ça n'est que par la suite que les choses se sont enclenchées, ont été récupérées et ont évolué. Ce “bon peuple”, aujourd'hui, manipulé par on ne sait qui, veut exclure des gens, les marginaliser et perturber voire empêcher des réunions de partis dûment reconnus; de la démocratie ? Des partis et des “indépendants” passent leur temps et usent leur salive à s'invectiver et à s'exclure; de la démocratie ? Au sein des partis eux mêmes des divergences et des exclusions ont lieu; de la démocratie ? Les commissions et autres instances plus ou moins “ hautes” et “indépendantes” vivent la zizanie qui bloque l'évolution des choses; de la démocratie ? Toutes les bonnes volontés, et elles sont nombreuses, ont œuvré pour faire réussir cette révolution et contribuer à l'édification d'une démocratie, tellement voulue et revendiquer. La réalisation commence par cette inscription sur les listes électorales, histoire de bloquer toute tentative de fraude et d'empêcher, par exemple, que des morts votent ou qu'une personne ait le don d'ubiquité et vote plusieurs fois. Or pour des raisons multiples et compréhensibles, les électeurs tunisiens sont bloqués par une certaine paresse. Que font certains partis politiques, principaux concernés par ces élections ? Ils s'en délectent. N'est-ce pas, encore “aller à reculons” ? Croyons quand même à ce “génie” tunisien qui fait qu'on sait rectifier les choses, même à la dernière minute, et aller de l'avant.