Par Wafa Kammoun Si l'on pose comme axiome que l'instruction est la condition sine qua non pour tout progrès et toute évolution, et si l'on consent que l'Islam recommande avec insistance, et incite vivement à l'éducation et au savoir, je peux dire sans risquer de me hasarder que le modèle de société préconisé par l'Islam est un modèle de société progressiste, évolutif, ouvert, modéré, tolérant, pacifique, laborieux, vertueux et disposé constamment à faire le bien et éviter le mal... «Iqra' », tel est le premier verset « descendu » sur le Prophète...D'emblée, nous avons été invités à lire, à apprendre et à étudier... La lecture n'est-elle pas la clef pour accéder au savoir, acquérir la connaissance et apprendre la science dans tous les domaines ? Les premiers musulmans en ont conclu qu'il leur fallait traduire et étudier les ouvrages des Grecs et de leurs prédécesseurs, et apporter leur pierre à l'édifice du savoir à travers leurs propres recherches... L'Islam des origines a produit de grands mathématiciens, des physiciens, des chimistes, des alchimistes, des astronomes de premier plan et des médecins de grande renommée. Les premiers musulmans ont excellé dans toutes les disciplines de leur temps, tout en étudiant et en pratiquant leur propre religion... On a souvent tendance à croire que l'enseignement de la femme, la recherche scientifique et le processus d'éducation permanente sont une innovation des temps modernes... Ceux qui tiennent ce discours semblent négliger, voire ignorer, un chapitre important de l'histoire de l'humanité, à savoir la civilisation dans le monde arabo-musulman, et essentiellement l'éducation arabo-musulmane...- Dès l'aube de l'Islam, le Prophète Mohamed avait proclamé que «l'éducation est une obligation (un devoir) pour tout musulman et toute musulmane». Aucune discrimination et aucune distinction entre les hommes et les femmes... Il a introduit clairement la notion de pérennité de la formation continue. Le Hadith : «Eduquez-vous du berceau à la tombe» constitue le véritable fondement de l'éducation permanente. Durant toute la vie, on ne cesse d'apprendre... Dans ce même ordre d'idées, le Fakih l'Imam Abou Hamed El Ghazali considère que «L'homme demeure instruit et cultivé, tant qu'il continue à apprendre, mais dès qu'il cesse d'apprendre il devient ignorant.» Ce commandement du prophète, en instaurant le principe de l'éducation permanente, a, par là même, engagé les bédouins analphabètes (« Al-Aârabou ») des plus lointains confins du désert arabique sur la voie du progrès et du perfectionnement à tous les points de vue. Grâce à ce nouveau style de vie, ces nomades ont réussi à changer d'attitudes, de comportement et de mentalités. Ils sont devenus de véritables facteurs de changement d'eux-mêmes et de leur société. Le modèle éducatif en Islam n'est pas fermé. Il est ouvert sur tous les coins du monde. Il encourage la coopération entre les peuples. Le Prophète a fortement encouragé et incité les gens à apprendre, à étudier et à chercher le savoir dans les pays les plus lointains et les plus éloignés ? N'a-t-il pas ordonné aux musulmans «d'aller quérir la science même en Chine.. » ? Dans ce même ordre d'idées, Ibn Khaldoun disait : « Le jeune homme se doit d'effectuer des voyages, puiser aux sources en vue de compléter et de parfaire son éducation, de profiter des expériences d'autrui, de s'enrichir au contact des grands savants.». Les voyages culturels ont été d'ailleurs, entrepris par la grande majorité des savants et penseurs arabes qui ont considéré ces voyages comme étant une phase nécessaire à leur formation... A côté de l'éducation mentale, intellectuelle et spirituelle, l'Islam n'a pas omis la place de l'éducation manuelle et professionnelle... A ce propos, nous pouvons citer une belle phrase dite par le khalife Omar Ibn El Khattab : «Les mains ont été créées pour travailler. Si elles n'ont pas été initiées et entraînées à œuvrer et exercer dans les bonnes œuvres, elles déraperont dans les mauvaises œuvres, dans les mauvais actes et dans les affaires fâcheuses. Il faut donc les occuper à exercer dans les bonnes œuvres.» En effet, l'oisiveté est mère de tous les vices... Le modèle éducatif islamique n'est pas sclérosé, stéréotypé, stagnant, figé... Ecoutons le khalife Ali Ibn Abi Taleb, qui nous invite expressément à innover et à rénover, il disait notamment : «Dispensez à vos enfants un enseignement autre que le vôtre, car ils appartiendront à une génération différente qui est la leur.» L'Islam est venu pour nous libérer sciemment et non pour nous asservir. Omar Ibn El Khattab disait : «De quel droit oseriez-vous asservir des humains venus au monde libres de naissance... ? ». N'est-ce pas là une véritable déclaration des droits de l'Homme et des libertés individuelles ? Indéniablement, sans aucun doute, l'Islam avait sauvé la vie, l'honneur et la dignité des femmes. Dans la «Jahilya», la fillette était enterrée vivante : c'était une ancienne pratique des païens qui craignaient la pauvreté ou la capture de leurs filles par d'autres tribus. L'Islam a aboli cette pratique criminelle affreuse. Lire à ce sujet le verset 8 de la sourate 81 (L'obscurcissement). On ne prêche pas par la contrainte, ou par la violence. Dans la sourate 41, au verset 34, on peut comprendre qu'Allah nous recommande de repousser le mal par ce qui est meilleur; de telle façon que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. Nous pouvons dire en conclusion que le modèle éducatif islamique recommande le savoir, l'éducation permanente, le droit de la femme à la vie et à l'éducation. Il recommande de ne pas asservir les humains. Il incite au dialogue et à la non-violence. Il encourage l'esprit d'innovation et de rénovation. C'est donc un modèle évolutif et progressiste pouvant répondre aux ambitions et aux exigences d'une société éveillée et éclairée, studieuse et consciencieuse. C'est un modèle qui réconcilie le spirituel et le temporel, qui assure l'équilibre entre le psychique et le physique, qui réhabilite les valeurs humaines, morales et sociales, valeurs qui incitent à aimer les autres et à ne pas faire du mal à autrui. C'est un modèle qui accorde une place importante aux hommes de sciences et aux savants: notre Prophète Mohamed disait que : «Les savants sont les successeurs des Prophètes. ». Lison ce qu'avait écrit le Cheikh Abdelaziz Thaâlbi dans son livre : «L'esprit libéral du Coran» (Edition Ernest Leroux, Paris-1905): «Nous avons démontré que l'Islam impose dès le septième siècle de l'ère chrétienne l'instruction obligatoire pour tous les musulmans et musulmanes. Nous avons prouvé que la religion musulmane impose à tous ses adeptes la reconnaissance et le respect de toutes les autres religions monothéistes, qu'elle leur prescrit avant toute chose la liberté de croyance et le respect de toutes les opinions, qu'elle recommande l'amour du prochain, qu'elle admet le mariage entre les musulmans et les femmes non-musulmanes et qu'elle ordonne aux maris le respect de la religion de leurs femmes, et leur impose l'obligation de les laisser exercer librement leurs cultes et de les aider dans l'accomplissement de cet exercice. Nous avons démontré que la religion musulmane consacre le principe d'éternelles récompenses pour tous les hommes vertueux de toutes les autres religions. Toutes ces démonstrations nous les avons étayées de versets du Coran et de propos des Hadiths. Et, nous appuyant sur des faits scrupuleusement contrôlés par l'histoire, nous avons fait la preuve que l'interprétation libérale du Coran que nous avons adoptée, a fait avancer la civilisation musulmane au-delà de toutes les civilisations coexistantes pendant les premiers siècles de l'Islam... Nous avons ensuite établi comment l'interprétation fausse, erronée, haineuse et néfaste due en grande partie aux confréries a brisé cet élan merveilleux de la civilisation musulmane et a fait rétrograder les peuples musulmans...» Comme conséquence évidente qu'on peut déduire immédiatement de ce qui a été démontré, on peut établir sous forme de corollaire que «le modèle éducatif islamique est nécessairement un modèle progressiste, évolutif et non-rétrograde».