• La Tunisie lance la première Carmma d'Afrique du Nord La mortalité maternelle est encore un fléau en Afrique, surtout subsaharienne, où une femme sur 13 décède des suites de complications liées à la grossesse, à l'accouchement ou à la période post-partum, contre une pour 4.000 dans les pays industrialisés. Dans le monde, elles sont encore 1.000 à mourir chaque jour des mêmes complications. Partant du principe qu'il est inadmissible moralement qu'une femme perde la vie en donnant la vie, les pays africains comme les autres nations se mobilisent pour préserver le droit de la femme à la vie au moment où une autre vie dépend de la sienne. Le monde s'est mobilisé depuis 1990 pour lutter de manière concertée et coordonnée contre la mortalité maternelle. Dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) fixés par les Nations-unies, le 5ème en l'occurence, il était convenu de réduire de trois quarts le taux de mortalité en quinze ans. Onze ans plus tard, les OMD traînent toujours en Afrique, surtout dans les pays les plus pauvres, et là où des avancées sont enregistrées au niveau du 5e OMD, il n'est pas sûr que l'objectif soit atteint en 2015. Tous les décès peuvent être évités Décidant de s'attaquer de front à cette question en mobilisant au mieux les capacités des 54 pays du continent, l'Union africaine a lancé en 2009 une initiative à l'échelle de l'Afrique : la Campagne d'accélération de la réduction de la mortalité maternelle en Afrique (Carmma). Hier, la Tunisie a officiellement annoncé le lancement de sa Carmma, la première d'Afrique du Nord et la 35e à l'échelle de l'Afrique. Le cadre est une conférence régionale organisée conjointement par le ministère de la Santé publique, les instances onusiennes dont le Fnuap et l'OMS et l'Union africaine. Dix-sept pays africains participent à cette conférence, représentés par des experts en la matière, des responsables de programmes de périnatalité et des professionnels de santé ainsi que des ONG spécialisées. Pour les experts, les taux de mortalité maternelle sont des indicateurs sensibles du niveau de performance de l'ensemble du système de soins mis en place dans un pays. Selon eux, tous les décès, dont 80% sont dus à des causes obstétriques directes (hémorragies, infections...), peuvent être évités grâce à des soins appropriés durant la période prénatale et postnatale, un suivi régulier de la planification familiale et une assistance médicale qualifiée au cours de l'accouchement et par des soins d'urgence en cas de complications sérieuses... Il y a aussi des causes indirectes des décès provenant de maladies, comme le VIH/Sida, le paludisme ou l'hypertension artérielle, et qui nécessitent un suivi médical régulier. Ce qui n'est pas toujours possible pour les femmes quand les conditions sociales et économiques sont difficiles. La mortalité maternelle, définie comme le décès d'une femme en rapport avec la grossesse depuis la conception jusqu'à 42 jours après l'accouchement, est considérée de ce fait par les instances spécialisées comme un des plus grands défis actuels de santé publique dans les pays africains. Elle pose avec acuité le problème des disparités géographiques en termes d'infrastructures de soins, de personnels soignants ainsi que de conditions socioprofessionnelles. Les soins sont plus accessibles pour une femme de condition aisée et habitant une grande ville de bien vivre une grossesse et de la mener à terme sans complications. Ainsi, la mortalité maternelle n'est pas un problème de santé seulement, c'est un problème également social, économique et même culturel. Dans ce contexte, le mariage précoce se présente comme un facteur aggravant, surtout pour les jeunes mères entre 15 et 18 ans dans nombre de pays africains et arabes. Impulser la coopération Sud-Sud En 2009, lors de la 4e Conférence des ministres de la Santé de l'Union africaine, à Addis Abeba, les pays africains avaient pris l'engagement de lutter de manière urgente contre ce fléau en lançant une stratégie d'action au triple niveau international, régional et national, intitulée « Campagne pour la réduction accélérée de la mortalité maternelle en Afrique ». Le premier niveau est consacré à la mobilisation de l'appui technique et financier, le second s'intéresse à la création et au soutien des réseaux pour le suivi des actions engagées pour la lutte contre la mortalité maternelle. Le troisième vise la promotion des politiques en faveur des droits des femmes, le renforcement des systèmes de santé délivrant les soins périnataux et de planification familiale, avec instauration d'un système de suivi et d'évaluation. En 2009, seuls 8 pays avaient lancé la Carmma. Aujourd'hui, ils sont 35 si on y ajoute la Tunisie. Avec un taux de mortalité maternelle de 44,8 pour 100 mille naissances, la Tunisie se prévaut d'une expérience et de potentialités non négligeables. Ayant basé sa politique générale de développement entre autres sur la promotion des droits des femmes, sur un programme de planification familiale d'envergure et sur le plus large accès possible aux services de soins de santé de base, la Tunisie se présente comme un pays «nanti» pour jouer un rôle d'avant-garde dans cette stratégie, tout en œuvrant à l'amélioration de ses propres indicateurs en matière de lutte contre la mortalité maternelle. Le lancement de la première Carmma à l'échelle de l'Afrique du Nord vise l'encouragement des échanges d'expériences réussies et des bonnes pratiques en matière de réduction de la mortalité maternelle entre pays africains et, surtout, la coopération Sud-Sud dans ce domaine. Les participants sont invités à se pencher sur les différents problèmes liés à la mortalité maternelle en Afrique et à élaborer la Déclaration de Tunis que le directeur général de la santé publique, Pr Mohamed Ben Salah Ben Ammar, qualifie de feuille de route traçant la stratégie à suivre pour réduire de manière accélérée et efficace la mortalité maternelle dans les pays arabes et africains.