• Le all inclusive se vend à 9 euros, alors que son coût de revient dépasse 24 dinars. • L'open sky sert les intérêts d'une entreprise au détriment d'un secteur. Entre le marteau des tour-opérateurs (T.O.) et l'enclume de l'endettement, sans parler des effets collatéraux de la révolution et ceux des crises récurrentes, le tableau sur lequel se dessine la réalité du tourisme tunisien est bien morne. Rappelons que ce secteur fut, longtemps, le pilier de croissance de l'économie nationale et même une success-story qui a inspiré des pays, devenus de nos jours de rudes concurrents. Pour reprendre du poil de la bête, il convient de se poser certaines questions et d'en tracer les réponses idoines. D'abord, comment les bâtisseurs-gagneurs d'hier sont devenus des losers? Ensuite, quel avenir pour le tourisme tunisien? C'est cette deuxième question qui a réuni les opérateurs du tourisme tunisien, tous métiers confondus, lors du forum organisé, récemment, à Tunis, par le magazine Tourisme info. Lors de cette rencontre, les professionnels ont discuté, sans détour, la situation du secteur et ont débattu tous les axes de l'étude stratégique du tourisme à l'horizon 2016. Cette étude a été réalisée par un bureau d'études international et présentée lors de la consultation nationale, le 9 octobre 2010. Elle est composée de cinq axes stratégiques, vingt actions prioritaires et 160 mesures. De la diversification de l'offre jusqu'à la restructuration financière du secteur, en passant par la promotion et le web marketing, l'étude semble aussi globale que précise. Une certitude cependant, elle ne fait pas l'unanimité des professionnels, affaiblis par les échéances du très court terme, et qui prônent un plan d'urgence en vue de réanimer les unités touristiques. En parallèle, certains estiment qu'on a sauvé l'arrière-saison, ce qui est de nature à préparer le terrain pour la prochaine saison. Sans doute, quoi que l'on pense, l'écart entre les objectifs ambitieux de ladite stratégie et la situation inquiétante risque de dénuer l'étude de ces vertus. Lors de ce forum, les participants s'accordent sur le fait que le secteur souffre de dysfonctionnements structurels et de crises conjoncturelles, bien avant le 14 janvier. Le sombre bilan de ces derniers mois n'est qu'une continuité des fausses performances, et des statistiques bien maquillées, de ces dernières années. Du coup, la dégradation de la compétitivité du secteur et de tous les corps de métier qui s'y rattachent est devenue inévitable. M. Mohamed Khechine, l'un des éminents hôteliers, a bien résumé la situation : «Depuis 2001, le tourisme accumule les pertes et les erreurs qui ont abouti à la situation d'un secteur malade et endetté». Cette situation a permis aux T.O. de mieux se positionner et contrôler le marché tunisien. «Ils s'attaquent aux hôteliers un à un. Pour tenter de brader les prix», explique-t-il. Et de préciser : «Un hôtelier endetté n'a pas la tête pour mener une campagne marketing». Ainsi, la formation de groupes de négociation avec les T.O. et l'assainissement financier des unités hôtelières sont les principales recommandations, voire deux conditions nécessaires, pour espérer redresser la barre. Le cri de détresse a été lancé par un autre hôtelier de la région de Monastir. Il s'interroge : «Avec une dizaine d'hôtels désertés et une majorité gérée par des T.O. étrangers… on doit avoir le courage de se demander si on a un produit touristique», a-t-il ainsi asséné. Dévoilant une forte baisse d'activité de 77% et un taux élevé d'endettement, l'hôtelier avoue que les professionnels sont obligés de vendre le all inclusive à seulement 9 euros. Ce prix n'est pas en mesure de couvrir les charges, mais il permet une continuité de l'activité. Face à ce grave déséquilibre financier, les mesures fixées par l'Etat, quoique utiles pour d'autres domaines d'activité, se sont avérées en deçà des attentes et des besoins des opérateurs du tourisme. De son côté, le produit saharien ne s'en tire pas mieux. «A Tozeur, parmi les quatorze hôtels, neuf sont fermés depuis longue date», précise le propriétaire d'une agence de voyages. Il déplore les nouvelles formes de bradage, dont les forfaits kilométriques de 1.400 km en 2 jours contre 700 km auparavant. Bien que séduisante au plan du parcours et bon marché, cette excursion s'avère une vraie course contre la montre et n'offre pas au client le temps nécessaire pour visiter convenablement la région et consommer les produits du Sahara, a-t-il noté. Dans le même sillage, un guide touristique a mis l'accent sur la confusion entre produit et ressources touristiques. «En dehors des zones touristiques, le guide n'a plus rien à montrer», précise l'intervenant. De même, le chevauchement des métiers a nui à plusieurs spécialités, ce qui est de nature à limiter l'offre et à dégrader la qualité des prestations. De toutes les façons, avec des hôtels fermés, d'autres désertés et certains incapables de régler les factures énergétiques, il est grand temps de mettre en œuvre un plan de sauvetage. Par la suite, on pourra adopter des orientations stratégiques claires et développer des ateliers thématiques pour hisser l'offre touristique et la vingtaine de métiers qui s'y rattachent aux standards internationaux.