Par M'hamed GAIEB Des rumeurs circulent en ces temps, sur Facebook et dans la rue, que monsieur X, neveu de monsieur Y, chef d'un parti politique, ou monsieur Z, membre influent de la troïka qui est en train de prendre les destinées de notre pays en main, va occuper tel poste ministériel, ou va être nommé à la tête d'une grande institution nationale. Si cela s'avérait vrai, nous serions alors devant un cas grave de népotisme et de clientélisme, qui consiste à mettre dans des postes de haute responsabilité, des personnes choisies uniquement sur les critères de loyauté et de fidélité à une personne ou à un parti, indépendamment de leurs qualifications ou leur capacité à remplir le fauteuil dans lequel on les fait asseoir. C'est la politique des clans. Tu es des nôtres, on peut te faire confiance, donc on te place sur l'échiquier. Que tu sois capable de servir le pays ou pas, cela n'a aucune importance. Cet esprit a prévalu durant la première République, avec les conséquences que l'on connaît. Il y a eu des choix heureux, quelquefois, mais dans la majorité des cas, les résultats ont été catastrophiques. Avec l'avènement de la deuxième République, nous devons veiller à ce que ces pratiques ne se renouvellent pas. Pour cela, notre nouvelle Constitution doit consacrer un de ses articles, comme c'est le cas dans d'autres pays, aux modalités de nomination des hauts responsables du pays (ministres, ambassadeurs, PDG et autres hauts postes de l'Etat). Cet article soumettra toute nomination à ces postes de haut niveau, sur proposition du chef du gouvernement, à l'accord préalable de l'Assemblée nationale dans le futur et de l'Assemblée constituante dans l'immédiat, avant d'être approuvée par le chef de l'Etat. Cet accord se fera sur la base d'un examen de chaque candidature, pour juger si la personne proposée est capable ou non de remplir sa mission dans l'intérêt du pays. On peut même prévoir une séance de questions-réponses à l'Assemblée, en présence de l'intéressé, pour apprécier davantage ses capacités. Ce principe doit être mis en pratique, dès maintenant, et figurer dans la Constitution. Ceux qui pensent que les nominations qui vont être faites sont provisoires et ne portent que sur une année (ce qui reste encore à prouver), je leur dirai que les mois à venir sont cruciaux pour l'avenir du pays, et que nous avons besoin des meilleures compétences de la nation pour être à la barre de tous les secteurs, politique, économique et social. Nous n'avons pas besoin de loyauté envers une famille, un clan ou un parti. La loyauté doit être pour le pays et le peuple. Nous n'avons pas besoin d'apprentis ministres qui vont se faire la main en forgeant. Nous avons plutôt besoin de forgerons chevronnés et expérimentés, surtout que le pays traverse maintenant une zone de fortes turbulences. Nous n'avons pas besoin de récompenser les vainqueurs des élections, en leur octroyant les gros morceaux du gâteau. Nous les avons élus pour rédiger une Constitution, pas pour être des ministres, ou nous imposer leur parent, allié ou partisan, pour faire partie du gouvernement. L'intérêt national doit être au-dessus de tout intérêt. Regardez ce qui se passe dans un pays voisin, l'Italie. Pour sortir de la crise économique qui la menace, elle a mis à l'écart un Berlusconi, aux racines pénétrantes dans les sphères politiques, pour le remplacer par un expert économique et financier, Mario Monti. Celui-ci a constitué une équipe de spécialistes, chacun dans son domaine, pour s'atteler à cette tâche difficile, à savoir sortir l'Italie de l'ornière. Et pour inspirer nos futurs membres du gouvernement, j'ajouterai que M. Monti a jugé de son devoir de patriote, dans cette période de crise, de renoncer à ses salaires de Premier ministre et de ministre de l'Economie et des Finances, espérant, sans leur mettre la pression, que ses ministres en feraient autant. Quel magnifique geste d'un grand homme d'Etat ! Mettre l'homme ou la femme qu'il faut à la place qu'il faut, au moment qu'il faut , est un acte de bonne gouvernance, que les millions de Tunisiens attendent. Mesdames et messieurs les élus, faites en sorte que ce vœu se réalise.