Par Soufiane Ben Farhat Avec plus de 1.500 listes électorales en lice, la campagne électorale pour les élections de l'Assemblée constituante, le 23 octobre, constitue un observatoire de choix. Côté communication, les choses ne semblent guère au point. Aussi bien les partis politiques que les indépendants font montre d'affligeantes incuries en la matière. Ne nous y trompons pas : si notre classe politique n'est pas muette, elle bégaie. Et c'est désolant ce que certains de ses acteurs nous font endurer. Le b.a.-ba de la politique présuppose pourtant la communication. Autrement, les intentions des partis ou des individus demeurent lettre morte. Cela affecte tant la forme que le contenu. D'abord, la forme. Visiblement, les prestations des candidats lors des émissions radiophoniques et télévisuelles laissent à désirer. Les différents candidats disposent de trois minutes pour dire l'essentiel. C'est arbitraire mais c'est paradoxalement équitable vu le nombre des postulants. Et tant qu'à disposer de l'antenne, il vaut mieux en profiter comme il se doit. Or, tout compte fait, certains candidats auraient gagné à se taire. Ils débitent, la plupart du temps sur un ton déconnecté, un texte qu'on leur a probablement écrit et qu'ils ont assurément mal digéré. Et lesdits textes obéissent grosso modo à deux standards : soit la langue de bois classique, consistant à réitérer, sans conviction, des crédos et autres généreuses professions de foi. Dans ce cas, les propos se ressemblent tant, auprès des uns et des autres, qu'ils finissent par donner dans la banalité et suscitent le sentiment du déjà-vu-déjà-entendu. La crédibilité du candidat – et de son parti — s'en ressent. Autrement, et cela rejoint l'aspect contenu, c'est la langue de coton, consistant à broder des non-sens dans le registre de l'insignifiance. On l'a remarqué chez beaucoup de ténors des listes indépendantes précisément. Le propos est soit creux, soit extravagant. Il pèche par excès d'originalité ou surcharge d'inconsistance. Bref, ces textes finissent par devenir contre-productifs. Et rejaillissent négativement sur la personne concernée ou son parti, la plupart du temps sur les deux. D'ailleurs, on remarque l'uniformité de la campagne électorale ternie par des semblants de prestations falotes. Les affiches se ressemblent. Elles sont mal agencées, conçues au premier degré, sans inventivité, au degré absolu de la paresse mentale. Les slogans, eux, lorsqu'ils n'existent pas, rechutent dans l'unanimisme sommaire. Il y a très peu de banderoles, ni de gadgets, motifs et singulières bannières. Ecarté de prime abord, l'art demeure en reste. Point de desseins, de musique, de savoureux chants lors des meetings. Mais plutôt des dynamiques de groupes qui interpellent l'instinct grégaire et les réflexes conditionnés des foules. D'ailleurs, les espaces réservés à l'affichage dénotent d'un incivisme caractérisé. On s'étripe. On se déchire les affiches et placards électoraux les uns les autres. A telle enseigne que quelque parti historique s'est avisé de mobiliser des gardiens qui font régulièrement la ronde pour protéger ses affiches et dissuader ceux qui s'aviseraient d'aventure de les abîmer. Dans les journaux, à la radio, à la télé, sur les panneaux appropriés, dans les rencontres et meetings, c'est le même topo. Inconsistance sur fond d'uniformité. On dirait que les étourderies des uns et des autres se sont réunies en congrès. Tout le monde en rit. Ou presque. Parce qu'il se trouve toujours des gens contents de ces à-peu-près dont les effets sont véritablement ravageurs. En fait, en adoptant la langue de bois, les protagonistes enferment leurs propos et intentions dans une prison aux parois immatérielles mais tenaces. Raison pour laquelle, en matière de communication, tous les partis et un nombre considérable d'indépendants sont invités à revoir leur copie. Autrement, ils risquent de payer fort les effets pervers des contreperformances de leur com à-tout-va.