La route menant à l'Empire Studio en ce vendredi 18 novembre est boueuse. De gros nuages obscurcissent le ciel. Il avait beaucoup plu la veille. Il est midi, lorsque nous avons débarqué dans les studios de Tarak Ben Ammar. L'accueil est chaleureux. Moëz Ben Hassen, premier assistant réalisateur et directeur de casting des acteurs tunisiens, est derrière son ordinateur. Il prépare déjà le prochain film, Santa Barbara, qui sera tourné dans une semaine. Il ne nous en dira pas plus. Aujourd'hui, c'est le téléfilm Maria du réalisateur italien Giacomo Campiotti qui occupe les lieux. C'est l'avant-dernier jour de tournage. Une ou deux séquences à terminer et le travail sera clos. Depuis huit semaines et deux jours, Giacomo Campiotti et son équipe, composée d'à peu près 20% d'Italiens et de 80% de Tunisiens réalisent ce téléfilm de 200 minutes sur la vie de la sainte Marie. Inspiré de la Bible, le scénariste Francesco Arlanch donne une vision dramatique de la Vierge qui a enfanté Jésus. Produit par Lux Vide et Carthago films, l'œuvre, qui a coûté plus d'un million d'euros, sera diffusée sur la Rai Uno durant les prochaines fêtes de Noël. Un casting impressionnant Comme dans toutes les productions à caractère historique, le casting est assez impressionnant. Il est composé d'une vingtaine d'acteurs étrangers dans les rôles principaux et de 54 acteurs tunisiens dans des rôles secondaires et de quelque 2.000 figurants. Côté technique, plus de 60 techniciens tunisiens dans toutes les disciplines du cinéma travaillent sur cette production. Alissa Young, jeune actrice d'origine allemande, interprète Maria, Paz Vega campe Marie Madeleine et Andreas Pietschmann, acteur allemand joue Jésus. Ponce Pilate est campé par Remo Girone et Erod par Andrea Giordana. Pour ce qui est du reste de la distribution, on retrouve Hichem Rostom, Abdelmajid Lakhal, Anissa Lotfi, Mohamed Kouka, Fatma Zahra Maâtar, Mohamed Grayaâ, Ikram Azzouz et d'autres. Le film a été tourné dans différentes villes tunisiennes. Le village berbère à Zriba (Zaghouan) transformé en Nazareth. La grotte de Mahdia, l'une des plus importantes en Tunisie, a servi aux scènes de naissance de Jésus. Le Ribat de Monastir est devenu le marché central d'Al Qods. Le Ribat de Sousse s'est métamorphosé en palais royal de Ponce Pilate. Les environs du village de Bou Argoub, transformé en village de Cana, où Jésus et ses apôtres ont révélé la religion chrétienne. Les studios de Hammamet ont abrité durant cinq semaines, le gros du tournage. Avant de nous rendre à la pause-déjeûner, nous avons fait un détour par les magasins d'accessoires, une sorte de caverne d'Ali Baba, renfermant des stocks d'armures de toutes sortes et de toutes époques ainsi que des tas de bric-à-brac servant à toutes les catégories de films, principalement historiques. Les ateliers de décors sont impressionnants. Deux techniciens sont occupés à réaliser des murs en résine qui seront utilisés pour le prochain film. Nous traversons la place centrale de l'Empire Studio. Sur la façade de la cité romaine en béton ont été accolés les décors de la ville arabe avec ses moucharabiés du film Or noir de Jean-Jacques Annaud, qui seront utilisés pour une prochaine production. «Rien ne se perd, tout se gagne», se réjouit Moëz Ben Hassen qui travaille dans ces studios depuis une dizaine d'années. Il est 13h00, l'heure sacrée de la pause-déjeûner. Ici on ne badine pas avec la bouffe. Un restaurant est aménagé. Derrière les fourneaux, le chef assure une cuisine variée européenne et tunisienne. Il faut satisfaire tous les goûts. Aujourd'hui comme tous les vendredis au menu : couscous à l'agneau, mais aussi une ojja aux merguez, du riz blanc avec des légumes, de la salade, des fruits comme dessert. C'est un régal. «Et c'est tous les jours comme ça», nous confie l'un des techniciens. Au palais du roi Erod Pendant ce temps-là, le réalisateur Giacomo Campiotti et le directeur photo supervisent derrière le moniteur la séquence à tourner. Intérieur palais royal. Deux caméras sont proches de la scène où on aperçoit une jeune femme agenouillée devant le roi Erod. On ne saura pas plus. L'équipe d'assistants, très affairée, demande le silence. Les cadreurs font visiblement des essais. Le directeur photo contrôle la lumière sur le moniteur puis retourne sur le plateau pour donner quelques indications. Le temps s'écoule... On regagne la sortie en jetant, tout d'abord, un coup d'œil sur l'atelier des costumes. Sur la place principale de l'Empire Studio, des figurants, vêtus de leurs costumes d'époque, s'amusent entre eux en attendant le prêt-à-tourner (PAT). Aziz Ben Chaâbane, le directeur de production et directeur des studios est vigilant. «Ils vont prendre froid», lance-t-il. Il craint que l'un d'eux ne tombe malade et que cela retarde encore le tournage. Pour revenir à l'atelier de costumes, des milliers d'habits sont rangés sur des cintres. Une salle des costumes pour hommes renferme des vêtements de toutes les époques ainsi que des chaussures. Une autre salle est réservée pour les vêtements féminins et leurs accessoires: sacs et bijoux. Le chef d'atelier est occupé à préparer les costumes du prochain film. Pour Maria, il a habillé 300 acteurs et 2.000 figurants en costumes égyptiens, romains et de Jérusalem, dans des tonalités blanches et violets, comme indiqués par le réalisateur. A l'extérieur, un ouvrier teint en noir des costumes en cuir... «Au cinéma, il faut trouver des solutions», nous confie Moez Ben Hassen Les nuages deviennent plus menaçants quand nous quittons l'Empire Studios, avec l'idée que les tournages des films étrangers sont une bénédiction pour nos centaines d'acteurs et de techniciens tunisiens qui font montre, de jour en jour, de leur compétence, de leur sérieux et de leur discipline dans ce secteur artistique, source d'emploi, dont notre pays a grand besoin, en ces temps durs de crise économique.