Par Mahmoud LARNAOUT Les Etats-Unis d'Amérique n'ont plus les moyens de leur politique. Les pays occidentaux et particulièrement les pays européens aussi. Leur déficit et leur endettement cumulés se comptent en milliers de milliards de dollars ou d'euros. Ils vivent depuis longtemps au-dessus de leurs moyens et continuent quand même à vouloir régenter le monde. Ainsi les dépenses des guerres américaines, celle inutile d'Afghanistan et celle mitigée d'Irak, ont coûté et coûtent encore des sommes colossales et nous n'en voyons pas la fin. Procédant ainsi, ils exportent leur inflation et l'infligent aussi bien aux Européens qu'aux pays émergents, ainsi qu'aux pays pauvres. La crise financière des subprimes de 2008 que l'on a plus ou moins maîtrisée par l'injection dans les banques de sommes énormes pour sauver le système financier et bancaire, est maintenant suivie par les menaces d'une nouvelle crise de cessation de paiement et peut-être même de faillite d'une bonne partie des pays d'Europe. Cette crise qui pointe à l'horizon sera, peut-être, plus importante que la précédente. Elle sera due, pour l'essentiel, à la grande fragilité des dettes souveraines des Etats, créances détenues principalement par les banques qui vont se trouver dans l'obligation d'en abandonner une bonne partie; il s'ensuivra une impérative recapitalisation de leurs fonds propres qu'elles ne pourront effectuer que par le recours aux apports des Etats, les investisseurs privés échaudés par la chute vertigineuse du cours des actions de ces banques, se garderont bien de mettre leurs billes dans ces paniers percés. Or les Etats en question sont lourdement endettés et fortement déficitaires. C'est le chien qui se mord la queue Cette nouvelle crise qui, nous l'espérons, sera atténuée grâce à l'apport du Fonds de stabilisation européen, se traduira, si elle n'est pas contenue au plus vite, par une austérité qui entraînera des coupes sombres dans les budgets des Etats et mènera à une récession de l'économie mondiale amenant son lot d'inflation, de baisse de la consommation et des échanges internationaux et de hausse du chômage. Notre pays ne sera pas à l'abri de l'impact de cette crise sur nos exportations, sur notre tourisme et sur la taille et le poids des investissements étrangers. Les effets perturbants de l'avènement d'une majorité islamiste à la tête du pouvoir politique risquent d'accentuer ces effets sur les secteurs économiques et financiers évoqués. Car, et compte tenu de cette nouvelle donne politique: - les touristes étrangers qui souffriront eux-mêmes de la récession, regarderont par deux fois avant de décider de passer des vacances en Tunisie - les investisseurs étrangers hésiteront aussi à venir s'implanter en Tunisie. Tout ce beau monde aura besoin de temps pour être convaincu des gages que le nouveau pouvoir d'Ennahda a donnés en matière de modernité, de modération, de tolérance et de sa volonté de maintenir le modèle de vie de la société tunisienne mais aussi de respecter surtout les libertés. Devant ces prédictions que j'espère fausses et compte tenu de nos difficultés économiques et sociales actuelles et peut-être futures, nous devons faire preuve: - d'un soutien mesuré et critique à l'égard de ce nouveau pouvoir légitime dont je ne partage ni les idées ni les méthodes - d'un redoublement d'effort dans le travail - d'un maintien de l'ordre et de la sécurité - d'un respect de la paix sociale - d'une imagination, d'une inventivité et d'une rigueur dans la gestion des affaires. Car nous sommes tous présentement dans la même galère, dans le même amour de notre pays, dans le même enthousiasme de notre révolution et dans la même fierté des élections que nous avons, pour la première fois, exercées librement. Peu importe que l'on taxe mes propos d'agitation de l'épouvantail islamiste. Ce n'est ni mon intention ni mon propos. Ces propos ne sont que l'expression de craintes légitimes.