Par Saïda EL MAHERZI En ces jours de fièvre préélectorale et à l'approche de la fête de l'Evacuation, laissons-nous errer loin des sentiers battus, des querelles, plagiats et coups bas; éloignons-nous, de même, de ce petit monde en effervescence, éclos depuis le 14 janvier, des «Héritiers de…».. qui ne cessent de bandir, çà et là, de grands ciseaux triomphants, enfin de s'atteler à découper, à morceler l'histoire, chacun selon ses vœux… Mais l'histoire, telle Athéna, drapée dans sa dignité immuable, reste inaccessible aux tentatives de déviement, la vérité est son unique langage, les documents, son support, avec une seule devise: justice et réalité. A la veille du 15 octobre, je souhaiterais évoquer avec émotion et fierté l'une des plus grandes figures de notre pays. Un éminent patriote au long parcours de militantisme et de souffrances endurées pour l'indépendance, respecté et aimé pour son intégrité, son courage, sa droiture : Bahi Ladgham, hélas disparu et combien regretté. En ces temps agités, son amour de l'équité l'aurait fait entrer en lice, tel le gentilhomme qu'il était, afin de pourfendre certains falsificateurs actuels de notre passé… … Ainsi qu'il l'avait fait, il y a quelques années, au sujet de la Bataille de Bizerte. Sous l'impulsion et l'égide de l'Institut supérieur du l'histoire Mouvement national et du Centre Arpège de l'Université de Reims, sous le titre de : «Relations tuniso-françaises de 1945 à 1962, la parole aux témoins», un séminaire s'était tenu dans un hôtel de Tunis, les 10 et 11 mai 1996. En présence de nombreuses personnalités dont certains attachés militaires de l'ambassade de France, de l'époque, en particulier du Colonel Valentin. Dans un cours magistral, Si El Béhi devait contredire, haut et fort, les coryphées des ennemis du bourguibisme, alléguant que la bataille de Bizerte avait été une erreur. Remettant les pendules à l'heure et relatant l'enchaînement des événements ayant précédé le 19 juillet 1961, l'ancien secrétaire d'Etat à la présidence et à la Défense nationale devait évoquer, entre autres, l'entrevue orageuse qui avait eu lieu en son bureau de la Kasbah. L'amiral Maurice Amman avait osé s'y présenter en bras de chemise, arrogant et tonitruant, qu'il n'était pas dans l'intention de la France de quitter Bizerte ! Si El Bahi, pour l'anecdote, devait ajouter que dans la voiture l'emmenant au Palais de Carthage, il avait pris la décision d'édulcorer les faits afin d'éviter que le président Bourguiba, furieux de ce manque d'égard et de courtoisie envers le représentant de la Tunisie, ne prenne l'avion sur-le-champ, pour atterrir à l'Elysée. Une autre passe d'armes vigoureuse avait également eu lieu lors de ce colloque, au cours de laquelle Si El Bahi avait remis vertement à sa place, pour délit de mensonge et de calomnie, un «historien» acharné à déflorer le bourguibisme jusqu'au sein d'une des fondations de la place. Ce personnage avait déclaré que le président Bourguiba avait interdit à nos frères Algériens de disposer de leurs armes sur notre territoire, lors de la lutte pour l'indépendance de leur pays. Décortiquant le sujet, point par point, l'ex-secrétaire d'Etat devait mettre en exergue l'indéfectible solidarité de Bourguiba avec le peuple frère, aux risques et périls de notre jeune Etat encore fragile. Le 8 février 1958 n'avait été qu'une des conséquences de ce soutien inconditionnel à l'Algérie combattante, qui devait, une fois la liberté recouvrée, réserver au chef d'Etat tunisien un accueil inoubliable. A la sortie du séminaire, je tenais à remercier Si El Bahi au nom de la vérité, il me répondait, très simplement, «je vais de ce pas relater tout ceci à l'aziz el ghali», le Président Bourguiba. Paroles que je retransmis, mot à mot, aux membres de sa famille, lors de la douloureuse circonstance du départ de cette éminente figure de la nation. Face aux contre-vérités qui apparaissent çà et là, s'oppose dorénavant une Association nationale de la sauvegarde du patrimoine bourguibien ayant pour mission, également, d'ester en justice, contre toute diffamation. Poursuivons notre errance, retrouvons, le 12 août dernier la commémoration de la disparition d'un grand militant des premiers jours : Salah Ben Youssef. Certaines pages de notre passé sont douloureuses, mais la réalité doit primer à jamais. Des écrits de certains journalistes nulle critique, nulle interrogation n'ont jailli, afin de comprendre les raisons qui ont incité un militant, qui, l'indépendance acquise — but suprême de tout patriote — a volontairement quitté le parti, pour se mettre sous la bannière d'un nouveau pharaon. Sous prétexte d'arabisme, slogan créé afin de satelliser tous les pays alentour, les jeunes nations en particulier, Nasser n'a cessé de faire et défaire des unions éphémères et de fomenter des tentatives d'assasinat contre le président Bourguiba, rebelle à toute tutelle, à juste raison. Théâtre municipal, Assouan, Beyrouth en 65, nous les avons tous vécus, la liste est longue à laquelle se superposent celles fomentées par Ben Youssef lui-même. Le charisme de Bourguiba et son amour pour le peuple l'ont protégé, à chaque fois, alors qu'il était en ligne de mire. Des documents le prouvent, un chercheur de mérite, Omar Khalifi, les a publiés. Des armes à feu envahissaient le Sud à profusion. Une guerre de sécession se profilait. Quant à Nasser, sa politique outrancière devait aboutir au martyre que vit depuis 1967 le peuple palestinien, dont la tragédie ne cesse de s'interfèrer en nous. Puisse le soleil de notre Printemps l'inonder de ses rayons, afin que vive une Palestine libre. Puisse l'âme de nos héros de la lutte pour l'indépendance, de tous ceux qui sont tombés au nom de la patrie et de Bourguiba, à Bizerte, à Remada, les martyrs de la révolution du 17 décembre, les héroïques combattants des pays frères, puisse leur âme reposer en paix, bercée par le prières de nos peuples reconnaissants et fiers. Puisse notre bien aimée patrie poursuivre allègrement sa marche vers le progrès, par la grâce des citoyennes et citoyens magnifique de courage et de discernement, que nul ne pourra entraver dans leur soif de liberté et de modernité.