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Ennahdha face à elle-même ?
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 11 - 2011


Par Jamil SAYAH
Au lendemain de l'annonce du succès du parti Ennahda aux élections, une bonne majorité des Tunisiens est dans un état d'interrogation à l'égard de cet inconnu qui va nous gouverner. Elle oscille encore entre confiance et méfiance. Faut-il faire confiance à ce parti et lui attribuer le bénéfice de la résistance à la dictature ? Car, en principe, un parti qui a souffert de l'oppression ne peut point trahir la liberté qui l'a porté au pouvoir. Ou le rejeter ? Et donc ne point lui faire confiance car idéologiquement et structurellement, Ennahdha ne peut pas être en compatibilité avec les principes de la démocratie.
Cependant, même si ce doute est légitime eu égard à l'enjeu politique de l'arrivée d'un parti islamiste au pouvoir en Tunisie, il est de la responsabilité de chacun d'entre nous de ne point contester le résultat. Ennahdha a gagné démocratiquement sa place et son statut de parti majoritaire dans l'Assemblée constituante. Et c'est autour d'elle et avec elle que la majorité qui va gouverner le pays va se constituer. Point de doute. Reste à savoir qui sont ces Ennahdaouis qui vont nous gouverner ? Quelle est la typologie de ce parti jusque-là clandestin ? Comment est-il structuré ? Et quelles sont les forces politiques qui le composent ? C'est de la réponse à ces nombreuses interrogations que dépendra notre confiance ou notre méfiance.
1) La typologie du mouvement
Ennahdha est désormais un parti de gouvernement. Il n'a plus à se cacher. La mouvance doit paraître, à la majorité qui lui a fait confiance en votant pour elle et à tous les Tunisiens, à visage découvert. Fini la clandestinité et le fantasme qui entourent son mode de fonctionnement. La transparence est désormais de mise. Car si l'on admet le principe que gouverner c'est aussi communiquer, on ne peut tolérer l'opacité. On comprend alors quel service fondamental rend l'analyse de la typologie de ce parti aux Tunisiens. Elle a pour mission essentielle de rendre la composition de cette formation politique plus accessible et donc plus compréhensible par tous.
En effet, contrairement aux apparences, Ennahdha n'est point un bloc monolithique. Il est un parti pluriel. Il est un assemblage de courants politiques qui se fédèrent autour d'une certaine conception de l'Islam politique. Il s'agit d'une formation composée à la fois d'islamistes modérés, d'islamistes proches des Frères musulmans et d'islamistes fondamentalistes. Seul le traitement du réel par le mythe les réunit. Un tel rassemblement procède du projet politique. Ainsi, dans le projet islamiste, le recours au mythe de l'unité s'offre-t-il comme ultime solution à toutes les divisions qui caractérisent les autres partis politiques. Décomposé, le parti est plus faible que vivant et institué. Il devient imprévisible, sans discipline dogmatique, il ne transmet plus sous un rituel unitaire sa force réelle ou supposée. C'est l'indivisibilité qui devient le symbole d'une puissance politique autour de laquelle se déchaînent les forces destinées à conquérir le pouvoir. Et c'est cette unité dans l'apparence qui a rendu ce parti séduisant aux yeux de plusieurs de nos compatriotes qui face à l'émiettement du paysage politique et ne sachant pas pour qui voter, ont choisi Ennahdha.
Or cette unité n'est point un fait immuable. Ennahdha est un contenant à contenu variable. Sa composition est traversée par des courants contraires. Dans sa structuration réelle, elle est loin de l'image qu'elle cherche à donner d'elle-même. Son unité est vulnérable. Et plus le pouvoir se rapproche du mouvement, plus les dissensions se font jour. Entre M. Jbali, par exemple, chef de file des victimes de Ben Ali, et M. Ghannouchi, chef du canal historique du mouvement, la passerelle semble parfois rompue. Entre les cadres qui étaient en exil, en Europe notamment, et les militants de base du parti, la déconnexion est énorme: ils ne parlent pas le même langage et ne soutiennent pas les mêmes thèses. Mais la symbolique du Un dans ces mouvements est d'une importance idéologique : Dieu est Un, le Prophète est Un, le parti qui constitue leur porte-parole doit être Un et apparaître à tous comme indivisible. La fitna les obsède. Il faut donc tout faire pour éloigner ses causes. Mais ce déni de la division ne résistera pas longtemps à l'épreuve du pouvoir. Car l'équation qui lui a garanti l'équilibre dans la clandestinité n'est plus actuellement tenable. Il y a semble-t-il désormais plus de choses qui les dissocient que de choses qui les rassemblent. Alors qui sont-ils ces courants ?
2) Une composition fragmentée
Il y a d'abord ceux qu'on ne cesse de qualifier de modérés. Ils constituent une partie importante de la direction du mouvement. Ils sont plus proches, par leurs idées et leur conception de la politique, de l'AKP. Parti actuellement au pouvoir en Turquie, qui a compris que pour permettre à un mouvement d'obédience islamiste de gouverner, il faut qu'il accepte non seulement de diluer son extrémisme, mais surtout de se fondre dans les pratiques de la démocratie. C'est cette composante qui sert aujourd'hui de vitrine à Ennahdha. Elle cherche à rassurer et ne point effrayer ni les Tunisiens ni nos partenaires et amis étrangers qui ont les yeux braqués sur notre pays. L'ultime objectif, ne pas laisser subsister de doute sur la respectabilité du mouvement, sur sa bonne foi et sur sa compétence à gérer convenablement le pays. Pour ce faire, toutes les concessions sont permises mêmes celles qui sont aux antipodes de leur mode de pensée. L'essentiel : il faut faire bonne figure.
En second plan vient le courant classique des frères musulmans. Ce courant est plus proche du «Hamas» palestinien. Le chef de file de cette obédience est Rached Ghannouchi. Plus rigoureux, moins modéré, cette mouvance fait peu de concessions à la modernité. Elle cherche à imposer un retour intégral à l'Islam. Son objectif vise à mettre en pratique politique la totalité du dogme, ce qui définit «le fondamentalisme» au sens étymologique du terme. Le libéralisme qui infiltre leur discours est un fait maîtrisé. Il constitue une démarche consciente pour intégrer des éléments étrangers à leur corpus théologique. La loi, le peuple, la souveraineté ne représentent rien pour eux. En Islam, ce n'est point le peuple, mais la communauté des croyants la Umma qui symbolise le fondement théologico-politique de l'entité collective. La souveraineté ne peut être associée ni au peuple ni à la loi, il n'y a que Dieu qui est souverain. Et depuis que M. Jbali s'est déclaré candidat au premier ministère, les déclarations provocantes de M. Ghannouchi sur l'application de la «charia», le rejet de la langue française en la traitant de pollution..., montre bien que les deux hommes et les deux courants n'ont pas la même stratégie. On entend déjà le premier craquement d'un mouvement bientôt promis à d'immenses bouleversements. Ce courant «frères musulmans» veut rétablir l'unité des esprits pour sauver le parti. Il s'est emparé des thèmes fondateurs de l'Islam politique, par exemple la charia et son application, les valeurs morales de l'Islam et sa nécessaire traduction en principes politiques...en fait chez lui prétexte à une dénonciation obsessionnelle de la modernité. Les frères en gloussaient de plaisir.
La dernière des composantes d'Ennahdha, elle est de loin la plus importante, c'est la base du mouvement. Ces militants qui ont assuré par leur engagement et leur abnégation le succès sans conteste du mouvement sont encore en attente d'un geste fort et symbolique démontrant l'ancrage du mouvement dans sa tradition islamiste. Car la base d'Ennahdha est plus radicale que ses cadres. Elle est plus attachée à l'Islam traditionnaliste qu'à une pratique modérée de la religion. Ainsi, au moment même où elle dénonçait la laïcité comme ruineuse pour notre culture, cette base militante semblait s'ériger elle-même en vivante confirmation de la thèse radicale islamiste et prouver la prédominance absolue, en politique et en histoire, des préceptes religieux de l'Islam. Reprenant une tradition des siècles des conquêtes, celle des califats, celle de l'Islam «authentique», elle se trouve prête aujourd'hui à épouser des thèses radicales. Car, ce qu'on appelle «réalisme» dans le langage de cette mouvance, ce n'est pas loin d'être au fond du salafisme lui-même, envisagé aussi bien du point de vue de la pensée que du point vue de la pratique. Et ce phénomène se produit au moment même où le mouvement accède au pouvoir. La base va être intransigeante et le sommet sera obligé tôt ou tard d'en tenir compte; soit d'aller dans son sens au risque de se trouver en totale contradiction avec ses premières promesses ; soit de la contrarier au risque de se trouver coupé de sa masse militante. Grand dilemme. Mais il y a plus : à peine le parti s'est déclaré victorieux que la base aspire à s'assurer l'avenir qu'elle prétend être le sien. Elle veut s'ériger elle-même en valeur morale; et, par là, c'est elle-même qui ressuscite l'authenticité. Elle est contrainte d'agir et d'imposer. Comme le fait d'empêcher une enseignante d'assurer son cours à l'Université car elle était vêtue en jupe ou interdire à une autre d'enseigner un cours d'éducation religieuse car elle n'était pas voilée ... Ce genre d'incident va, malheureusement, se multiplier dans un avenir très proche.
Dès lors, il appartient à la direction du parti d'empêcher de tels débordements. A-t-elle réellement les moyens ? Peu importe la réponse à cette question, le mouvement se trouve aujourd'hui au milieu du guet. Il doit gérer non seulement l'ensemble du pays et ses énormes problèmes en souffrance, mais également ses propres contradictions qui constituent pour lui une réelle bombe prête à exploser à tout moment. La tâche n'est point simple. Elle est énorme. Ennahdha peut-elle rester unie jusqu'aux prochaines élections?


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