Par Farhat HACHED * Les propositions concrètes que recèle la contribution suivante s'adressent en priorité à M. Béji Caïed Essebsi, actuel chef du gouvernement, et plus généralement à l'opinion publique. C'est d'abord à l'homme politique, pour qui j'ai le plus grand respect, que je m'adresse.Notre pays traverse une période délicate de son histoire. Depuis le 14 janvier au soir, l'absence de ligne politique claire a grandement contribué à la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons. Depuis 45 jours, nous n'avons toujours pas de date pour les élections présidentielles. Le nouveau Code électoral n'a pas été élaboré. Nous n'avons pas vu de débats sérieux dans les médias et notamment à la télévision. Aujourd'hui, quand on discute avec les jeunes de la Kasbah ou d'ailleurs, on découvre à la fois une grande volonté de défendre les acquis de la révolution, une soif de démocratie et la peur de subir une nouvelle dictature, d'où l'insistance sur un «régime» parlementaire présenté par certains comme la «solution miracle». Il suffit parfois de moins de dix minutes de discussions pour apaiser la tension. M. le Premier ministre, le pays a un besoin urgent de voir s'organiser des débats de fond, avec la participation de politiciens, mais aussi d'historiens, de constitutionnalistes et d'intellectuels de tous bords, dans des émissions animées par des journalistes professionnels. Aujourd'hui, il paraît qu'il y a un consensus sur une Assemblée constituante. Je veux bien, mais pour constituer quoi‑? Une République‑?, mais nous sommes déjà une République. Si en France, les assemblées constituantes étaient instituées, c'est parce que, à chaque fois, la France sortait de monarchies, voire d'occupation. Pour la cinquième République, la question ne s'est pas posée. L'appel à la formation d'une deuxième République en Tunisie, quel que soit le système qui sera adopté, ne nous empêche pas de commencer par des élections présidentielles qui devront être organisées dans les plus brefs délais. Seul un président de la République démocratiquement élu aura la légitimité d'agir au nom du peuple, dont la seule et unique voix reste celle des urnes. Le président élu pourra procéder à une refonte de la Constitution, conformément à ce qu'il aura annoncé lors de sa campagne électorale. Monsieur, il y a urgence, le pays ne supportera pas une vacance du pouvoir. Monsieur le président ne le sera plus à partir du 15 mars. Pour cela, il est urgent de réfléchir après avoir annoncé une date pour l'élection d'un président civil, de constituer un collège pour diriger le pays jusqu'à la fin du processus électoral. Un comité que vous pourrez présider et qui devra compter, outre le chef d'état-major des armées, deux ou trois personnalités représentant les institutions de l'Etat. Vous serez utile plutôt qu'en tant que chef du gouvernement. L'absence d'un gouvernement ne constitue pas une vacance du pouvoir. Les ministres actuels ou de hauts cadres de l'administration pourront assurer l'intérim. Monsieur le Premier ministre, et là je m'adresse à l'homme de loi que vous êtes, je vous prie de transmettre sans délai les dossiers aujourd'hui confiés à la commission d'établissement des faits notamment, et la commission d'enquête sur les malversations et la corruption, à la justice. Un temps précieux peut être perdu, des éléments de preuves pourraient être souillés, voire perdus, des coupables pourraient trouver le temps de s'échapper. Les parents des victimes, de même que l'histoire, ne le pardonneraient pas. Toutefois, ces commissions pourraient jouer un rôle de suivi et d'étude dans le respect de la loi et surtout du secret de l'instruction. Monsieur le Premier ministre, je vous livre ma pensée et vous assure de ma confiance que vous allez prendre avec l'ensemble des patriotes les meilleures décisions pour l'avenir de notre jeunesse et la stabilité de notre pays. * Médecin dentiste