Dans cette cinquième manifestation publique qu'il organise, depuis le 14 janvier, le Réseau tunisien pour les droits, la liberté et la dignité a introduit, hier, la notion de « participation au pouvoir ». Après avoir abordé, tour à tour, les différentes problématiques qu'imposait la « transition démocratique », ce Réseau, que préside Dr Abdeljalil Dhahri, a voulu se pencher utilement sur une question qui taraude l'esprit des politiciens de tout bord en cette période post-électorale où l'on s'apprête à former un gouvernement que chacun affuble du qualificatif qui lui sied. « D'intérêt national », « d'unité nationale » ou « de coalition », le cabinet que se proposent de mettre sur pied Ennahdha, Ettakattol et le Congrès pour la République ressemble beaucoup à un gouvernement de consensus national autour du parti qui a obtenu le plus fort pourcentage de voix. C'est justement pour tirer au clair ces visions et concepts quant à la participation au pouvoir ou au gouvernement que le Réseau tunisien a organisé cette conférence à laquelle ont participé de nombreux leaders politiques. Et, même si de nombreux intervenants ont relevé, parmi les originalités de l'expérience démocratique tunisienne, que l'opposition s'est formée et déclarée avant la coalition de pouvoir, il est agréable de constater que les trois composantes du gouvernement pressenti étaient bel et bien présentes. Abouyaârab El Marzougui, tête de liste Ennahdha bien qu'indépendant, Khalil Ezzaouia, numéro 2 d'Ettakattol, et Samir Ben Amor, au nom du CPR, ont ainsi livré chacun le sentiment de son courant. En premier lieu, se dégage la volonté de voir le maximum de partis participer au gouvernement, et en tout cas au pouvoir. Car, comme le clame Abouyaârab El Marzougui, «le peuple ne veut pas d'un pouvoir, né de la révolution, qui se détournerait d'elle pour ressembler à l'ancien pouvoir». Car il est question de «redonner le pouvoir au peuple, les richesses au peuple, la dignité au peuple, la liberté au peuple et les valeurs de l'Islam et de la modernité jusque-là spoliées ». Et, pour Samir Ben Amor, «tous les Tunisiens doivent contribuer eux-mêmes à l'élaboration de la nouvelle Constitution», pour qu'elle «ne soit pas, comme en 1959, étrangère aux Tunisiens, avant de donner lieu à une dictature ». Et Khalil Ezzaouia de marteler : « Nous avons appelé tout le monde à participer au gouvernement ». Avant d'appeler à en finir de la manière la plus effective avec l'ancien système. Notamment en donnant toute sa place à la société civile et aux forces sociales, et en promouvant un 4e pouvoir crédible. Auparavant, Hamma Hammami, secrétaire général du PCOT, avait formulé un certain nombre de remarques sur le déroulement de la campagne électorale, tout en précisant que cela ne veut pas dire que son parti conteste les résultats des élections ou demande de les refaire. «Il faut corriger l'impression triomphaliste », précisera-t-il. Et Hammami d'énumérer les exigences dont il entoure la furure Constitution : elle doit représenter la volonté populaire et les objectifs de la révolution, elle ne doit pas contenir des revirements par rapport aux acquis démocratiques, citoyens et en matière d'égalité entre tous et toutes. Et pour lui, comme en guise de « participation », tout le peuple agira avec la Constituante: «la société civile, les forces sociales, la rue, les femmes ». Et il s'agit absolument d'inclure dans la Constitution les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que le refus de toute normalisation avec l'entité sioniste. Enfin pour Hamma Hammami, en aucune manière l'Emir du Qatar ne doit participer à la célébration du démarrage de la Constituante. Autres interventions, celles de Mohamed Kilani (PSG) qui appelle à une vraie citoyenneté évacuant la dimension religieuse dans les débats, et Abderrazak Hammami (PTPT) qui estime avoir le droit d'être « une opposition qui s'oppose, qui critique et qui propose ».