Par Hosni NEMSIA Le diable est dans les détails et il ne suffit pas d'annoncer des programmes électoraux pour pouvoir les mettre en œuvre. La réalité du terrain est minée de surprises, souvent mauvaises. Nul ne peut prétendre mettre en place une politique de réforme sans faire un état des lieux et un inventaire exhaustif de la situation existante. Une évaluation des politiques publiques, des programmes, des instruments, des actions et des services de l'Etat est actuellement plus que nécessaire. Malheureusement, un tel exercice peine à trouver des adeptes tellement la culture de l'évaluation est quasi absente. Sous le régime déchu, l'administration était réticente à effectuer des évaluations d'impact des programmes, considérées, a priori, politiquement incorrectes ou sensibles. L'ancien système fonctionnait de manière pyramidale, toutes les décisions émanaient de Carthage et personne ne pouvait les remettre en cause, ni en faire une évaluation objective pour assumer la responsabilité et connaître les conséquences. L'Etat reconduisait des programmes et des actions ayant atteint le plancher de la médiocrité en termes d'impact sur le développement de la société. Le résultat est on ne peut plus chaotique avec de programmes publics souvent inopérants, mais fortement consommateurs de ressources budgétaires et de moyens humains. Les différents partis politiques ont proposé, chacun selon ses moyens et sa vision, un programme de développement socioéconomique, ou plutôt les grandes lignes d'un programme sans aller au fond des choses. Le peuple tunisien a assisté à des débats sans fin autour de programmes politiques, sociaux et économiques flous, oubliant le fait que l'échéance du 23 octobre devrait permettre l'élection d'une Assemblée constituante dont le rôle essentiel est l'élaboration de la Constitution de la deuxième République. Une nouvelle équipe doit prendre la charge de diriger le pays, même si 2012 sera encore une année de transition, elle doit aussi apporter des réponses objectives à des interrogations lancinantes: Quel est le degré d'efficacité des politiques économiques et sociales menées jusqu'en 2011 ? Quel jugement peut-on avoir sur les résultats quantitatifs atteints et des conditions de leur réalisation ? La réponse à ces questions reste tributaire de l'évaluation quantitative de l'héritage social et économique des actions et politiques publiques. A l'évidence, il s'agit d'évaluer, à titre d'exemple, les services hospitaliers et sanitaires, les instruments d'insertion professionnelle (Sivp, Fonds 2121...), les services des agences de l'emploi, les instruments de la politique régionale (code d'incitation à l'investissement, programmes régionaux de développement...), les zones industrielles, l'environnement institutionnel des opérateurs économiques, les structures d'appui à la création d'entreprise (Apii, Apia, offices de développement, centres d'affaires, guichets uniques...), le système bancaire, les instruments de soutien et de lutte contre la pauvreté, le système éducatif, l'enseignement supérieur, le programme d'éducation des adultes, la formation professionnelle, les services consulaires, le système judiciaire (non pas la justice) et son système d'information, la politique foncière et son cloisonnement avec la politique de lutte contre la pauvreté... Cela est d'autant plus impérieux que la classe politique a découvert, non sans surprise, lors des dernières élections que près de 50% des électeurs potentiels n'avaient pas dépassé le niveau de la 6e année primaire et que les analphabètes se chiffrent à 1.700.000 individus. Ce phénomène avait figuré dans plusieurs rapports des Nations Unies désignant l'analphabétisme comme le point faible du développement humain en Tunisie. Une évaluation du programme d'éducation des adultes permettrait, par exemple, aux responsables politiques d'arrêter une stratégie, plus adaptée, d'éradication de l'analphabétisme en Tunisie à moyen terme. Cet exemple illustre la nécessité des évaluations. La finalité est de rendre transparents l'action de l'Etat, son impact prévisionnel et son objectif. Simplement, savoir par où commencer et où sommes nous orientés ? Cette exigence s'impose. H.N. (Statisticien économiste)